ELEVAGE
La Blanc Bleu belge : une race « écologique, puissante et 100 % valorisable »

Margaux Legras-Maillet
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Rencontre avec deux passionnés de race Blanc Bleu, Anne-Laure et François Pauly. L’élevage De Tarvos, sélectionneur et naisseur – engraisseur situé à Saint-Nizier-le-Bouchoux produit une viande appréciée pour sa qualité, tendre et goûteuse, avec une excellente valorisation à la clé. Explications.

La Blanc Bleu belge : une race « écologique, puissante et 100 % valorisable »
Anne-Laure et François Pauly, des éleveurs passionnés, attachés au bien-être de leurs animaux. Photo/Patricia Flochon

Nous avions rencontré Anne-Laure et François Pauly lors du concours du Bœuf de Pâques le mois dernier au foirail de la Chambière. Les deux jeunes éleveurs (Elevage De Tarvos, à Saint-Nizier-le-Bouchoux), y avait remporté de belles récompenses : un prix d’honneur et le prix de Grand Bourg Agglomération pour leur taureau Hector de Tarvos ; deux autres de leurs taureaux, Heisenberg de Tarvos et Hibou de Tarvos, termineront respectivement 1er et second. Ainsi qu’un prix Naisseur-engraisseur et prix d’ensemble pour leurs trois jeunes taureaux. Tous deux originaires de Belgique, François est vétérinaire de profession et fils d’éleveurs de vaches Blanc Bleu et ovins, Anne-Laure, ingénieur. Après avoir commencé un premier élevage en Belgique, de dimension plus modeste, ils tombent sous le charme du département de l’Ain, et le 1er janvier 2020 ils s’installent en Bresse. Sur une SAU de 183 ha, ils élèvent environ 300 bovins, dont une centaine de mères Blanc Bleu inscrites au Herd Book de la race ; le seul élevage du département en race pure. Abattus sur le site de Tropal Viandes à Bourg-en-Bresse, la totalité de leurs animaux sont achetés par un boucher de Thonon-les-Bains, soit environ 40 vaches et 20 baby. Exceptées trois ou quatre vaches, plus un ou deux veaux, vendus par an en caissettes à la ferme. D’une race qui était mixte à l’origine, le Blanc Bleu culard est devenu une véritable race à viande dont les atouts majeurs sont : le développement extraordinaire de la musculature, la qualité de sa viande (tendreté), le format, la précocité, l’efficacité alimentaire, la docilité, l’uniformité, les aptitudes maternelles. Avec à la clé une excellente valorisation économique. L’élevage de Tarvos vend ses animaux entre 5,5 et 6 € du kilo de carcasse, mâles et femelles confondus ; et en caissettes 15 € le kg pour les vaches (préparation comprise) et 16 €/kg pour les veaux.
 
Patricia Flochon

Interview croisée : les éleveurs nous livrent les détails de la conduite de leur exploitation

Pour quelles méthodes de reproduction avez-vous opté pour développer la génétique de votre cheptel ?
François Pauly : « Au départ nous étions à 100 % en insémination artificielle, avec quatre centres référencés de Belgique. Puis nous avons acheté trois taureaux de reproduction, toujours en Belgique, pour arriver à 50 % d’insémination et 50 % de saillies naturelles. Je fais aussi un peu de transfert d’embryons que je congèle dans des cuves d’azote sur la ferme ». 

