SYNDICALISME
Malgré les crises, la FDSEA confirme sa résilience

Margaux Legras-Maillet
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Souveraineté alimentaire, loi EGAlim et installation/transmission étaient au cœur des discussions lors du Congrès de la FDSEA de l’Ain, vendredi 25 mars à Condeissiat. Face aux crises, le syndicat se montre réactif dans la défense des agriculteurs, sans mettre au second plan ses ambitions de développement de services. 

Malgré les crises, la FDSEA confirme sa résilience
Adrien Bourlez s'est félicité des victoires syndicales de 2021, comme la loi EGAlim 2, mais pour le président de la FDSEA, les efforts doivent se poursuivre sans oublier le développement des prestations et services syndicaux. Photo/MLM

Repoussé au mois de juin l’an dernier en raison de la crise sanitaire, le congrès de la FDSEA s’est, cette fois-ci, déroulé comme de coutume, au mois de mars, quelques jours seulement avant le congrès national du syndicat les 28, 29 et 30 mars à Besançon (Doux). Quelque 140 personnes étaient présentes au plus fort de la journée selon le syndicat, un peu plus que l’an dernier. Toute la matinée, les élus ont retracé la rétrospective de l’année écoulée, passée elle aussi sous le signe de la Covid-19, et d’une météo calamiteuse qui n’aura eu d’égal que la réactivité syndicale pour faire reconnaître les dégâts sur cultures. L’activité de la FDSEA ne s’est pas non plus limitée à la réponse face aux crises et le syndicat, qui, comme l’a rappelé en préambule, Adrien Bourlez, président, souhaite développer ses services – mise en place de Groupements fonciers agricoles mutuels (GFAm), prestation de reconnaissance de dégâts de gibier par drone entre autres –, affiche par ailleurs de nombreuses victoires conjointes au palmarès national. A titre d’exemple, la loi EGAlim 2, la réforme des retraites agricoles, la loi Sempastous malgré certaines déceptions ou encore les commandes groupées d’électricité pour faire baisser la facture des irrigants. Dans la lignée syndicale nationale, la FDSEA reste par ailleurs combative dans la défense des agriculteurs face à la hausse des charges et aux problèmes de pénurie qui accentuent davantage les effets ciseaux. Ces difficultés, aggravées par le conflit russo-ukrainien, n’ont pas manqué de faire réagir lors du tour des cantons et rappellent la nécessité de défendre la souveraineté alimentaire. A l’image de Jérôme Martin (Lagnieu) : « Quand on prône la décroissance de l’agriculture, le jour où il y a un problème géopolitique ou un problème sanitaire, il manque à manger sur la table. En 40 ans, on a perdu près de 2,4 Mha agricoles, ce qui ferait plusieurs millions de céréales par an en plus, c’est ce qui va manquer cet été avec la guerre en Ukraine… » 

Le congrès de la FDSEA s'est tenu à la salle des fêtes de Condeissiat le vendredi 25 mars, quelques jours seulement avant le congrès du syndicat national. Photo/MLM
 

Contractualiser pour compenser la hausse des charges 
 
Invité d’honneur, Arnold Puech-d’Alissac, administrateur de la FNSEA, vice-président de l’Organisation mondiale de l’agriculture (OMA) et du Conseil économique social et environnemental (CESE), a exhorté les agriculteurs à la prudence : « Les trois choses qui nous inquiètent ce sont les tourteaux, le carburant et les engrais. Si vous achetez l’un ou l’autre, contractualisez en même temps parce que si la guerre continue et que vous attendez, vous deviendrez spéculateur. Essayez de ne pas engager tous vos stocks, quand on est à zéro, on achète au prix du marché, et ce n’est pas toujours celui qu’on espérait ». A l’heure où la conjoncture est extrêmement volatile, la loi EGAlim 2 est la meilleure planche de salut de l’agriculture pour les élus syndicaux, à condition de faire passer la hausse des charges dans la contractualisation. « Je suis inquiet de l’évolution de notre agriculture à court terme si des solutions efficaces ne sont pas prises rapidement pour préserver notre revenu. Ces solutions passent tout d’abord par une application stricte de la loi EGA 2 », a martelé Adrien Bourlez. Arnold Puech-d’Alissac a également rappelé, pour les exploitations en difficulté, l’intérêt de souscrire à un Plan garanti par l’État (PGE), mis en place par l’État dans le cadre du plan de Résilience du 16 mars. 

