Collectivités
Maires : les piliers de la République bafoués par le gouvernement
C’est dans un climat morose que le congrès des maires de l’Ain s’est déroulé le 18 octobre dernier à Bourg-en-Bresse. Pour les maires, accusés injustement par le gouvernement de la dérive des finances publiques, la pilule ne passe pas.
Les maires ont exprimé unanimement leur colère lors de la matinée dédiée à l’assemblée générale de l’association départementale des maires et des présidents d’intercommunalités de l’Ain, présidée par Jean-Yves Flochon, dans le cadre de la journée du salon des communes et intercommunalités de l’Ain, le 18 octobre à Ainterexpo.
A commencer par Jean-François Debat, maire de Bourg-en-Bresse et président de Grand Bourg Agglomération : « Non ! Les élus, les collectivités territoriales, ne sont pas responsables de la dérive des dépenses publiques ! Nous le reprocher, c’est simplement un mensonge, alors que nous représentons plus de 70 % de l’investissement public dans ce pays. » Et de poursuivre, d’un ton excédé : « Quant aux cinq milliards demandés aux collectivités en 2025, en fait tous les calculs montrent que nous serons plus près de 10 milliards. Pour la ville de Bourg-en-Bresse, c’est 3,5 millions d’euros ; pour Grand Bourg Agglomération : 4,5 millions. C’est considérable. Ce dispositif est un dispositif puissant qui cherche à diviser les élus locaux. »
« Le gouvernement joue au jeu dangereux du pompier pyromane »
Du côté du Département, même indignation, son président, Jean Deguerry, se disant « sidéré de voir notre pays ne savoir plus boucler un budget sans saigner les français. » Colère froide et mots cinglants chez Jean Deguerry qui ajoute : « Le problème, c’est que l’incompétence de certains emmène tout le monde dans leur chute. Il est on ne peut plus irresponsable de faire porter aux collectivités la dérive de nos finances. La faute est à l’Etat central. Le gouvernement joue au jeu dangereux du pompier pyromane. » Tout en rappelant que dans l’Ain, le Conseil départemental a investi près d’un milliard d’euros depuis 2015 – la collectivité réussissant à maintenir son budget à l’équilibre – il déplore : « et pourtant les Départements sont tout simplement au bord du précipice. C’est le modèle même du financement de la collectivité qui ne tient plus. Nous ne disposons plus de l’autonomie fiscale et de la capacité à lever l’impôt. Le débat budgétaire sera un moment de vérité. »
Dégradation des finances publiques : « un dérapage inédit sous la Ve République »
En préambule de l’énoncé, comme le veut la coutume, des vœux formulés par les maires, Christophe Greffet, secrétaire général de l’AMF de l’Ain et maire de Saint-Genis-sur-Menthon, orateur émérite, usait avec le talent qu’on lui connaît de la métaphore. « Notre pays a vécu au rythme de l’ascenseur émotionnel ces derniers mois. La défiance à l’égard du personnel politique atteint des sommets. Si la réussite des jeux olympiques a dépassé toutes les attentes, à peine refermée la parenthèse enchantée, la France est retombée sur le dur tatamis du déficit budgétaire. »
Députés et sénateurs – sénatrices de l’Ain, ne sont pas en reste pour fustiger le gouvernement. Selon le député Marc Chavent, « les collectivités locales sont gérées de manière saine et responsable. Donc non seulement ce qui se prépare est profondément injuste, non seulement on nous fait les poches, mais en plus cela va avoir des conséquences dramatiques sur l’investissement public. Le budget passera avec un 49-3. »
Pour la sénatrice Florence Blatrix-Contat, « un tel dérapage est complètement inédit sous la Ve République hors période de crise. » Son homologue, Sylvie Goy-Chavent va encore plus loin : « l’Etat doit se réformer sur le fond car on ne peut pas transférer les incompétences sur les collectivités. Par contre il y a des lignes rouges : on ne touche pas aux retraites. Il y a des choses de fond à faire sans toucher aux collectivités. » Et le député Xavier Breton, vice-président de l’Assemblée nationale, d’annoncer : « la commission des finances va se transformer en commission d’enquête pour identifier les dérapages des finances publiques. »
Et Jean-Yves Flochon de conclure : « En déshabillant Pierre, le Gouvernement ne rendra pas Paul plus riche. Les maires continuent de jouer le rôle de piliers de la République. »
Patricia Flochon
La présence postale préservée dans l’Ain
Face à la menace de fermeture de certains bureaux de poste, le sénateur Patrick Chaize s’est voulu rassurant : « Le contrat de présence postale, liant l’AMF, l’Etat et la Poste a traité ce point dans l’été. Il n’y a aucune fermeture de bureau de poste dès lors qu’il abrite une maison France Services. Pour les autres bureaux, elle doit être limitée à trois semaines, et en accord avec le maire. Cela concerne 68 bureaux de poste dans l’Ain et 61 points de contact La Poste dans des commerces. »
Chantal Mauchet, préfète de l’Ain, aux côtés des collectivités
Se félicitant des excellentes relations et de la qualité des liens entre les services de l’Etat et les élus des collectivités, Chantal Mauchet débutait son intervention par des propos bienveillants : « je souhaite vous dire ma reconnaissance et mon estime pour votre fonction. Vous être nombreux, je le mesure, à estimer qu’il est devenu difficile d’agir, que les projets sont longs, que tout cela est parfois décourageant. Je veux précisément vous assurer de mon soutien. »
Et de rappeler les quatre priorités fixées par l’Etat : renforcer la sécurité du quotidien, accélérer la transition écologique, réindustrialiser et dynamiser l’aménagement des territoires, et s’attacher à la présence des services publics.
