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La difficile lutte pour maîtriser l'expansion du frelon asiatique

Le frelon asiatique représente une menace de plus en plus présente en France et dans la région Auvergne-Rhône-Alpes. Pour faire face à son évolution, au sein de chaque département, un réseau de référents du GDS chargé de la coordination des actions locales est réparti sur le territoire.
La difficile lutte pour maîtriser l'expansion du frelon asiatique

Depuis quelques années, le frelon asiatique a pris son envol dans toute la France. La région Aquitaine a vu apparaître l'insecte pour la première fois sur son territoire en 2004, très certainement importé de Chine avec des poteries. L'espèce est aujourd'hui présente dans tous les départements de la région Aura.

Les compteurs explosent en 2018

En Rhône-Alpes, l'espèce montre pour la première fois le bout de son nez en 2011 sur plusieurs communes ardéchoises. Deux ans plus tard, c'est le sud du département de la Drôme qui constate sa présence. Suivent rapidement la Loire, le Rhône, l'Ain et enfin la Haute-Savoie en 2016. La Savoie jusqu'alors préservée, fait l'objet l'année dernière de plusieurs signalements. Côté Auvergne, tous les départements ont aussi vu le frelon asiatique s'installer progressivement sur leur territoire. « Le nombre de nids trouvés par an dans la région ne fait que grimper : 7 découverts en 2011, 630 en 2018 ! L'Ardèche est le département le plus touché. En 2011, nous recensions 11 nids contre 323 l'année dernière », explique Ericka Demetz, vétérinaire au sein du groupement de défense sanitaire Rhône-Alpes (GDS). Ces chiffres doivent néanmoins être pris avec des pincettes. Plusieurs acteurs travaillant sur la signalisation du frelon asiatique dans la région, ce bilan ne peut être considéré comme exhaustif, certaines données n'ayant pas pu être recueillies et prises en compte dans les calculs du GDS.

Une espèce réglementée

 

Au niveau européen, le frelon asiatique figure depuis le 13 juillet 2016 dans la liste des espèces exotiques envahissantes préoccupantes pour l'Union européenne (règlement d'exécution (UE) 2016/1141) contre lesquelles les États membres doivent agir. Le frelon asiatique Vespa velutina nigrithorax est classé au niveau national dans la liste des dangers sanitaires de deuxième catégorie pour l'abeille domestique Apis mellifera sur tout le territoire français. L'élaboration et le déploiement d'une stratégie de prévention, de surveillance et de lutte, a été confiée aux organismes à vocation sanitaire (OVS). En région Auvergne-Rhône-Alpes, un dispositif de surveillance et de lutte, assuré conjointement par la FRGDS et la Fredon, a été mis en place et décliné au niveau départemental. « La gestion est compliquée, les structures n'ont plus de moyens humains ni financiers. La lutte s'avère inefficace à ce jour. Aucun dispositif de piégeage sélectif et efficace n'ayant encore été mis au point, ces actions visent principalement à repérer et détruire les nids, au cours de l'été et de l'automne, avant la sortie des fondatrices. Elle contribue ainsi à maintenir la population de frelons asiatiques à un niveau acceptable », ajoute-t-elle.

Du temps et des moyens

Sur le terrain, les nids sont parfois compliqués à trouver. « Il y a un gros travail de la part des techniciens qui mènent les recherches. Ils circonscrivent la zone repérée et grâce à des appâts placés dans un croisement de direction, ils finissent par trouver le nid », explique Georges Picot, animateur du GDS de l'Ain. « Cela peut prendre deux heures comme une semaine ». À ce stade, qui est habilité à intervenir ? Soit le GDS par le biais d'un salarié formé, soit les pompiers lorsqu'il y a un danger pour la population, soit un désinsectiseur parfois accompagné d'un élagueur, si le nid se trouve au-delà de la longueur de sa perche télescopique. Le nid actif est détruit avec un biocide, souvent de la perméthrine, décroché puis éliminé par enfouissement dans un lit biologique. Des destructions de nids actifs à la terre de diatomée, un composé de fossiles d'algues microscopiques créant des microcoupures sur les carapaces des insectes, ont été expérimentées mais pour l'heure les résultats ne sont pas probants. Selon un opérateur qui n'utilise que cette solution naturelle, la mortalité aurait lieu 6 à 12 heures après l'injection dans le nid contre l'efficacité immédiate du pyrèthre, un insecticide d'origine naturelle ayant tout de même un fort impact sur l'écosystème. Se pose aussi la question de la destruction des nids. « Fin décembre, les frelons se mettent en léthargie mais c'est difficile de dire qu'à partir du 1er janvier on y touche plus. Tant que le nid est en état, il peut encore être habité ».

