REGLEMENTATION
L’avenir du cuivre inquiète l’agriculture biologique

La Commission européenne doit décider dans les prochaines semaines d’un éventuel changement de réglementation sur l’utilisation du cuivre, accusé de détériorer les sols et les eaux. Une situation qui inquiète les producteurs bio. La Fnab demande au gouvernement un plan cuivre.
L’avenir du cuivre inquiète l’agriculture biologique

Réglementation / La Commission européenne doit décider dans les prochaines semaines d'un éventuel changement de réglementation sur l'utilisation du cuivre, accusé de détériorer les sols et les eaux. Une situation qui inquiète les producteurs bio. La Fnab demande au gouvernement un plan cuivre.
L'avenir du cuivre inquiète l'agriculture biologique
L'utilisation du cuivre doit-elle être plus strictement encadrée ? C'est la question à laquelle vont devoir répondre la Commission européenne et les États membres dans les prochaines semaines. L'homologation de ce produit, utilisé comme antibactérien et fongicide, prend fin en janvier prochain. Aucun consensus n'apparaît pour le moment au niveau européen sur l'avenir de ce produit, dont l'autorisation a déjà été renouvelée temporairement pour un an en janvier 2018. Les experts des Vingt-huit, réunis à Bruxelles, ont d'ailleurs reporté le 24 octobre leur vote sur la proposition de la Commission européenne. Celle-ci prévoyait de réautoriser pour sept ans le produit, sur la base d'un plafond de 4 kg/ha/an (contre 6 à l'heure actuelle), avec la possibilité pour les producteurs de dépasser la limite, à condition de compenser l'année suivante. L'exécutif européen doit donc revoir sa copie avant la fin de l'année.

Le cuivre, un produit toxique à hautes doses

Utilisé depuis plus de cent ans dans les vignobles, ce produit est devenu indispensable dans nombre d'exploitations d'agriculture biologique, en ce qu'il est la seule alternative pour lutter contre certaines maladies comme le mildiou de la vigne ou de la pomme de terre. Le cuivre a de fortes propriétés antibactériennes et antifongiques, selon un mécanisme d'action encore assez peu connu par les scientifiques. En France, son usage est particulièrement important en viticulture biologique. Les producteurs de vins bio en consomment en moyenne près de cinq kilos par hectare et par an en année à forte pression de mildiou, avec néanmoins de très fortes disparités régionales. En Alsace, la proportion atteint ainsi 1,6 kg en moyenne, quand elle dépasse les 5 kg en Val de Loire et même les 6 kg en Champagne, Midi-Pyrénées et Languedoc Roussillon. Problème : les études tendent à montrer que le cuivre est nocif pour le sol et les eaux, lorsqu'il est utilisé à haute dose. Des années d'utilisation de bouillie bordelaise (mélange de chaux et de cuivre) dans les vignes ont fortement détérioré les sols du Sud-Ouest de la France. Le cuivre n'est pas biodégradable et s'accumule dans la terre. Le rapport de l'Efsa, réalisé en janvier dernier en vue de la future réhomologation de produit, pointe du doigt les risques que fait peser cette accumulation sur la microfaune et la microflore (ver de terre, bactéries, champignons...). « Le problème de ces études, c'est qu'elles utilisent la même méthodologie pour un minéral naturel présent partout sur Terre, que pour des substances chimiques, artificiellement créées par l'homme », regrette Jacques Carroget, vigneron bio et responsable sur ces thématiques à la Fédération nationale des agriculteurs biologiques (Fnab). Pour son organisation, le cuivre est un moindre mal par rapport aux alternatives de synthèse. La Fnab demande d'ailleurs, pour le prouver, qu'une « étude de toxicité comparée soit entreprise entre le cuivre et les produits qu'il vient remplacer lors de la conversion en agriculture biologique ».

Les alternatives manquent

Car les producteurs bio manquent cruellement d'alternatives. Une interdiction pourrait « rendre inévitable une déconversion d'un grand nombre de producteurs bio », s'alarme Jacques Carroget. Un constat partagé par Didier Andrivon, chercheur à l'Inra, qui a présidé l'expertise scientifique Peut-on se passer du cuivre en agriculture biologique ? en janvier dernier. « Le Danemark a interdit le cuivre pour éviter de polluer ses eaux. Mais le résultat est sans appel : 1/5e de la production de pomme de terre bio a disparu dans le pays », prévient-il. Les exploitations restantes profiteraient de l'autorisation du cuivre en tant que fertilisant pour contourner cette interdiction. L'expertise scientifique de l'Inra a d'ailleurs tenté d'examiner les différentes solutions à disposition des agriculteurs pour se passer du cuivre. Les chercheurs préconisent la recherche de variétés plus résistantes aux maladies comme le mildiou, mais également d'investir dans des stimulateurs naturels des plantes comme les huiles essentielles, ou encore de déployer des bâches en plastique sur les cultures pour les protéger des agents pathogènes présents dans l'air. Une solution pourtant difficilement compatible « avec l'image de la bio », concède Didier Andrivon. « Il faut combiner plusieurs de ces méthodes pour y arriver, car chacune d'entre elle prise une à une n'a que de 20 à 70 % d'efficacité », admet-il. Selon le chercheur, le seul moyen rapide de limiter les dégâts du cuivre sur l'environnement est de diminuer les doses. Selon l'Inra, il serait possible de réduire près de la moitié de la consommation de cuivre sans pour autant réduire son efficacité. Pour faire face à la nécessité de diminuer son utilisation du cuivre, la filière bio demande au gouvernement de lancer un « plan cuivre ». L'organisation demande notamment un investissement dans la recherche sur les alternatives au cuivre compatible avec le cahier des charges biologiques ; la formation des producteurs sur l'usage de ces alternatives et la levée des freins réglementaires pour leur développement.