Invité d’honneur, Arnold Puech-d’Alissac (au centre), administrateur de la FNSEA, a appelé à la vigilance et exhorté les agriculteurs à augmenter leurs stocks (GNR, engrais et autres) tout en oubliant pas de contractualiser leurs ventes. Photo/MLM

Mais la conjoncture n’est pas seule à épuiser les agriculteurs. Zones de non traitement, contraintes en matière de prélèvement face aux dégâts de gibier, stockage de l’eau et irrigation, épandage, implantation des semis, bien-être animal … le florilège de réglementations qui incombe aujourd’hui aux agriculteurs n’a jamais été aussi long. 
 
La « lourdeur » administrative épuise
 
Et alors que les services de l’État ont brillé par leur absence, ils ont souvent été apostrophés par contumace sur la lourdeur des contrôles administratifs, et la réglementation toujours plus « coûteuse », conséquences de « décisions dogmatiques ». « Nous avons en France une stupéfiante capacité à produire de la norme », s’est insurgé Gilles Brenon, secrétaire-général. « Il va falloir trouver des solutions et avoir un pacte de confiance entre les agriculteurs et la société. Il faut arrêter « d’emmerder » les agriculteurs et les laisser produire de l’alimentation et arrêter d’écouter les écolos de salon », a renchéri Michel Joux, président de la FRSEA. Et Adrien Bourlez d’arguer : « Trop longtemps, le pouvoir politique n’a pas voulu voir l’impact de ces décisions sur notre autonomie alimentaire, ni le risque consistant à déléguer à d’autres la responsabilité de notre alimentation. (…) Va-t-on enfin prendre conscience que l’alimentation n’est pas un produit commercial comme les autres, et ne doit pas être soumis aux mêmes règles de marché qu’une chaise ou un radiateur ? »
Ces contraintes avec lesquelles il faut composer, en plus de la conjoncture économique et de l’agribashing toujours lattent, minent « le moral des troupes en chute libre ; et l’hémorragie ne semble pas s’arrêter. C’est bien une usure psychologique qui en est la cause », regrettait entre autres Jérôme Commaret (Coligny). En témoigne le dernier recensement agricole et la baisse du nombre d’agriculteurs dans le département comme partout en France. Le recul de l’élevage inquiète tout particulièrement, surtout pour la production de lait. « Nos campagnes se vident de nos troupeaux. Mon canton perdra 200 laitières en 2022 », désespérait Philippe Mellet (Lhuis). 
 
Accompagner l’installation
 
Ces évolutions mettent un peu plus en relief les enjeux liés au recrutement, mais aussi à la transmission et à l’installation des jeunes. Avec la Dotation jeunes agriculteurs (DJA) et le nouveau Plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles (PCAE) à l’horizon 2023, il est « important d’accompagner les jeunes dans leurs projets », a insisté Justin Chatard, président des Jeunes agriculteurs qui demande aux pouvoirs publics davantage de souplesse vis-à-vis des Plans de développement d’exploitation (PDE) que certains jeunes installés n’arrivent pas à tenir. Mais pour Arnold Puech-d’Alissac tout n’est pas joué en matière de recrutement et d’installation et la balle est encore dans les cours de ferme, à condition de changer de paradigme : « Que peut-on faire en France d’original ? Je prends l’exemple de l’Irlande. Là-bas, ils s’arrêtent d’être producteurs de viande pour produire du lait. »