En dehors du caractère pie (récessif vis-à-vis du « tout coloré ») présent chez la plupart des sujets colorés, on trouve trois types de coloration dans la race : le tout blanc, le bleu (pie-bleu), le noir (pie-noir). Photo/Patricia Flochon

Qu’est-ce qui vous plaît dans cette race et quelles sont ses caractéristiques ?
François Pauly : « C’est une race hyper écologique avec des qualités viandeuses et une ossature très fine ; qui va manger peu d’herbe pour faire beaucoup de viande. Elle va ingérer environ 12 à 14 kg de matière sèche pour un rendement carcasse de 65 à 68 % pour les meilleures. C’est son phénotype qui nous plaît, son calme, et la valorisation. »
Anne-Laure Pauly : « C’est une race très calme, y compris les taureaux. Je la compare un peu à un couteau Suisse… ; on peut en faire une vache très performante avec une ration adaptée, avec la possibilité aussi de faire un peu moins de viande, pour laquelle vous pouvez avoir une conduite très classique. C’est très plaisant. Autre avantage : l’homogénéité de la viande, très tendre et persillée avec un engraissement de quatre mois au minimum, avec un taux énergétique dans la ration très élevé. Et autant de morceaux nobles qu’à mijoter, ce qui plaît à la clientèle ».
 
Comment adaptez-vous les rations en fonction des objectifs ? 
Anne-Laure Pauly : « Les veaux non sevrés démarrent au pis. Par la suite on donne du foin et du concentré (3,5 à 4 kg) à 17 % de protéines de la naissance jusqu’au sevrage à cinq mois. Pour les génisses et les vaches, c’est 100 % d’herbe en été plus 1,5 kg de mélange de céréales de la ferme, plus du concentré. Le mélange est donné uniquement aux génisses entre 10 mois et 24 mois, et les mères en lactation. Nous avons le projet de réintroduire la betterave, un bon démarrage pour l’engraissement et l’augmentation de la production des vaches en lactation, et de produire de la luzerne ces prochaines années ».
François Pauly : « C’est un mélange à 12,5 % de protéines, une excellente alternative aux protéines du commerce. Nous avons 60 ha de cultures, dont 20 ha de soja non OGM, sous la Charte Soja de France, 20 ha de céréales à paille : 5 ha d’épeautre et 15 ha de méteils grains (triticale, pois protéique, vesce), et 20 ha de maïs, dont 13 d’ensilage plante entière, 4 à 5 de maïs épis et le reste en maïs grain en fonction des années. La ration engraissement, environ deux mois, est à base de 15 % d’herbe (préfanné), 15 % de maïs ensilage, 30 % de maïs épi, 2,5 kg de méteil aplati, 2,5 kg de concentré à 32,5 de protéines et 6 % de matière grasse, et du foin à volonté. Pour la finition, qui dure deux mois, on augmente l’énergie et on diminue la protéine ».
 
Sur le volet « contrôle de performances », avez-vous atteint vos objectifs de croissance ?
François Pauly : « Le premier vêlage se fait à 25 mois de moyenne avec un intervalle entre deux vêlages aux alentours de 385 jours. On privilégie une plus longue vie possible à l’animal, donc des vêlages assez jeunes ce qui permet de les garder jusqu’à six ans. Le suivi des performances est assuré par Bovins-Croissance. Nos objectifs de croissance sont atteints. Avec une moyenne pour les femelles de 1,1 kg / jour entre zéro et 210 jours et pour les mâles une moyenne d’1,2 kg. »
 
En race pure, la conformation des veaux étant supérieure à celle d’autres races conduit à des vêlages plus difficiles. Quel est votre vision sur la pratique généralisée de la césarienne ? 
Anne-Laure Pauly : « Nous sommes convaincus que la césarienne, sous réserve qu’elle soit réalisée dans des conditions sanitaires irréprochables, est la meilleure solution. Pour nos animaux nous assurons un suivi de température, et nous attendons les premières contractions. La vache est calme et au final elle n’a pas souffert ».
François Pauly : « Nous sommes très attachés au bien-être de nos animaux. Toutes les bêtes sont écornées à la naissance, sous anesthésie générale et locales, plus administration d’anti-douleurs. Pour l’abattage, à partir de juillet prochain, nous accompagneront nos animaux jusqu’à l’abattoir Tropal à Bourg-en-Bresse. Et nous avons depuis le début opté pour le zéro abattage halal pour éviter toute souffrance ».
 
Patricia Flochon