Sécurité
Sur le volet sécurité, deux nouvelles brigades mobiles multi missions de gendarmerie ont été mises en place en 2024 à Montluel et Thoiry ; ce sont les deux premières dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, et une troisième verra le jour à Nantua en 2025. La police nationale a également été réorganisée en Direction départementale de la police nationale à compter du 1er janvier 2024. Et de poursuivre : « L’autorité liée à votre fonction suppose qu’elle soit préservée dans son intégrité, morale comme physique. A ce titre, le plan national de prévention et de lutte contre les violences aux élus, puis la loi du 21 mars 2024, ont conduit dans l’Ain a un partenariat étroit entre l’autorité judiciaire, les forces de sécurité, les élus et la préfecture. J’accorde une vigilance toute particulière aux situations qui sont systématiquement portées à ma connaissance par les forces de l’ordre. »
Transition écologique
La phase de concertation des « zones d’accélération des énergies renouvelables » arrive à son terme. « Je salue votre engagement, puisqu’à ce jour plus de 150 communes de l’Ain ont procédé à ce zonage. Il reste aux autres commune jusqu’au 31 octobre pour y procéder, dans le cadre d’une seconde vague. L’Etat est à votre disposition pour vous apporter tout appui technique nécessaire », rappelle Chantal Mauchet, annonçant qu’elle prendra prochainement un arrêté préfectoral pour valider les zonages.
Compétence « Eau et assainissement »
Le Premier ministre a annoncé le 9 octobre que « pour les communes qui n’ont pas encore transféré la compétence, il n’y aura plus de transfert obligatoire au 1er janvier 2026 ». Chantal Mauchet précise à ce titre : « au regard de l’importance des enjeux en la matière, et notamment dans ce département, qui est dynamique en matière démographique, ce qui crée des besoins en investissement, je compte sur les communes – ne procédant pas à ce transfert – pour poursuivre leurs réflexions sur des solutions de mutualisation. Ce travail est essentiel pour notre département. »
Mise en place du Service agricole unique
La préfète a engageait en février dernier « l’agenda agricole dans l’Ain » ; un cycle de dialogue avec la profession, et des permanences agricoles organisées dans les quatre arrondissements de l’Ain par les services de l’Etat. De là germait l’idée du « Service agricole unique », créé en juin 2024. Une structure visant à répondre à toutes les questions des agriculteurs, lancée dans l’Ain pour trois ans, par l’Etat, en partenariat avec la chambre d’agriculture. Une expérimentation quasiment unique au niveau national, conduite également par le Rhône.
Assouplissement du « zéro artificialisation nette »
Sur le volet aménagement du territoire, Chantal Mauchet annonce : « L’Etat est à vos côtés pour dynamiser votre pouvoir d’aménager l’avenir de vos territoires. Cela suppose, de la part de l’Etat, une méthode de souplesse et de simplification selon les vœux du Premier ministre. Le « Zéro artificialisation nette » évoluera de façon pragmatique et différenciée, afin de répondre à vos besoins très forts en matière d’industrie et de logement. » Une annonce confirmée peu plus tôt dans la matinée par le sénateur Patrick Chaize qui envoyait une bouffée d’air aux maires : « on devrait avoir un assouplissement de la loi ZAN, voire une suppression de ce texte dans les mois qui viennent… » A suivre.
P.F.