AGRICULTURE DURABLE
Les Jardins d’Aestiv, l’agroécologie pour philosophie

Patricia Flochon
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Direction Saint-Didier-d’Aussiat, sur l’exploitation de polyculture élevage Les Jardins d’Aestiv. Vaches Aubrac, porcs élevés en plein air, fabrication de farines et huiles, adaptation des pratiques culturales et nouvelles variétés… Rencontre avec Benoît Merlo et Méryl Cruz Mermy.

Les Jardins d’Aestiv, l’agroécologie pour philosophie
Une visite d’exploitation organisée par Grand Bourg Agglomération et la Chambre d’agriculture dans le cadre du Programme TETRAA, programme d’animation territoriale sur l’agroécologie. PHOTO/PF

Installés depuis dix ans sur la commune de Saint-Didier-d’Aussiat, Benoît Merlo et Méryl Cruz Mermy conjuguent trois métiers. Ils produisent, transforment et commercialisent sur une exploitation 100 % bio qui s’étend sur quelque 300 ha, dont 170 ha de cultures. Ici, ils élèvent 75 mères de race pure Aubrac, ainsi que des porcs en système plein air intégral. Tous deux ingénieurs agronomes de formation (à l’Isara de Lyon) ils ont développé une approche agroécologique, conciliant dimensions économiques, sociales et environnementales.

Une ferme qui fait figure de référence en la matière, raison pour laquelle Grand Bourg Agglomération et la Chambre d’agriculture, dans le cadre d’un programme d’animation territoriale sur l’agroécologie (programme TETRAA), organisaient il y a quelques jours une rencontre sur leur exploitation. Une ferme qui tire son nom de Triticum aestivum, qui signifie blé tendre. Car les deux associés (qui emploient deux salariés à temps partiel) portent une attention toute particulière aux choix variétaux, ce qui leur permet de s’adapter au contexte pédoclimatique et de produire un assemblage correspondant aux attentes technologiques et organoleptiques de leur clientèle. Les céréales, oléagineux et protéagineux sont transformés en farines et en huiles, avec une gestion agroécologique des différents ateliers, tant au niveau des rotations culturales, association de cultures, pâturage tournant dynamique, complémentarité des productions végétales et animales et valorisation des co-produits de transformation. « Un sujet majeur, c’est l’aspect filière. Nous avons un projet d’association avec trois autres exploitations du département pour créer une ligne de tri notamment. Concernant les cultures, nous avons aussi des ilots à Cras-sur-Reyssouze avec des rotations qui permettent de faire du pois chiche et du millet, et Attignat, dont 45 ha irrigués », explique Benoît Merlo.
 
Adaptation des cultures et choix variétaux
 
De même pour les cultures, ils ont fait le choix du colza associé, triticale, avoine, pois, blé dur, orges brassicoles, avoine, production de semences, blé tendre… Ainsi que du lin oléagineux de printemps, pois chiche, sorgho, soja, sarrasin, et à partir de cette année du chanvre et du millet. Une réflexion a également été menée sur la partie aménagement du paysage. Méryl Cruz Mermy précise : « On regroupe les parcelles si elles sont trop grandes. Sur la thématique remise en place de haies, nous avons replanté 1,6 kilomètres de haies qui vont servir de brise-vent. Avec la particularité d’avoir des haies fourragères, avec des feuilles appétentes pour les bovins et des vertus antiparasitaires ». Revenant sur le volet des cultures, elle ajoute : « On essaie de faire au maximum des cultures associées, plus des couverts végétaux, six espèces d’intercultures, des mélanges variétaux qui permettent de limiter les maladies sur les céréales à paille. On essaie d’avoir un raisonnement le plus autonome sur la partie azote ».

Depuis trois ans, ils ont supprimé le maïs, « car trop cher à faire en bio », et cultivent du sorgho, « plus compétitif en végétation et qui coûte moins cher à l’hectare ». Selon Benoit Merlo, « le sorgho a une valeur alimentaire équivalente à celle du maïs, très riche en protéines. Et un coût acceptable en termes de charges à l’hectare. C’est hyper compétitif et il est plus adapté aux sécheresses ». Autre choix stratégique : implanter du millet jaune derrière de l’orge de brasserie récolté en juin. En résumé, concernant l’adaptation au changement climatique, l’exploitation a mis en place trois leviers d’action : de nouvelles variétés, une réflexion sur le taux de matière organique dans les sols, et sur le troupeau des stratégies de stocks surtout au printemps, sécurisés avec des luzernes : « On blinde, on sécurise… Il faut avoir du stock. Avant il fallait un an d’avance, maintenant c’est plutôt 18 mois. La luzerne, c’est quelque chose d’intéressant. On a fait six coupes cette année. » 
 
L’appui de Grand Bourg Agglomération
 
Une réflexion et une conduite d’exploitation félicitées par Aimé Nicolier, vice-président de Grand Bourg Agglomération, délégué à l’agriculture, l’alimentation, la ruralité, l’environnement et la biodiversité : « Nous sommes convaincus de l’intérêt des filières locales. C’est pour cela que l’on travaille sur un Projet Alimentaire Territorial. Fruit d’un travail de co-construction avec les élus et des partenaires du monde agricole en particulier, notre volonté se concentre sur la mutation des pratiques agricoles, sur le développement d’une alimentation locale de qualité (circuits courts, restauration collective…) et sur l’éducation avec la sensibilisation des producteurs et des consommateurs. On se doit de jouer le jeu dans nos cantines. À Grand Bourg, nous avons commencé à travailler sur la question de la logistique avec la Communauté de communes de la Plaine de l’Ain, celles de la Dombes et de la Veyle, ainsi que la Chambre d’agriculture pour trouver des scénarii de structuration de la logistique. Nous avons des échanges réguliers avec la profession agricole, un discours très riche. »