Alison Pelotier
Frelonsasiatiques.fr /

La nouvelle plateforme de signalement du GDS

Développée en partenariat avec la Fredon Auvergne-Rhône-Alpes et avec le soutien du conseil régional, une nouvelle plateforme de signalement du frelon asiatique verra le jour au printemps.. En se connectant sur le site frelonsasiatiques.fr, il sera possible de signaler de manière très précise la présence d’un nid ou d’insectes. Seule obligation : le chargement d’une photo permettant aux animateurs de reconnaître le frelon asiatique. « N’importe quel utilisateur pourra ajouter les coordonnées GPS du lieu, préciser s’il s’agit d’un nid ou d’un insecte, s’il se trouve sur un arbre ou près d’un bâtiment ou encore à quelle hauteur il a été repéré, s’il y a un danger pour la population… », indique Ericka Demetz. Une fois le signalement reçu par l’animateur du département, celui-ci décide à partir de la photographie dont il dispose de la nécessité de faire intervenir un référent ou non. Ce dernier se rend, si besoin, sur place pour confirmer la présence du frelon asiatique. Il envoie ensuite un rapport à l’animateur qui préviendra ensuite un destructeur.  « Il est important qu’un maximum d’informations soient données par chaque interlocuteur, d’abord par l’animateur qui reçoit le signalement, puis par le référent, le désinsectiseur ou le technicien sanitaire apicole qui le prend en charge », reprend-elle. Au bout de plusieurs années, cette plateforme sera une mine précieuse de données qui permettront de réaliser des statistiques bien plus détaillées que celles qui existent aujourd’hui. « L’on pourra peut-être même élargir nos connaissances. Si le frelon préfère certaines espèces d’arbres plus que d’autres, s’il se comporte de la même façon partout… ». Les espoirs qui reposent sur ce nouvel outil sont donc énormes. « Maintenant, il faut que tous les départements jouent le jeu pour que l’on puisse mettre en commun toutes nos connaissances ».

 

Témoignages

Georges Picot, animateur du GDS dans l’Ain / « Cela permettra de gagner du temps »

 

« Aujourd’hui, tous les signalements sont faits par téléphone. Nous recevons beaucoup d’appels, c’est très chronophage et certaines fois nous nous déplaçons pour rien. Tout le monde ne sait pas distinguer un frelon asiatique d’un frelon européen, d’un bourdon ou d’une guêpe. Cette nouvelle plateforme permettra à n’importe qui de signaler des nids ou des frelons asiatiques dans un périmètre géographique géolocalisé.  L’utilisateur devra charger obligatoirement une photo du nid ou du frelon repéré. Cela permettra d’écrémer une bonne partie des signalements sans avoir à se déplacer pour rien. Un premier tri sera effectué instantanément et permettra au centre d’appels de gagner énormément de temps. Je travaille sur la plateforme depuis septembre à titre expérimental et je la trouve très convaincante. Il y a encore des points perfectibles mais l’outil paraît utilisable et très pratique. Dans l’Ain nous commençons à avoir quelques problèmes de signalements mais rien à voir par rapport à d’autres départements où il y a des problèmes de financement pour embaucher des salariés à temps plein pour ne gérer que les signalements de frelon asiatique. On peut se poser la question de l’utilisation de la plateforme par les anciens mais il me semble que le frein n’est pas l’âge mais la capacité à se former. Pour toutes les personnes ne sachant pas se servir d’un ordinateur, il serait utile qu’elles puissent réaliser le signalement par le biais des municipalités ou des communes. Il me paraît aussi indispensable de former le public pour qu’il fasse remonter des signalements corrects. Dans mon département, une cinquantaine de référents a déjà commencé à se former pour repérer les nids, les circonscrire et gérer leur démolition. »

Damien Donati, technicien Fredon en Ardèche  / « Il faudra créer des liens avec d’autres plateformes »

 

" Je teste la plateforme depuis septembre dernier. Cet outil va nous permettre de  nous adapter à l’évolution du frelon asiatique dans nos départements. En Ardèche, nous devons gérer un grand nombre d’appels, plusieurs dizaines de signalements par jour. Nous n’arrivons plus à les prendre en charge. Dans le département, trois animateurs réceptionnent les coups de fil : la Fredon, le GDS et le GDSA, une association apicole. À partir de leurs informations, jusqu’à présent tout était centralisé sur un fichier Excel à la Fredon. D’ici quelques mois, la plateforme devrait permettre de recevoir moins d’appels et de suivre l’évolution du frelon de manière beaucoup plus efficace. D’ici quelques mois, on pourra retrouver la liste des désinsectiseurs formés à la destruction de nids avec leurs coordonnées. L’intérêt est d’apporter le plus de détails possible sur la plateforme car à partir du moment où il nous manque des éléments, cela impacte la rapidité du traitement du signalement. Un signalement pauvre en informations est mal traité et la destruction du nid souvent mal prise en charge. Reste à mettre en place une grosse opération de communication et beaucoup de pédagogie auprès de tous les utilisateurs de la plateforme. Il faut savoir qu’aujourd’hui la détection des nids est réalisée en majorité par les particuliers, les randonneurs et les promeneurs, d’où l’importance d’informer et de sensibiliser. Tout va se jouer là-dessus ! Il faudra aussi réussir à créer des liens avec d’autres plateformes de signalement déjà existantes dans d’autres départements et régions. Le GDSA en utilise déjà une : LeFrelon.com Je suis persuadé qu’il existe des mini-plateformes locales dont on n’a pas connaissance. Il y a un travail minutieux de liaison à réaliser pour ne passer à côté d’aucun signalement."