PERSPECTIVES
Lait : “ des prix fermes ” attendus dans les mois à venir

La production de lait de l’UE, en hausse globale depuis début 2018, a commencé à reculer en octobre et des prix à la ferme élevés sont attendus pour les mois à venir. À l’horizon 2030, l’UE devrait conforter sa place de premier exportateur mondial malgré des coûts de production en moyenne plus élevés que ses principaux concurrents.
Lait : “ des prix fermes ” attendus  dans les mois à venir

La situation du marché laitier européen reste relativement équilibrée, avec une croissance raisonnable de la production mondiale, une évolution satisfaisante de la demande et des prix des matières grasses et des protéines qui se rapprochent, résument les experts de l'UE dans leur rapport publié suite à la réunion de l'Observatoire européen du marché laitier du 13 décembre. La collecte de lait de l'UE a augmenté de 1,2 % en janvier-octobre 2018. Mais elle a commencé à reculer en octobre de 0,4 %, la France, les Pays-Bas, l'Italie et l'Allemagne étant les principaux responsables de cette baisse. Toutefois, dans certains États membres, la production continue de progresser, en particulier en Irlande (+ 111 000 t, soit + 20 % en octobre) et en Pologne (+ 26 000 t). Sur la période, la production de lait écrémé en poudre est inférieure de 1,5 % à celle de l'an dernier, la production de beurre a augmenté de 1,6 % et celle de fromage de 0,4 %. Les prix moyens du lait à la ferme dans l'UE s'améliorent depuis cinq mois, atteignant 35,8 cts/kg en octobre, soit 3,7 % de plus que la moyenne quinquennale. « Des prix fermes sont attendus pour les mois à venir » prévoient les experts. Les produits laitiers laitiers à base de protéines ont connu une « hausse impressionnante en 2018 » :
+ 27 % pour la poudre de lactosérum et + 16 % pour la poudre de lait écrémé. Les prix des produits à base de matières grasses se sont également améliorés mais à un rythme moindre (+ 2 % pour le beurre et la poudre de lait entier). Les prix du fromage, au contraire, ont généralement légèrement baissé. Au niveau mondial, la production de lait a augmenté de 1,3 % en janvier-septembre 2018, l'UE fournissant la moitié du lait supplémentaire.

 

En lait, la production mondiale devrait progresser d’au moins 15 millions de tonnes (Mt) par an d’ici à 2030 pour dépasser 1 milliard de tonnes en fin de période.

L'UE conforte sa place sur le marché mondial

La Commission européenne a également présenté mi-décembre ses « Perspectives agricoles à moyen terme », qui prévoient une augmentation à un rythme modéré de la production laitière dans l'UE de 16 millions de tonnes d'ici 2030, tirée par la demande croissante sur le marché mondial mais aussi la demande des consommateurs pour des produits différenciés (biologiques, sans OGM, à base de pâturage, locaux) et contrainte par les exigences environnementales qui joueront un rôle croissant dans la conception des systèmes de production. Cette augmentation limitée de la production dans l'UE (+ 1,3 Mt par an en moyenne) est néanmoins supérieure
aux augmentations annuelles prévues en Nouvelle-Zélande (+ 0,4 Mt) et aux États-Unis (+ 0,7 Mt), ses principaux concurrents. D'ici 2030, la production mondiale de lait devrait dépasser le milliard de tonnes, augmentant chaque année de plus de 15 Mt, soit un peu plus vite qu'au cours de la dernière décennie. Plus de 40 % de cette augmentation devraient avoir lieu en Inde, qui investit dans les grandes exploitations et les infrastructures modernes. L'UE restera bien positionnée sur le marché mondial des produits laitiers, occupant la position de leader à l'exportation, malgré des coûts de production en moyenne plus élevés que ses principaux concurrents. L'UE pourrait en effet fournir près de 35 % de l'augmentation de la demande mondiale au cours de la période considérée avec une hausse en volume de près de 2 % par an (pour le fromage, le beurre, la poudre de lait et le lactosérum) et de 4 % par an en valeur. La croissance attendue de la demande mondiale devrait faire grimper les prix du lait et ainsi stimuler la production malgré l'augmentation des coûts de l'énergie et des prix des aliments pour animaux relativement stables.

 

Filière laitière /
Benoît Rouyer, économiste à l’interprofession laitière (Cniel).

Des perspectives « plutôt favorables », selon le Cniel    

« Le marché des produits laitiers prend une tournure davantage équilibrée en termes d’offre et de demande », explique Benoît Rouyer, économiste à l’interprofession laitière (Cniel) dans sa conjoncture mensuelle du 20 décembre. Aussi, les perspectives semblent « plutôt favorables » sur le premier semestre 2019. Deux raisons à cela. Tout d’abord, « la conjoncture s’améliore pour les poudres de lait ». Les stocks d’intervention se vident - seules 100 000 tonnes de poudre de lait sont aujourd’hui stockées à l’intervention contre 370 000 début 2018 - permettant une remontée des cours. De plus, la production européenne est en baisse depuis la fin de l’été. En France, cette diminution est plus marquée. « Sur les dix dernières semaines, la production laitière se situe de 3 à 5 % au-dessous du niveau de l’année 2017 », illustre l’économiste. Et « cette tendance devrait se poursuivre au cours des prochains mois, en raison du manque de stocks fourragers dans de nombreuses régions ».

 

La part croissante des “ laits végétaux ”

Le déclin des ventes au détail de lait de consommation devient structurel dans l’UE, constatent les experts de la Commission européenne dans leurs Perspectives agricoles à l’horizon 2030. D’ici 2030, la tendance
à la baisse de la consommation de lait liquide dans l’UE devrait néanmoins ralentir de moitié par rapport à la dernière décennie, ce qui conduira à une consommation de 49 kg par habitant d’ici 2030 contre 58 kg en 2008. Un recul qui est notamment lié à une substitution partielle du lait par des boissons d’origine végétale (soja, riz, amande, avoine...). Si leur part par rapport au volume de lait de vache vendu au détail reste faible (4 % en 2018), ce marché est en forte croissance, soulignent les experts bruxellois. Au cours de la dernière décennie, les ventes ont plus que doublé, en particulier pour les boissons sans soja, qui représentaient plus de 40 % des boissons d’origine végétale en 2018 (contre 17 % il y a dix ans). Sur le marché mondial, la demande de lait liquide reste forte, en particulier en Chine, où les importations complètent la production nationale. D’ici 2030, les exportations de l’UE devraient donc encore augmenter, ce qui renforcera la position de l’UE en tant qu’exportateur net. Néanmoins, la baisse de la consommation intérieure devrait conduire à une diminution de 1,1 Mt d’équivalent lait de la production d’ici 2030.