AVICULTURE
À Béchanne, les races anciennes volent au secours de la Volaille de Bresse

Béchanne a tenu son assemblée générale mardi 11 juin dans les locaux de la Maison de l’agriculture à Bourg-en-Bresse. Si le centre de sélection de Volaille de Bresse avait déjà annoncé vouloir développer son activité de conservation de races anciennes de poules, les choses semblent se concrétiser. 

À Béchanne, les races anciennes volent au secours de la Volaille de Bresse
À gauche, Gilbert Limandas, président du Centre de sélection de Béchanne, et Édouard Jannot, directeur depuis 2023. Photo/MB

Cela fait plusieurs mois que le centre de sélection évoque à demi-mot le développement de son activité de conservation comme solution de repli face aux difficultés que rencontre Béchanne. C’est désormais acté. L’association de promotion des races anciennes avicoles a été créée le 7 juin. Une fierté pour Gilbert Limandas, président de la désormais SAS, née de la fusion du Centre de sélection et des Couvoirs de Bresse réunis : « Ce projet est particulièrement innovant et ambitieux et je me réjouis qu’il provoque un engouement de la part de nombreux partenaires. »

Lancement de la campagne Roule ma poule 

Le centre de sélection héberge déjà seize races anciennes de poules, dont huit en propriété, sur les 47 recensées en France (exclues les différentes couleurs pour chacune d’entre elles), mais Béchanne voit grand et se rêve déjà premier conservatoire de races anciennes de poules de France. « Aujourd’hui nous avons l’avantage d’être les seuls à vouloir faire de la conservation de races anciennes. C’est tendance donc nous avons un atout à concrétiser », s’enthousiasme Édouard Jannot qui a repris les rênes de la direction l’année dernière. Béchanne prévoit de mobiliser l’aide Protection des races menacées (PRM) pour quatre de ses races à horizon 2025. Les Régions Grand Est (pour la Poule d’Alsace, en conservation à Béchanne) et Nouvelle-Aquitaine (pour le Poule de Barbezieux) y ont déjà eu recours.

Afin d’encourager l’adhésion d’association et de structures de promotion de races anciennes à l’association, Béchanne va aussi lancer fin septembre une campagne nationale de communication. « Roule ma poule ». L’objectif, c’est aussi de faciliter la recherche de fonds privés (mécénat) pour financer l’activité de conservation. La plaquette pour la recherche de financements est en cours de finalisation. Un dossier de rescrit fiscal devrait aussi être transmis prochainement à la Direction départementale des finances publiques pour obtenir la reconnaissance d’association d’intérêt général. « On vise 40 000 € de dons par race et par an. Défiscalisés à hauteur de 60 %, cela ne fait pas un gros volume à aller chercher auprès d’entreprises qui seront sûrement prêtes à défendre la race de leur territoire », développe optimiste Édouard Jannot. 

Le mécénat, nécessaire mais pas suffisant ? 

Le projet semble bien ficelé mais ce n’est pas sans inquiéter Jonathan Janichon, président de la FDSEA qui attend a minima une étude de marché et un business plan mieux abouti. « Je ne dis pas que le mécénat ne va pas fonctionner et il ne faut pas s’en priver, mais il n’est pas suffisant pour sécuriser, a-t-il alerté. La FNSEA, dans quasiment toutes les régions et départements, a lancé des structures reposant exclusivement sur le mécénat ; la Coopération a suivi et elles ont fait chou blanc. Il ne faudrait pas que dans cinq ans, lorsqu’il n’y aura plus de subventions des collectivités, que l’on se retrouve avec une structure qui va nous coûter. » Si l’avertissement a trouvé une oreille attentive, pour Gilbert Limandas, l’heure est au pragmatisme : « Si on ne le fait pas, on a fait l’analyse, l’activité équilibre tout juste les comptes, donc si demain nous devons investir, avec l’activité actuelle, en on est incapable ; et à côté nous avons une demande sur la conservation donc la solution, c’est de faire de la génétique. Si demain on arrête les races anciennes, c’est aussi un choix, on aura plus que la Volaille de Bresse dont il faudra faire payer le poussin à un prix complètement incompatible avec les réalités de la filière. Si on ne le fait pas, je ne vois pas comment le centre de sélection peut résister. » 

Bâtiments en travaux : les Régions Aura et BFC s’alignent 

Pour la pierre angulaire de la Volaille de Bresse, la conservation de races anciennes de poules est une planche de salut honorable. Chaque année, Béchanne affiche une baisse structurelle de la vente de ses poussins de Bresse (presque moins 20 000 en 2023). Avec la réforme de la Pac, le centre de sélection ne peut plus non plus prétendre à un statut d’agriculteur, ce qui ne lui permet plus de cultiver lui-même ses terres et d’obtenir des aides européennes. À cela s’ajoute, le remboursement de factures attenantes à la rénovation et la construction de bâtiments à hauteur de 2,7 M€ autofinancés pour 435 000 €. Sur ce dernier point au moins, Béchanne peut se targuer d’avoir enfin obtenu le soutien de l’ensemble des collectivités régionales et départementales de la zone Bresse, à l’exception du Département du Jura, concerné par trop peu d’exploitations. Les Régions Auvergne-Rhône-Alpes et Bourgogne-Franche-Comté, ainsi que les Départements de l’Ain et de Saône-et-Loire devraient dans l’été proposer le vote d’une subvention d’investissement 162 500 € chacune. 

Les collectivités sollicitées pour faire tampon

Du reste, « il faudra un peu de temps pour que ce projet porte pleinement ses fruits, et nous devons en attendant trouver d’autres solutions pour nous donner de nouvelles marges de manœuvres financières », concède Gilbert Limandas. Béchanne a sollicité l’appui des 16 intercommunalités de la zone Bresse espérant glaner 200 000 € par an pendant cinq ans. Si toutes n’ont pas encore répondu à son appel, Michel Fontaine a engagé le soutien financier de Grand Bourg agglomération sur la période lors de l’assemblée générale. Un message fort envoyé aux autres EPCI du territoire à quelques semaines de l’inauguration des nouveaux bâtiments, prévue début juillet.

Margaux Balfin