PISCICULTURE
Grand cormoran : bientôt un téléobjectif pour alerter les éleveurs

Margaux Legras-Maillet
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En fort développement sur les étangs de la Dombes, le grand cormoran est un véritable fléau pour les pisciculteurs. C’est pourquoi, les structures de la Maison de la pisciculture porte un projet expérimental de détection du cormoran censé alerter les éleveurs. 

Grand cormoran : bientôt un téléobjectif pour alerter les éleveurs
Les grands cormorans sont particulièrement férus de carpes. Photo/DR

Les trois structures de la Maison de la pisciculture à Chalamont (Adapra, Syndicat des étangs de la Dombes et Apped) ont joint leurs efforts aux syndicats des étangs du Forez et de l’Isère pour porter un projet expérimental de détection et d’identification du cormoran. L’idée, installer un téléobjectif sur les étangs, connecté à un logiciel identifiant les oiseaux. Si rien n’est encore décidé, le dispositif devrait à terme permettre d’alerter les éleveurs, possiblement sous forme de SMS, qui n’auraient alors qu’à se rendre sur le lieu indiqué pour effaroucher ou prélever les cormorans. Financé en partie par le Conseil régional, ce dispositif est pour l’heure uniquement expérimenté sur les étangs du Forez, mais une seconde caméra devrait prochainement être installée pour test dans l’Ain. 
 
Grand cormoran : le fléau des pisciculteurs 
 
« On observe aujourd’hui des dizaines d’espèces piscivores qui n’ont jamais fait partie des écosystèmes de la Dombes », alertait un pisciculteur lors de la venue dans l’Ain de Michel Barnier, en campagne pour Les Républicains. « C’est un problème européen », renchérissait Jean-Luc Payet-Pichon, président de l’Adapra*. Le grand cormoran est particulièrement pointé du doigt par les pisciculteurs de la Dombes qui doivent modifier leurs pratiques d’élevage. « La problématique du cormoran change toute l’organisation des pisciculteurs parce qu’elle fait partie intégrante du suivi des étangs, un cormoran pouvant dévorer une très grosse partie du cheptel. Il y a un suivi régulier des étangs, tous les jours les éleveurs font des allers-retours sur les étangs, ils mettent en place des cages de protection pour que les poissons s’y abritent, des bazookas (canons à gaz répulsif, ndlr) mais tout ne marche pas forcément. D’un côté on a ce problème car les cormorans mangent les poissons et d’un autre côté, il y a le stress lié aux attaques et un poisson stressé ne mange plus, ce qui impacte sa croissance.  Il y a enfin ceux qui sont blessés et qui sont invendables », explique Charline Colas, animatrice au Syndicat des étangs de la Dombes. 
 
Un développement de l’espèce colossal 
 
Menacé dans les années 1970 (sa population était tombée à 5 300 couples dans le Nord-Est de l’Europe), le phalacrocorax carbo sinensis, de son nom scientifique, devient rapidement une espèce protégée au titre de la directive européenne « oiseaux » du 2 avril 1979, remplacée par celle du 30 novembre 2009, et de l’arrêté ministériel du 29 octobre 2009. Une protection qui lui a permis de se multiplier et d’atteindre en 2021 plus de 115 000 individus en France (+ 8,32 % entre 2018 et 2021). La France devient d’ailleurs « rapidement le principal pays d’hivernage en Europe, avec aussi l’apparition de nouvelles colonies continentales s’ajoutant aux colonies marines traditionnelles de la sous-espèce phalacrorax carbo carbo », précise le rapport du recensement national du grand cormoran publié par le ministère de la Transition écologique le 28 février dernier. Et si l’Ain ne fait pas partie des départements les plus concernés par la présence de l’espèce, l’augmentation du nombre d’individus y est en revanche colossale : + 378 % depuis le dernier recensement, et ce malgré une baisse supérieure à - 10 % entre 2015 et 2018. Lieu d’hivernage, la Dombes a ainsi vu son nombre de dortoirs multiplié par deux et passer de 4 à 8 entre 2018 et 2021. La hausse de ces populations est un véritable surcoût pour les éleveurs, en temps mais aussi en argent. 
 
Des dérogations à l’interdiction de destruction possibles
 
C’est pourquoi, malgré le statut « protégé » de l’espèce, la réglementation permet de déroger à l’interdiction de destruction entre autres pour prévenir « des dommages importants aux pisciculteurs en étang » et « les risques présentés par la prédation du grand cormoran pour les espèces de poissons protégées ». A ce titre, le Syndicat des étangs de la Dombes demande chaque année une autorisation de destruction avec un quota de prélèvement à respecter (3 300 individus pour la période allant d’octobre 2021 à juin 2022). Sur les 200 adhérents du syndicat, 93 ont obtenu une autorisation de tir, sachant que les lieutenants de louveterie peuvent également effectuer des tirs de nuit. Le Conseil départemental soutient directement l’effort de filière dans le cadre du 2ème Livre blanc 2017-2021 en octroyant une subvention pour l’achat de cartouches, directement distribuées aux éleveurs par le biais du syndicat.