Mobilisation
Entretien des cours d’eau : la colère déborde

La profession agricole est excédée d’être noyée sous les normes et un millefeuille administratif qui coûte cher non seulement à la profession mais aussi aux collectivités. A l’exemple de certaines aberrations liées à l’entretien des cours d’eau, dénoncées lundi dernier sur le terrain, lors d’une opération de curage à Pont-de-Vaux.

Entretien des cours d’eau : la colère déborde
A l’initiative de la FDSEA et des JA, curage d’un bief sur la commune de Pont-de-Vaux. ©PF

Il en aurait fallu plus pour les arrêter. Malgré les vents violents de ce lundi, Jeunes Agriculteurs et FDSEA ont mobilisé leurs réseaux sur le canton de Pont-de-Vaux. Une quarantaine d’entre eux avaient répondu à l’appel pour assister à un curage de bief en sortie de commune. Une initiative pour dénoncer les difficultés réglementaires liées au curage des cours d’eau le long des parcelles agricoles. Hugo Danancher, président des JA du canton, connaît bien le sujet. Il expliquait lundi : « On est en zone Natura 2000. Le bief recueille les eaux pluviales, de station d’épuration et les eaux de drainage. Non entretenu, il était complétement envasé. On a pris l’initiative (FDSEA et JA) de le curer. En 40 minutes, 326 mètres ont été curés, pour un coût de 85 € de l’heure. La facture sera envoyée à la Communauté de communes. On voulait un exemple parlant et qui relève d’une problématique locale pour dénoncer la complexité de la machine administrative ; une réglementation qui décourage les élus d’entretenir nos cours d’eau. »

Et de citer un exemple des plus parlants : « A Arbigny 1,8 km avait été entretenu par la collectivité pour un coût de 52 000 € et la pelleteuse n’était restée qu’une journée, avec des frais exorbitants en bureaux d’études. Et bien souvent la Dreal *, lorsque les communautés de communes font des demandes d’entretien, donne soit des avis négatifs soit demande des compensations. »

Parmi les agriculteurs présents ce matin-là, Frédéric Foray, éleveur de génisses à l’engraissement à Saint-Martin-le-Châtel, confie un certain ras-le bol : « Le problème, c’est qu’on a des fossés qui se bouchent à cause des ragondins. Je suis moi-même piégeur agréé, mais on n’arrive pas à les réguler. Le ragondin fait descendre les berges et ça déracine des arbres. C’est long avant d’obtenir les autorisations, sans oublier les écolos qui bloquent si on trouve une salamandre ou une autre espèce protégée. Il faudrait aussi employer d’autres mots que le curage, comme la remise en état par exemple, car l’impact serait moins violent dans l’inconscient collectif. »

« On ne lâchera rien »

En fin de matinée, direction la Maison de l’eau et de la nature de Pont-de-Vaux. Rejoints par Luc Smessaert – vice-président de la FNSEA, éleveur dans l’Oise en Gaec polyculture élevage avec son fils – Jonathan Janichon, le président de la FDSEA et Justin Chatard, président des JA, sont tour à tour revenus sur les revendications liées au mouvement. Et Jonathan Janichon d’expliquer : « On a décidé cette fois-ci d’une autre méthodologie d’action avec pour mot d’ordre : pas de blocages, pas de dégradations. Les feux de la colère aux ronds-points ont bien fonctionné. Il est important de bien faire comprendre qu’il faut interdire l’importation de produits que l’on nous interdit nous-même de produire. On demande à pouvoir travailler plus efficacement, plus simplement. Les contrôles, on n’est pas contre, mais on demande plus de pédagogie que de répression. »

Et Justin Chatard de rappeler que la démarche s’inscrit dans un mouvement national : « Nous avons obtenu certains acquis syndicaux, mais on doit aller encore plus loin. La semaine dernière nous avons bâché les panneaux de plus de 220 communes et allumé sept feux de la colère. On montre qu’on est toujours là et qu’on ne lâchera rien. On compte sur vous, sur les territoires, pour porter le message. »

« Enlever les boulets qu’on traîne depuis une trentaine d’années »

Luc Smessaert (en charge des questions liées à la fiscalité, le social et la simplification) annonçait quant à lui que la semaine dernière la FNSEA avait présenté 34 mesures de simplification directement applicables à la ministre de l’agriculture, Annie Genevard : « Un premier jet, car on a encore une pile qui arrive derrière. » Et d’insister : « La première semaine de mobilisation a porté surtout sur le Mercosur. La deuxième vise à enlever tous les boulets que l’agriculture a aux pieds depuis une trentaine d’années. L’élément essentiel étant d’avoir du revenu, et de la reconnaissance. Le Mercosur n’est pas signé. J’espère qu’ils ne nous le ferons pas à l’envers. Il faut changer de logiciel. »

Parmi les autres dossiers évoqués : la prédation. Selon le vice-président de la FNSEA, les règles trop contraignantes dans le cadre de la prédation limitent l’action de l’agriculteur et empêchent la défense des troupeaux ; il est impératif que les tirs de défense puissent systématiquement être appliqués. Autre impératif : faciliter la compréhension de la législation liée à l’entretien des cours d’eau et des fossés avec comme proposition la création d’un guichet unique d’information sur leur entretien, ainsi qu’un guide ; et revoir les seuils d’autorisation et de déclaration. Et Luc Smessaert de marteler : « C’est indispensable que l’on nous fasse confiance et que nos politiques nous soutiennent. Il faut ramener du bon sens paysan. »

Concernant la loi de finances, s’il se félicite des avancées concernant la TFPNB ** (dont le dégrèvement passe de 20 à 30 %), ainsi que la prise en compte des 25 meilleures années pour la retraite agricole, Luc Smessaert déplore que « l’an dernier Gabriel Attal avait annoncé 100 M€ sur des prêts de trésorerie, il ne s’en est pas fait un seul ! On a besoin d’engagements, que les politiques passent des paroles aux actes. Notre détermination est totale. »

* Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement.

** Taxe foncière sur les propriétés non bâties. 

Patricia Flochon

 

 

Une quinzaine d’agriculteurs mobilisés lundi devant l’OFB à Birieux

Lundi, à l’autre bout du département, une quinzaine d’agriculteurs (JA et FDSEA) se sont retrouvés en fin de matinée devant les bureaux de l’Office français de la biodiversité (OFB) à Birieux. Après la pose de banderoles, le groupe – Théo Morin, secrétaire général des Jeunes Agriculteurs et Jérôme Martin, secrétaire général de la FDSEA, en tête de file – ont pu échanger avec son directeur. Ainsi que l’explique Jérôme Martin, « le dialogue a porté sur les contrôles ; contrôles que la profession souhaitent pédagogiques, plutôt que de sanctionner directement. On est vigilants par rapport à la rédaction du contrôle unique. On ne veut pas que sous prétexte qu’il n’y en ait qu’un qu’il dure deux jours avec plusieurs administrations. C’est déjà suffisamment stressant et contraignant pour l’agriculteur. On demande aussi qu’un document précise le comportement que doit avoir un contrôleur vis-à-vis des agriculteurs. En quelque sorte une « charte de bonne conduite », pour que cela se passe dans les meilleurs conditions. » Et lui aussi de redire « qu’il faut évoluer, changer de logiciel, et avancer avec des actes concrets. Les simplifications accordées jusque-là sont plutôt légères. »