États-Unis
Trump, une certitude et des interrogations

L’élection américaine de novembre 2024 a rapidement dégagé un clair vainqueur, Donald Trump. Toutefois, son retour à la Maison Blanche s’accompagne d’incertitudes sur son action en matière de commerce international, lui qui a beaucoup promis durant la campagne.

Trump, une certitude et des interrogations
Donald Trump fera son retour à la Maison Blanche le 20 janvier prochain. Copy : Gage Skidmore from Surprise, AZ, United States of America, CC BY-SA 2.0 via Wikimedia Commons

Rapidement dans la soirée du 5 novembre, l’issue de l’élection présidentielle américaine n’a plus fait aucun doute. Le Républicain Donald Trump a assez nettement battu l’actuelle vice-présidente, la Démocrate Kamala Harris. Après un premier mandat de 2017 à 2021, Trump devrait donc devenir, le 20 janvier, le 47e président des États-Unis. Si son élection a été saluée par plusieurs dirigeants politiques, elle suscite aussi de nombreuses interrogations. Dans sa déclaration, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui débute également un second mandat, a d’ailleurs appelé Trump à « travailler ensemble à un partenariat transatlantique qui continue de répondre aux besoins de nos citoyens ». Et d’ajouter que « des millions d’emplois et des milliards d’euros d’échanges et d’investissements de part et d’autre de l’Atlantique dépendent du dynamisme et de la stabilité de nos relations économiques ».

Guerre commerciale

Il faut dire beaucoup de sujets de friction vont venir sur la table. À commencer par les différends commerciaux transatlantiques tels qu’Airbus/Boeing ou Acier/aluminium dont les solutions conclues avec l’administration Biden n’étaient que provisoires. La suspension des droits de douane américains sur les importations d’acier et d’aluminium européens s’arrête au 31 décembre 2025 tandis que les mesures de rééquilibrage de l’Union Européenne (touchant certains produits agroalimentaires américains) ont été ajournées jusqu’au 31 mars 2025. Quant au conflit Airbus/Boeing, l’accord provisoire expire en 2026, faisant planer le retour des 25 % de droits de douane supplémentaires imposées entre 2019 et 2021 sur certains produits agricoles européens comme les vins, les olives et huiles d’olive ou les fromages. En outre, la volonté affichée de Trump durant la campagne électorale de mettre en place des droits de douane de 10 % ou 20 % pour toutes les importations, peu importe leur origine, et même jusqu’à 60 % pour la Chine, devrait également être un enjeu majeur pour l’Union européenne (UE). Une telle mesure, si elle se concrétisait, pourrait engendrer une guerre commerciale à grande échelle.

Péril sur les exportations de l'UE vers l'Amérique

Dans une note publiée le 7 novembre, le « think-tank » Farm Europe évoque « un risque accru de frictions commerciales, voire de guerres commerciales, qui pourraient, d'une manière ou d'une autre, avoir des répercussions sur l'agriculture de l'UE ». L’analyse, rédigée par Joao Pacheco, ex-directeur général adjoint de la DG Agri, évoque deux scénarios possibles. D’abord celui d’une augmentation des droits de douane de manière générale, « ce qui porterait les droits de douane moyens pondérés de 2 % à 10 ou 20 % » et « une augmentation spécifique pour la Chine » de 60 %. Ce scénario aurait un impact sur tous les pays du monde, y compris les États-Unis « déclencherait très probablement des mesures de rétorsion de la part des pays concernés et ne laisserait que très peu de marge de négociation ». Les exportations agricoles vers les États-Unis en seraient réduites, avec un bilan final négatif pour l’UE qui bénéficie actuellement d'un important excédent commercial avec les États-Unis. L’option apparaît cependant « peu probable » à l’auteur, une hausse générale des droits de douane étant probablement difficile à faire adopter par le Congrès.

Des hausses ciblées par pays et produits ?

L’autre hypothèse évoquée par Farm Europe est celle d’une augmentation des droits de douane principalement à l'encontre de la Chine et de quelques autres produits et pays, « en ciblant les domaines où des droits de douane plus élevés seraient plus efficaces pour ramener l'industrie aux États-Unis et protéger les secteurs sensibles ». L'UE pourrait être touchée sur les voitures, l'acier et d'autres produits industriels, mais aussi sur l'agriculture, Donald Trump s’étant montré virulent à l'égard de l'UE pour avoir restreint les exportations de produits alimentaires américains. À partir de là, trois solutions sont possibles, estime Joao Pacheco : soit les deux parties s'en tiennent à des droits de douane plus élevés et ciblés mutuellement ; soit les représailles déclenchent des contre-rétorsions et une guerre commerciale ; soit une forme quelconque de règlement négocié est trouvée. Le think-tank privilégie le scénario des hausses de taxes ciblées qui permettrait à l’administration Trump « d'exercer des pressions et d'obtenir un accord mieux négocié ». Quelle que soit l’option prise, « la conséquence de l’imposition de droits de douane très élevés sur les exportations chinoises vers les États-Unis se fera sentir dans l'UE ». La Chine se retrouverait en effet avec davantage de marchandises à exporter à des prix encore plus bas vers l'UE et le reste du monde. L'UE se sentirait probablement obligée de se protéger, « et pourrait même le faire dans le cadre d'un accord avec les États-Unis », selon la note. La Chine, quant à elle, pourrait alors s’en prendre à son tour aux exportations agricoles de l'UE. Un scénario là non plus peu rassurant.

Agrapresse et Actuagri