PISCICULTURE
Préserver la chaîne des étangs, une question de survie

Grâce à l’évolution des systèmes de production et la professionnalisation de la filière, produire du poisson de Dombes est aujourd’hui rentable. Reste l’enjeu majeur de la maîtrise de l’eau…
Préserver la chaîne des étangs, une question de survie

Malgré les pluies du printemps, les précipitations ont été insuffisantes pour les étangs de la Dombes. Après les sécheresses marquées de 2017 et 2018, la gestion de la ressource en eau demeure une problématique majeure pour la filière. Stéphane Mérieux, président du syndicat des étangs de la Dombes n'a de cesse de rappeler « qu'il faut gérer au mieux l'eau disponible, ne pas la gaspiller ni pour vous, ni pour vos voisins. Il faut envisager de « sacrifier » un étang en amont au profit de l'aval, en le vidant et ainsi compléter celui ou ceux en-dessous de la chaîne. Ces derniers seront alors dans de bonnes conditions pour produire ». Une évidence pour l'intérêt général de la filière piscicole dombiste et l'avenir de la production. Message réitéré la semaine dernière lors de la tenue conjointe des assemblées générales du syndicat et de l'Apped (Association de promotion du poisson des étangs de la Dombes).
La mise en assec est une des solutions pour optimiser la gestion d'une chaîne d'étangs. A ce titre, le Département, dans le cadre du 2ème Livre blanc de la filière piscicole 2017-2021 (780 800 € de subventions allouées en 2018 et 800 000 € engagés pour 2019), a répondu favorablement à la demande du syndicat des étangs pour un renouvellement d'un soutien financier à la mise en assec.
« Moyennant la justification de la mise en assec d'un étang au profit de la chaîne, une aide de 150 € par ha et plafonnée à 15 ha devrait être accordée. Les derniers critères d'éligibilité, dont à minima un travail du sol, sont en cours de validation et seront connus début juillet. Nous vous demandons néanmoins dès à présent de prendre les bonnes décisions, celles qui s'imposent dans le cadre de la bonne gestion de l'eau », précisait samedi dernier Stéphane Mérieux.

762 tonnes collectées en 2018

L'an passé, ce sont pas moins de 762 t de poissons qui ont été collectées, valorisées pour plus d'un tiers dans le repeuplement et le reste en consommation.
« 760 t, c'est malheureusement insuffisant pour assurer la pérennité de l'ensemble de nos outils de collecte », alerte Francis Ballandras, le président de l'Apped. Près 99 tonnes ont été transformées dans les ateliers adhérents à l'Apped et le reste dans des ateliers hors région, essentiellement dans le Haut-Rhin. « Après trois années de production difficile, 2018 est une année de référence, très bonne pour les étangs qui étaient pleins à la sortie du printemps. Une tendance à nuancer, car sur les étangs qui ont manqué d'eau, la production est en général nettement moins bonne, voire nulle. La reproduction naturelle a été importante, notamment pour les brochetons, sandrettes, feuilles et blancs. L'augmentation entre 2017 et 2018 du rendement net est éloquent : +
166 % ! », souligne-t-on à l'Apped.

Le bio : un potentiel de 80 tonnes en 2021

Dans les cartons depuis plus de dix ans, le projet de produire du poisson de Dombes bio avance à grands pas. L'été dernier, l'Apped, appuyé par Claire Baguet, référente agriculture biologique à la chambre d'agriculture, amorçaient les échanges avec l'Inao et Ecocert. Du fait des particularités de l'usage de l'eau en Dombes (réseau de fossés, droit coutumier local, réalités topographiques...), des négociations sont en cours avec l'Inao afin « que la Dombes soit globalement éligible à la bio, c'est à dire que rien n'empêche à priori un pisciculteur qui le souhaite d'entrer en conversion ». Aujourd'hui, trois étangs sont officiellement en conversion bio et huit producteurs se disent intéressés pour passer tout ou partie de leur production en bio. Ainsi, lors des pêches de l'automne 2021, c'est potentiellement 80 tonnes de poissons bio qui pourraient être certifiés, dont la moitié de carpes. Une commission a été mise en place à l'Apped afin de coordonner et d'animer cette filière bio en devenir, partager toutes les informations utiles (fournisseurs d'aliments, financements possibles, etc.), poursuivre les négociations avec l'Inao, accompagner les nouveaux volontaires, assurer la veille réglementaire.

Patricia Flochon

Les chiffres clés de la filière (2018)

 

• 762 t de poissons collectées (+ 21 %
/ 2017, - 27 % / 2016, - 38 % / 2014)
• + 19 % de chiffre d’affaires (2018 / 2017)
• 68 % de carpes sur la collecte totale, soit
518 tonnes
• 36 % valorisés en repeuplement, soit 277 tonnes
• 62 % valorisés en consommation, soit 356 tonnes
• 610 étangs pêchés par les adhérents de l’Apped
• 263 kg/ha de rendement net (158 kg en 2017, 240 kg en 2016)
• 362 €/ha en marge brute (contre 218 € en 2017)
• 3 transformateurs Apped : Homards Acadiens, Fumet des Dombes, Sarl Fenouillet
87 t valorisées en Poisson de Dombes en région AURA (37 t en 2014).

 

En bref

Avec un rendement moyen net de 260 kg/ha et une marge brute moyenne supérieure à 350 €/ha, l’activité permet de dégager un revenu correct.

 

carpe / Le saviez-vous ?
La carpe est le poisson le plus consommé au monde : 29 millions de tonnes par an, contre trois millions de tonnes pour le saumon et la truite.
La carpe est l’un des poissons les moins gras du marché : 90 Kcal / 100 gr, riche en oméga 6 et oméga 3.
Lors d’épisodes de sécheresse, c’est le poisson qui résistera le plus longtemps.

A la conquête de nouveaux marchés
L’effort des transformateurs « Poissons de Dombes » pour conquérir les consommateurs régionaux s’est traduit par la création d’une offre diversifiée et gastronomique. La savoureuse et très prisée goujonnette est régulièrement proposée à la dégustation lors d’animations locales. La notoriété des rillettes ne cesse de progresser, avec à la clé des médailles obtenues lors du concours général agricole. La carpe de Dombes est présente dans la majorité des magasins régionaux sous de multiples formes : fraîche, fumée, en conserves ou surgelée. Mais aussi des produits élaborés à base de carpe telles les quenelles
(20 % de carpe), le cervelas (32 %), les terrines (50 %), les marinades ou encore les soupes… En 2018, le Fumet des Dombes a créé le Nugget de carpe, un véritable succès !

Cuir de carpe : on passe au tannage végétal !
La marque « Cuir de carpe de Dombes » est en plein développement. Accessoires, maroquinerie de luxe, coutellerie… les idées cadeaux sont multiples. La nouveauté : un changement de tanneur (le précédent, basé en Bretagne, a pris sa retraite) pour passer au tannage végétal avec l’entreprise Cuir Marin de France basée à Saint-Fons dans le Rhône. Quant aux collections, l’Apped a travaillé en collaboration avec une école de design à Genève afin de développer des nouveautés et nouvelles teintes de cuir. A suivre…