Alors que les attaques de loup se multiplient, une avancée se fait jour avec la demande des Etats de l’UE de déclassement du loup, qui sera examinée par comité permanent de la Convention de Berne en décembre. Dans l’Ain, l’élevage subit de plein fouet les attaques. Point de situation avec Lionel Manos, président de la cellule professionnelle prédation.
Depuis de nombreux mois, Jeunes Agriculteurs et FNSEA s’élèvent pour dénoncer « l’immobilisme absolu des politiques européennes qui ignorent la souffrance des éleveurs dans les zones colonisées par le loup », et demandent aux instances communautaires d’amender la Convention de Berne et la directive Habitats pour déclasser le loup afin de passer d’un statut d’une espèce strictement protégée à simplement protégée.
Dans un communiqué en date du 27 septembre, la FNSEA annonçait une première victoire : « L’Union européenne s’engage enfin sur ce chemin. Le Conseil des Ministres de l’Union européenne a voté pour le déclassement du loup et cela sera inscrit à l’ordre du jour du comité permanent de la Convention de Berne, prévu du 2 au 6 décembre prochain. La Présidente de la Commission européenne avait montré la voie en septembre 2023. Les Etats membres lui emboîtent enfin le pas aujourd’hui. C’est le fruit d’un travail syndical long et persévérant pour Jeunes Agriculteurs, la FNSEA et ses associations spécialisées animales (FNO, FNB, FNPL, FNC, FNEC) avec l’appui du CEJA et du COPA auprès des décideurs communautaires et nationaux. » Un déclassement interprété comme « un signe positif » alors que l’Assemblée générale des Nations Unies a proclamé que 2026 sera l’année internationale du pastoralisme.
Souhait d’analyses ADN pour lever les doutes
Une annonce vue d’un bon œil dans l’Ain, territoire où l’élevage, aussi bien ovin que bovin, subit un nombre croissant d’attaques. Lors de la dernière session plénière de la chambre d’agriculture (voir notre édition du 3 octobre), Vincent Patriarca, directeur départemental des territoires de l’Ain, faisait état de seize attaques imputées au loup en 2024, concernant neuf exploitations, soit 78 animaux morts et 18 blessés (contre 42 victimes en 2023, NDLR). Un nombre de victimes de prédation qui, selon la formule employée par les services de l’Etat, « pour laquelle la responsabilité du loup n’est pas exclue », pourrait en réalité être supérieur à celui enregistré. Lionel Manos, président de la cellule professionnelle prédation – également président du comité de territoire montagne à la chambre d’agriculture de l’Ain et de la Sema (Société d’économie montagnarde de l’Ain) – explique : « L’un des vœux de la commission loup de l’Ain est de faire pratiquer des analyses ADN, notamment sur les veaux victimes d’attaques « non reconnues ni loup ni lynx », ajoutant : « nous subissons la réglementation imposée par le PNA (Plan national d’actions) sur le loup, mais cela permet tout de même de faire remonter les spécificités du département de l’Ain aux services de l’Etat qui eux-mêmes font remonter les informations au préfet de Région. »
Tirs de défense : la réactivité de la préfète appréciée par la profession
Interrogé sur les bénéfices liés à la mise en place de cette cellule professionnelle prédation, son président précise : « La cellule a été mise en place il y a deux ans. Nous travaillons notamment en partenariat avec la FDSEA, représentée par sa directrice Sandra Goyon, Léa Gauthier, chargée de mission pastoralisme à la Sema et la Chambre d’Agriculture de l’Ain, Justin Chatard, président des Jeunes Agriculteurs du département et Alexandra Lièvre, animatrice du syndicat des éleveurs de moutons de l’Ain. La cellule se réunit quatre fois par an. Elle permet une structuration professionnelle afin de parler d’une même voix et d’avoir une vision plus objective des problématiques par filières. On peut saluer la réactivité de la préfète, Chantal Mauchet, et l’intervention des louvetiers qui a permis le tir d’un loup mâle adulte en avril dernier sur la commune de Jujurieux. »
A noter que le plafond de prélèvements autorisées chaque année en France a augmenté depuis le début du PNA 2018-2023 (10 % de la population estimée jusqu’à 2019, puis 17 % puis 19 % fin 2020), et corrélativement le nombre de loups décomptés (incluant les prélèvements illégaux) a progressé. Les tirs de prélèvement sont devenus exceptionnels, quand les tirs de défense se sont imposés comme plus légitimes car touchant des loups en situation d’attaque. Les tirs de défense renforcée se sont plus particulièrement accrus ; ils matérialisent la défense dans les foyers de prédation. En 2022, ont été enregistrés sur le territoire national : 64 tirs de défense simple et 97 tirs de défense renforcée. (Source : Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires). Et Lionel Manos d’ajouter : « Aujourd’hui on nous demande de faire des études de non-protégeabilité et des études de vulnérabilité pour pouvoir prétendre à un tir de défense simple. On est en attente. J’espère que les nouvelles mesures qui seront annoncées dans le nouveau PNA simplifierons les démarches. »
Cohabitation dans les alpages : une problématique toujours bien présente
Autre enjeu important mis en lumière par le président de la Sema : la cohabitation entre les différents acteurs sur les alpages. « La problématique concerne les alpages principalement, mais aussi les zones pastorales du département. On a des situations contradictoires où une partie de la population souhaite que le loup soit implanté, ce qui conduit les éleveurs, de plus en plus nombreux, à devoir protéger leurs troupeaux avec des chiens de protection. Avec pour conséquence des problèmes en cas de rencontre avec les promeneurs et les chiens domestiques, de nombreux sentiers pédestres traversant les pâturages. Une plainte a même été déposée en 2024 contre un éleveur pour une attaque de son chien. » Pour sensibiliser et informer le grand public, le réseau pastoral Auvergne-Rhône-Alpes – dont fait partie la Sema – a décidé de développer un outil pour renseigner le plus grand nombre de pratiquants sur la présence potentielle de troupeaux protégés et sensibiliser les pratiquants sur les bons gestes à adopter en cas de rencontre. Une carte de localisation des alpages et des estives protégées par des chiens de protection, Map Patou, est disponible sur Pasto Kézako.
Pour plus d’informations sur le loup en France : https://www.loupfrance.fr/le-loup/
Patricia Flochon
Surveillance du loup : 45 pièges photos dans l’Ain
Face aux attaques croissantes, la présence du loup dans le département fait l’objet d’une attention toute particulière. Lionel Manos, président de la cellule professionnelle prédation précise : « 45 pièges photographiques ont été achetés en mai 2024. Ces pièges, achetés par la FDSEA, ont été financés en partie grâce à l’aide du Département à hauteur de 30 800 € ; ainsi qu’une aide de la CGA (Confédération générale agricole) pour la collecte des données, à hauteur de 12 600 €. Trente-cinq de ces pièges (en cours de pose) seront à poste fixe, équipés d’un logiciel d’analyses des photographies, répartis selon un maillage officiel défini par l’OFB * en partenariat avec la fédération départementale des chasseurs qui fait elle aussi partie de la cellule loup. Chaque « maille » ou surface territoriale est de 100 km2. Dix autres pièges, mobiles, seront mis à disposition des éleveurs. Ils sont disponibles auprès des présidents de cantons de la FDSEA. »
* Office français de la biodiversité.
P.F.