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Francine Lioux : « Valoriser et respecter le produit, c’est respecter le convive »

Originaire de la Drôme, Francine Lioux a travaillé à Paris, puis Lyon, avant de rejoindre les cuisines du collège Anne Frank de Miribel en tant que cheffe. Rencontre avec une adepte des produits locaux de qualité, créatrice de recettes, qui a reçu l’an dernier le trophée Acheteurs Agrilocal.
Francine Lioux : « Valoriser et respecter le produit, c’est respecter le convive »

Quel a été votre parcours avant d'intégrer le collège de Miribel ?

« J'ai commencé ma carrière à Paris, puis à Lyon, en tant qu'intermittent du spectacle, pour la pub, à Canal+ et TF1 en tant qu'opératrice magnéto ralenti et j'ai également fait un peu de réalisation. Puis j'ai créé une entreprise dans la distribution automatique de boissons à Lyon. Après l'avoir revendue, il y a une quinzaine d'années, j'ai rencontré un chef de cuisine qui a créé un grand restaurant gastronomique. J'ai été réceptionniste et j'allais souvent en cuisine voir comment cela se passait. J'ai beaucoup appris, tant au niveau de l'accueil, la réception, que la convivialité, et là ça a été le déclic ! J'avais envie de connaître le métier, de tout comprendre. J'ai suivi une formation intensive de huit mois en cuisine, l'équivalent du CAP. J'ai ensuite créé une affaire à Lyon, à mon image, que j'ai revendue au bout d'un an. J'ai alors pris du temps pour réfléchir. J'avais envie de travailler pour les jeunes, et démontrer que l'on pouvait donner du plaisir gustatif aux gamins, dépoussiérer la restauration scolaire. J'ai donc écrit au Département de l'Ain pour un poste de chef de cuisine de collège. Je me suis présentée ici avec mon projet, la démarche de qualité était déjà enclenchée, je l'ai juste amplifiée. »

 

Vous êtes également créatrice de recettes...

« Oui, j'aime créer des recettes. J'adore ça. Le patrimoine culinaire de l'Ain est tellement inspirant... Je rencontre les producteurs, je vais toucher leurs produits. Chaque année je vais au grand marché des AOC avec une nouvelle recette. Une de mes recettes figure dans le troisième tome du bouquin « J'Ai F'Ain ». J'ai créé le Muff'Ain, au bleu de Gex et Comté, et des graines de moutarde noire. Mais aussi la Bl'Ainquette, à base de carpe et de truite fumée ; ou encore l'Ainburger avec de la volaille de l'Ain, Comté, Bleu de Gex et oignons confis au Cerdon ; une terrine aux deux bleus avec des poires glacées au Cerdon ; des rillettes de la Dombes avec carpe et truite et une crème montée à l'Agastache... »

Vous mettez un point d'honneur à utiliser les produits locaux et de saison. Comment les choisissez-vous ?

« Je viens travailler chaque jour avec envie et j'ai la chance d'avoir une équipe formidable, avec de la bienveillance. Nous sommes trois en cuisine, avec mes collaboratrices Emilie Kerner et Mélanie Janin. Nous utilisons 70 % de produits locaux : pain, viandes, fromages, crème et beurre de Bresse, fruits et légumes... On cuisine un légume différent par jour et un potage par semaine, comme par exemple le velouté de châtaignes ou une soupe à l'oignon. Et tous les jours au moins deux ingrédients bio. Nous servons 440 couverts en moyenne par jour. J'ai toujours rencontré des producteurs passionnants et passionnés par leur métier. Je vais toucher les produits, les goûter, c'est rassurant. Je veux travailler en conscience. Je sais d'où vient le produit, comment il a été fait. »

Vous avez cuisiné il y a quelques jours votre première commande de Viande des Pays de l'Ain. Quelle suite allez-vous donner ?

« Le Département nous a présenté la marque Viande des Pays de l'Ain (voir encadré). Le 7 janvier j'ai été livrée et j'ai cuisiné du bœuf sauté façon bourguignonne. Mon bœuf, je vais le prendre à l'avenir exclusivement Viande des Pays de l'Ain. Je me suis engagée à l'année, avec des quantités. Je vais m'adapter aux volumes, avec un planning peut-être un peu plus précis que pour d'autres viandes. On a les moyens de le faire, donc faisons-le. »

 

« J’ai la chance d’avoir une équipe formidable », dit Francine. Ses deux collaboratrices : Emilie Kerner et Mélanie Janin.

Le prix des produits n'est pas un frein pour vous ?

« On a un rôle dans l'économie locale. Le prix n'est pas le premier de mes critères. Ça ne l'a jamais été ! Il s'agit avant tout de savoir d'où vient le produit et comment il a été fait. Mes valeurs sont celles-là. Le coût d'un repas est à moins de 2 €. Et nous avons très peu de gaspillage au retour des plateaux des élèves, 34 grammes seulement à la dernière pesée. Avec un service à la carte, des portions adaptées à la demande de l'élève. J'ai une devise : quand on valorise et que l'on respecte le produit, on respecte le convive. La saisonnalité du produit, c'est la base. La cantine est un outil pédagogique comme un autre. Je transmets le goût et le plaisir de manger. Mes plus belles émotions professionnelles, c'est là que je les vis, avec le retour positif des jeunes. Quand la cuisine est appréciée par les enfants, c'est de belles émotions et là, mon travail prend tout son sens. »

Patricia Flochon