Les mobilisations agricoles en France et en Europe de l'hiver ont payé puisque Bruxelles a concédé à desserrer en partie l'étau administratif qui asphyxie quotidiennement les agriculteurs. Bilan des avancées avec Yannick Fialip, membre du bureau de la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes.
En janvier dernier et de manière quasi concomitante les agriculteurs français du réseau FNSEA-JA et ceux d'autres pays européens ont exprimé leur ras-le-bol face à une Europe plus habile à les contraindre qu'à les encourager. Estimez-vous que le bras de fer a porté ses fruits ?
Yannick Fialip : « Il est clair que sans la mobilisation de notre réseau, nous n'aurions pas eu gain de cause. Il y a eu la phase de manifestations nécessaire et désormais le réseau FNSEA-JA-Chambres d'agriculture est au travail sur tous les sujets. Et nous sommes les seuls ! Sans anticiper sur la suite et conscient que bon nombre de problèmes restent à régler, force est de constater que notre mot d'ordre autour de la simplification et de la liberté d'entreprendre a enfin trouvé un écho favorable auprès des instances européennes. En effet, le 25 avril dernier, sans trop de débats, le Parlement européen a adopté les mesures de simplification proposées par la Commission européenne relatives à l’application de certaines dispositions de la Pac. Ces évolutions visent à réduire la charge administrative et à conférer davantage de souplesse aux agriculteurs s’agissant du respect de certaines normes de conditionnalité. Il s'agit quand même d'une sacrée révolution quand on sait que l'horizon de la réforme pour 2027 matérialisée par la politique du Farm to Fork n'ambitionnait qu'une chose : réduire la production européenne en exportant davantage. Nous avons donc des raisons d'être optimistes, tout en restant prudents et mobilisés car nous n'ignorons pas la puissance du lobbying environnemental à Bruxelles. »
Finalement, ce sont les bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE) qui ont bénéficié des principaux ajustements. Dans le détail, qu'avez-vous obtenu ?
Y.F. : « Rappelons que les BCAE sont l'un des deux principaux critères de conditionnalité des aides financières européennes allouées à l'agriculture. Autant dire qu'elles sont importantes. Nous avons donc obtenu un assouplissement de la BCAE 8 portant sur les jachères qui ne seront plus obligatoires jusqu'en 2027, alors que jusqu'à présent elle devait occuper 8 % de la SAU. Ensuite, la BCAE 7 obligeant à la rotation à la parcelle a été supprimée, dans la mesure où les éco-régimes obligent déjà à la diversité des cultures sur l'ensemble de l'exploitation. Ensuite, sur la BCAE 1 qui considérait que les agriculteurs devaient conserver leur quota de prairies permanentes, nous avons obtenu la mise en place d'un acte délégué. En clair, lorsqu'une baisse de cheptel sera constatée sur une région, le ratio de prairies permanentes pourra également diminuer. »
Où en sommes-nous sur le classement des zones humides ?
Y.F. : « Là aussi, l'Europe a donné de la latitude à chaque État membre. La France l'a fait en passant d'un potentiel de classement en zones humides de 25 % à moins de 1 % de sa surface agricole utile (SAU). Il restera des zones classées, c'est pourquoi nous demandons des éclaircissements sur le cahier des charges. Nous sommes dans une phase de négociation, tout n'avance pas aussi vite que nous le voudrions mais notre objectif c'est de sécuriser les agriculteurs sur leur exploitation. Un travail local très pragmatique à l'échelle de chaque département pour affiner ce classement a démarré. »
Qu'en est-il des dérogations relatives au retournement des prairies sensibles ?
Y.F. : « S’agissant de la BCAE 9 qui régit les prairies sensibles, tout comme pour la BCAE 1, les souplesses proposées par les règlements modificatifs seront déclinées dans le cadre d’une modification du Plan stratégique national (PSN). Sur ce volet, la proposition faite par la France est d'autoriser les agriculteurs à retourner une partie de leurs prairies sensibles car, jusqu’à présent, il était impossible de le faire. Il existe des dérogations en cas de dégâts de campagnols ou de sécheresse, mais nous plaidons pour un élargissement du champ des dérogations afin de répondre aux besoins d'autonomie fourragère et de liberté d'entreprendre des agriculteurs. Les négociations ne sont pas encore terminées sur ce dossier, mais nous avons bon espoir qu'elles aboutissement favorablement. »