HISTOIRE
Un nouveau livre sur l’histoire de l’agriculture de l’Ain

Propos recueillis par S.B.
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En avril 2023, l’association Mémoire de nos campagnes publiera le deuxième tome de l’histoire de l’agriculture de l’Ain. Jean Merle, son président, détaille pour nous l’objectif de l’édition de ce nouveau livre.

Un nouveau livre sur l’histoire de l’agriculture de l’Ain
Couverture du livre « Les Semailles du progrès » dont les 372 pages qui couvrent la période 1945-2000. PHOTO/DR

Le premier livre publié en 2018 par votre association traitait de la rivalité qui existait dans l’Ain entre les organisations du Sud-Est et celles de l’Ain. Quel est le thème principal de ce nouvel ouvrage ?
Jean Merle : « Le premier livre, « Un Duel entre ciel et terre », couvrait la période entre 1884, avec la création des syndicats agricoles, et 1945, avec la Libération. Il racontait beaucoup, à travers l’histoire de l’agriculture de l’Ain, cette dualité politique et religieuse que nous sommes nombreux à avoir connue. Dans ce nouveau livre, « Les Semailles du progrès », nous voulons raconter la période 1945-2000 et nous attacher à montrer comment, en cette fin de XXème siècle, les agriculteurs de l’Ain se sont inscrits dans le formidable progrès technique et économique que Michel Debatisse qualifiera dans un livre de « Révolution silencieuse ». »
 
En quoi cette « Révolution silencieuse » a-t-elle été remarquable ?
J. M. : « Les jeunes générations d’aujourd’hui ne se représentent pas les conditions de vie et de travail imposées aux agriculteurs au sortir de la guerre. Le travail était pour l’essentiel manuel, les tracteurs rares, les céréales produisaient 15 à 20 quintaux à l’hectare, une vache donnait 1 500 litres de lait par an… Les femmes étaient à la peine, il fallait piocher à la main les betteraves, le maïs, la vigne et subir à la maison une pénible cohabitation avec souvent le jeune couple, les parents et les grands-parents sous le même toit… Tout à coup, dans les années cinquante, la jeune génération de paysans, formée dans les mouvements de jeunesse, notamment la JAC, a voulu s’émanciper et rompre avec les pratiques anciennes. Elle a voulu s’approprier le développement de la mécanisation et semer des hybrides, participer à la révolution fourragère, accéder à des marchés lointains conquis grâce à l’action de nos coopératives… Ce progrès, bien accompagné par les lois d’orientation agricoles de 1960 et 1962 voulues par le général de Gaulle et son ministre Edgard Pisani, a permis à notre agriculture d’accéder à la modernisation et, à la France, d’atteindre une autosuffisance alimentaire qui lui faisait cruellement défaut. »
 
L’Ain a compté un grand nombre de puissantes entreprises coopératives. Comment expliquez-vous les défaillances de l’UDCA et sa disparition ?
J. M. : « Les lois du marché et de l’économie sont impitoyables. Dans un souci de préservation des intérêts des agriculteurs coopérateurs, les dirigeants de l’UDCA ont maintenu des prix garantis aux producteurs supérieurs à ceux que les marchés permettaient. Cette situation ne pouvait que conduire au désastre et c’est ce qui s’est produit. Notre livre racontera cet épisode comme il évoque l’histoire de la viticulture départementale, l’invention du Bresse bleu à Servas, la création de France-lait, le rachat par les fromageries coopératives de l’Ain de leur affineur Reybier ou l’histoire de l’enseignement agricole dans l’Ain ou encore comment la politique de la montagne a été déclinée dans le Bugey. »

                                                                               Jean Merle. Photo/DR 

Comment est réalisé et comment se présente ce nouveau livre ?
J. M. : « Pour la réalisation de ce deuxième tome de l’histoire de l’agriculture de l’Ain, nous avons constitué un groupe de contributeurs placé sous la direction de Serge Berra, déjà auteur avec Jean Dumont du premier tome. Ce groupe d’anciens collaborateurs de nos organisations professionnelles agricoles a apporté son concours rédactionnel ce qui nous amène à proposer un livre de 372 pages largement illustré avec pour titre : « Histoire de l’agriculture de l’Ain 1945-2000 : Les Semailles du progrès ». Dès maintenant, nous lançons une souscription pour permettre à chacun de retenir un ou plusieurs exemplaires à un tarif préférentiel. Ensuite, l’ouvrage sera mis en vente à partir du mois d’avril 2023 dans différentes librairies du département à un prix supérieur. Par ailleurs, et pour répondre à une certaine demande, nous avons décidé de réimprimer 200 exemplaires du premier tome épuisé « Un Duel entre ciel et terre ». Les deux tomes, réalisés dans un format identique, pourront être réunis dans un coffret qui, en plus de constituer un beau cadeau, permettra d’accéder à l’histoire d’un siècle d’agriculture dans l’Ain. C’est un travail de recherches qui éclaire notre passé récent et que peu de départements ont entrepris. »

Mémoire de nos campagnes : du syndicalisme à l’associatif

L’association a fêté ses vingt ans en 2022, pourtant, elle n’est plus si jeune. Aux origines, elle est un syndicat, le Syndicat agricole de Bourg-en-Bresse, né en 1889 avec pignon sur rue. A l’époque, explique le premier tome « Un Duel entre ciel et terre », « l’activité se limite à réunir les responsables agricoles de l’Ain issus de l’Union du Sud-Est et de gérer ses biens ». Politiquement opposée aux idées de l’Est-Central, le syndicat incarne alors la dualité entre les organisations professionnelles agricoles du département. « Pérenniser la mémoire des anciennes organisations du Sud-Est », tel est ainsi le rôle du syndicat.
Sa raison d’être évolue avec la fusion des OPA. On ne fabrique plus d’anciens du Sud-Est, alors en 2022, Jean Merle, fraîchement élu président, propose de transformer le syndicat en association et de la baptiser Mémoire de nos campagnes. Héritage d’un syndicalisme exclusif, l’association incarne depuis à elle seule la victoire de l’unité professionnelle si chère à son président.
Aujourd’hui, l’association poursuit son rôle mémoriel en participant à divers projets d’information sur l’agriculture du département. Prochainement, elle devrait organiser une conférence sur l’histoire du loup dans l’Ain depuis le XVII ou XVIIIème siècle, en se basant sur des travaux de la société d’émulation de l’Ain.
Malgré son dynamisme, Mémoire de nos campagnes est toujours ouverte à l’engagement de nouvelles pousses pour agrandir ses rangs, dont la plupart sont désormais à la retraite. Jean Merle lui-même a d’ailleurs annoncé qu’il souhaitait passer le flambeau en 2023, et émis un dernier souhait : « Je ne l’ai pas fait parce que je n’ai pas eu le temps, d’autant plus avec la Covid, mais en partant je leur dirai que l’association pourrait coopérer davantage avec d’autres associations et instances, notamment la société d’émulation. »

M.L.M.