CUMA
Corbonod : une Cuma branchée « environnement »

La Cuma Les compagnons de la bouteille a investi dans du matériel haut de gamme pour un désherbage mécanique précis, respectueux du sol et des vignes. Rencontre avec son président, Laurent Bernard.
 Corbonod : une Cuma branchée « environnement »

A Corbonod, charmant petit village situé à quelques encablures de Seyssel, aux confins de l’Ain et des deux Savoie, la vue est imprenable sur le Mont Blanc. C’est dans ce cadre idyllique qu’a choisi de s’installer Laurent Bernard pour élever ses vignes. Une exploitation familiale créée par son père Aimé, qu’il reprend en 1994, rejoint par son frère Loïc en 2007. Le domaine totalise aujourd’hui 17 ha de vignes aux cépages variés, Altesse, Molette, Pinot, Gamay et Mondeuse, qui donnent des vins fins et délicats : AOC Seyssel, Molette, Mousseux, vins de Savoie rosés et rouges ; mais aussi IGP d’Allobrogie et des vins sans IG. Cette année la récolte s’annonce bonne : « On a frôlé la catastrophe début mai à cause du gel, mais finalement seules quelques parcelles ont été touchées, donc une perte de rendements qui s’annonce moindre. Quelques tâches de mildiou sont apparues, mais pas d’oïdium. Par contre on a eu des brûlures sur des feuilles et des grappes à cause des fortes chaleurs. Il y a quelques jours il est tombé plus de 70 mm de pluie. Le problème reste le vent du Nord, qui dessèche la vigne. Sinon dans l’ensemble, c’est très sain. Une belle récolte en perspective », confie le viticulteur.

 

L’interceps, équipé d’un Servomoteur pour un respect optimal de la vigne

 

 

Zéro herbicide à l’horizon 2021

Laurent Bernard est également président de la Cuma Les compagnons de la bouteille, qui regroupe six exploitations du secteur. Une Cuma particulièrement dynamique et très bien équipée : chaîne d’embouteillage (filtre à plaques, rinçage, tirage, bouchage sous vide), cuve de transport, enfonce-pieux… Et les derniers investissements ont été pour le moins conséquents ! Près de 74 000 € dans du matériel très performant visant à atteindre l’objectif fixé du « zéro herbicide ». A savoir : un tracteur étroit interlignes en 2017 (39 000 € HT), un interceps Boisselet et sa gamme complète d’outils mécaniques et hydrauliques (25 000 €), ainsi qu’un décompacteur, un broyeur à herbe et à sarments et un semoir à gazon. La Cuma a bénéficié de 60 % de subventions sur le matériel de travail du sol et 50 % pour l’achat du tracteur, allouées par l’Europe (Feader), la Région et le Département. « Le zéro herbicide, c’est une volonté de tous les adhérents. On voulait redonner une vie microbienne au sol et l’on a beaucoup de ravinement dans les coteaux. Nous avons planté des gazons pour enrayer l’érosion, avec des mélanges « spécial viticulture » achetés dans le Beaujolais avec un système racinaire qui décompacte le sol naturellement. Le gazon entre en concurrence, donc on n’a plus de mauvaises graines », explique Laurent Bernard.

Contraintes supplémentaires mais le jeu en vaut la chandelle

Un changement de pratiques qui apporte son lot de satisfactions mais qui engendre aussi de nouvelles contraintes. Le président de la Cuma ajoute :
« L’inconvénient du travail du sol, c’est le nombre de passages. On en a déjà fait quatre dans les jeunes vignes. Il faut aussi que le temps soit propice : pas trop sec, pas trop mouillé, légèrement humide. Il faut également adapter le matériel, c’est pour ça que l’on a acheté une douzaine d’outils : brosses, fraises, deux sortes de lames qui coupent la racine et ramènent l’herbe au milieu, les socs pour décavaillonner, pour buter… Aujourd’hui, nous sommes en réflexion pour acheter une tondeuse interceps. Le désherbage mécanique nous coûte trois à quatre fois plus cher que d’utiliser des herbicides. Il nous faudra entre quatre et cinq ans pour ameublir tous nos sols ». La facturation est établie à l’heure ou à l’hectare selon les matériels. Le coût pour les adhérents frôle par exemple les 129 €/ha pour l’interceps (20 ha sont engagés). Un matériel haut de gamme qui donne entière satisfaction : « On a choisi Boisselet car il est équipé d’un Servomoteur qui offre une très grande précision de travail qu’on ne retrouve pas sur les autres matériels ». Un respect du sol et de la vigne qui ravit le consommateur qui se dit prêt à payer plus. Les viticulteurs réfléchissent ainsi à faire évoluer les prix de leurs vins pour amortir les charges supplémentaires induites par des pratiques respectueuses de l’environnement, qui s’inscrivent pour certains dans une démarche de certification HVE (Haute valeur environnementale).

Patricia Flochon