MATHIEU GRANGE
« J’utilise Twitter pour expliquer comment on bosse »

Mathieu Grange, éleveur en haute Bresse est l’un des agriculteurs aindinois les plus actifs sur les réseaux sociaux. Une façon, pour lui, de se battre contre les préjugés et d’exposer une vision positive du métier à un large public.
« J’utilise Twitter pour expliquer  comment on bosse »

152 « likes », 14 partages le 14 avril sur Twitter pour une photo de son fils avec un veau qui vient de naître.
73 quelques jours plus tard pour sa vidéo du chantier d'ensilage d'herbe...
Régulièrement, Mathieu Grange, éleveur de vache laitière à Courtes, en haute Bresse, publie sur Twitter photos et vidéos de ce qui constitue son quotidien d'éleveur : vêlage, moissons, affouragement, fenaison, traite, laminage du blé... accompagnées de quelques mots pour expliquer à quoi ça sert et le plaisir qu'il prend à pratiquer son noble métier.
Parce que ces gestes banaux aux yeux des professionnels paraissent bien exotiques à d'autres.

Contrer l'agribashing sur le même terrain

« On s'aperçoit que les gens sont déconnectés de nos métiers. Les réseaux sociaux sont des outils précieux pour montrer comment on bosse et pourquoi on fait les choses », résume notre « twittos », qui, pour l'instant, n'utilise que la célèbre plateforme de microblogging.
« Parce que c'est le premier réseau social que j'ai utilisé en 2015, suite à un congrès des JA ou on s'était dit qu'il fallait qu'on arrête de perdre du terrain sur le plan de la communication. Ça m'a tout de suite séduit. J'ai toujours bien aimé le lien avec les gens », analyse le jeune homme, toujours prompt à intervenir à la demande pour défendre l'agriculture et en vanter les vertus, notamment dans les écoles.
Et de lâcher : « Avec l'agribashing qui se répand sur les réseaux sociaux et toutes les attaques dont nous sommes victimes, il est urgent de montrer la vérité aux gens avant qu'ils entendent des conneries qu'ils prendront comme argent comptant. »

« On m'interroge plus souvent qu'on m'attaque »

Les contenus sont simples et sans calculs. « Je fais tout spontanément, avec mon portable. Les vidéos durent moins d'une minute trente. Je ne retouche rien derrière et publie directement sur mon compte. »
Les retours de ses quelques 1100 followers sont très majoritairement bienveillants. « Certains me disent qu'ils apprennent des choses, qu'on fait un beau métier... On m'interroge plus souvent qu'on m'attaque. »
Exercice d'autant plus pertinent « que la moitié de mes abonnés n'ont rien à voir avec le monde agricole (...) Un des aspects que nous offre les réseaux sociaux, c'est de toucher des publics qu'on ne touchait pas. L'idée n'est pas de ne parler qu'entre agriculteurs ou de sujets syndicaux », insiste le trésorier des JA AURA, également très investi dans la communication du CRIEL. « Ce n'est pas non plus de chercher à convaincre les véganes et les antis tout que nous ne convaincrons jamais, mais toucher ceux qui s'interrogent sur nos pratiques, sont parfois inquiets de ce qu'ils entendent, mais sont ouverts à discuter et cherchent des réponses. Quand un prof de région parisienne qui ne connaît rien à l'agriculture me suit et m'interroge, je me dis que c'est utile », sourie t'il.

« N'ayez pas peur »

Les journées de travail étant déjà assez longues, pas question de consacrer beaucoup de temps à l'oiseau bleu.
« Au début, j'essayais de publier un Tweet par semaine. Maintenant, je suis plutôt à un par jour. Cela ne doit me prendre que quelques minutes ».
Malgré les vœux pieux exprimés à chaque congrès syndical, afin que les agriculteurs lèvent le nez du pré pour investir les champs de la communication, dans les faits, dans l'Ain, peu s'engagent autant et aussi efficacement que Mathieu.
« Je pense que beaucoup ont peur. Peur que ça prenne du temps, de faire des fautes, de ne pas savoir se défendre s'ils sont attaqués. »
Les agriculteurs pâtissent aussi d'un manque de culture de la communication et d'une pudeur viscérale quand il s'agit d'exposer leur vie et leurs pratiques. « Faîtes des choses simples, oubliez les discours syndicaux et montrez juste les choses que vous faites. »
Si les réseaux sociaux s'avèrent de prodigieux vecteurs de diffusion d'information, ils privilégient surtout les interactions et les échanges entre membres. Dans tous les sens. « J'ai rencontré des gens grâce aux réseaux. Parfois des collègues qui me permettent de me confronter à d'autres techniques de travail et m'amènent à réfléchir. »
Septiques au début, ses associés semblent désormais convaincus de l'utilité de la démarche, en cette période de montée de l'agribashing.
Mathieu, quant à lui, nourrit avec d'autres collègues actifs le projet de créer un groupe dédié au niveau régional, un peu sur le modèle de FragriTwittos, une petite communauté d'agriculteurs et d'observateurs bienveillants de l'agriculture qui travaillent ensemble à communiquer positivement sur les métiers et les Hommes de la terre.

Etienne Grosjean