ADVENTICES
Désherbage mécanique : quelques retours d’expérience

Margaux Legras-Maillet
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La deuxième matinée du rallye sur le désherbage mécanique, organisé par la FDCuma, l’Adabio et David Stephany d’Alter agro conseil, s’est tenue chez Méryl Cruz Mermy et Benoît Merlo aux Jardins d’Aestiv à Saint-Didier-d’Aussiat. 

Désherbage mécanique : quelques retours d’expérience
Herse étrille Cuma du château. PHOTO/ MLM

La matinée a commencé par la présentation d’une rotoétrille Einböck de 15 m avec 80 roues de 50 cm et dents de 6,5 mm, acquise par Laurent Dufour, somme toute assez déçu de ce matériel. Non pas qu’il doute de son efficacité, mais plutôt de son adaptabilité sur ses terres. Conçue à mi-chemin entre la houe rotative et la herse étrille, la rotoétrille arrache les adventices à l’aide de disques étoilés. « C’est un outil qui peut être complémentaire d’une herse étrille. L’idée c’était de l’utiliser sur des cultures à un petit stade, pour nettoyer le rang. (…) La différence avec une herse étrille, c’est qu’une rotoétrille ne peut pas être passée trop tardivement sinon elle couche tout », explique-t-il. Agriculteur à Château-Gaillard, Laurent Dufour possède également quelques hectares sur les communes de Saint-Genis-sur-Menthon et à l’Est de Pont-de-Veyle. Il y cultive blé, orge d’hiver de brasserie, colza, lentille, soja, pois chiche, tournesol, maïs et un peu de sorgho. Environ 400 ha de cultures, en agriculture biologique, le tout sur des sols très variés, dont une partie irrigable. « J’ai de tout ce qu’on peut trouver sur le département ! Du caillouteux, de l’argile, du gravier, du limon battant, des sols de Bresse … », ajoute-t-il.
 
Privilégier la polyvalence au suréquipement
 
S’il était satisfait des essais de la rotoétrille en 6 mètres, Laurent Dufour l’est beaucoup moins pour la sienne de 15 mètres. Il regrette en effet la rigidité du châssis qui ne permet pas de travailler la parcelle en plein lorsque celle-ci n’est pas plane. En effet, lorsqu’il y a des trous au niveau du sol, les dents ne vont pas jusqu’au fond. Aujourd’hui, l’agriculteur préfère revendre son matériel et ajouter des équipements optionnels à sa bineuse, notamment les éléments étoilés similaires à ceux d’une rotoétrille. Reste à voir s’ils sont utilisables en même temps que les doigts Kress. 
Par ailleurs, depuis cette année, il a la possibilité d’utiliser un système de guidage actif d’outil. Une mise à jour de logiciel qui lui permettra de compléter son système de guidage RTK (pour cinématique en temps réel). « Nous allons pouvoir enregistrer les données de la ligne de rang avec le semoir et les intégrer dans la console, non pas de la bineuse, mais du tracteur. Nous pourrons utiliser ce système par exemple lorsqu’il y aura du vent et que le système de guidage de la bineuse ne sera pas en capacité de repérer correctement le rang », précise-t-il. Une belle alternative au joystick pour les mordus de système de guidage. 
 
Herse étrille : gare à la pression des dents 
 
La typologie des sols est cruciale pour le désherbage mécanique, que l’on ait une rotoétrille ou une herse étrille. Plus polyvalente la herse étrille est toutefois plus sensible au réglage que sa cousine, note David Stephany. À noter qu’il existe deux types de herses étrilles : à paniers ou à ressorts, rappelle Nicolas Boinon. D’expérience, Laurent Dufour conseille ainsi de privilégier une herse étrille à ressorts sur terrain vallonné : « Le problème avec une herse à paniers, c’est que si le panier passe alors la dent ne touche pas. Tandis qu’avec des ressorts, qu’il soit tendu ou très tendu, la pression au bout de la dent ne change pas. » 
La pression des dents doit être un point de vigilance pour garantir un travail homogène avec une herse étrille. « Lorsqu’on descend le plateau, la pression des dents baisse également, donc il faut faire attention », insiste Laurent Dufour. « On est tous passés par des herses étrilles à plateaux avant d’opter pour des herses à ressorts, mais si on veut être plus précis on règle la pression des câbles grâce à un vérin pour un travail plus homogène, ajoute de son côté Benoît Merlo, dont la herse étrille était exposée le matin. Une Treffler à ressorts de 12 m, équipée de six roues de jauge devant et derrière. Lorsqu’il y a de la véronique sur cultures de printemps ou du liseron dans les céréales d’hiver, j’opterais pour une l’Aerostar-Fusion d’Einböck, mais elle était trop chère. » 
Même constat du côté de Joël Vernay. Agriculteur à Saint-Genis-sur-Menthon en agriculture biologique, il l’utilise à contrecœur sur ses cultures de printemps. Loin d’être son outil préféré, comme il le dit lui-même, l’agriculteur sait pourtant que c’est le plus polyvalent pour ses sols argileux, argilo-limoneux et limon-battant. 
 
S’adapter au sol via la pression hydraulique
 
Le choix de l’outil dépend non seulement de son itinéraire technique et du type de culture, mais il ne peut être dissocié du type de sol. Il en va de même pour le réglage de l’outil. Ainsi, l’hôte de la matinée préfère un réglage agressif à une vitesse faible de sa herse étrille, en jouant sur la pression hydraulique, adaptable à tout type de terrain : « Je considère que je fais plus de travail comme ça, en réduisant la pression hydraulique. De toute façon sur terrain limoneux, il n’y a pas vraiment le choix. L’avantage avec la pression hydraulique, c’est qu’on peut la réduire sur terrain mou et en remettre sur terrain blanc. » Un paramètre intéressant pour le réglage. 
Laurent Dufour attire toutefois l’attention sur l’homogénéité de l’outil, en particulier lorsque celui-ci est assez long et que les roues sont à l’avant et non à l’arrière : « Quand on atteint 7 ou 8 de tirage hydraulique alors la pression au niveau des dents fait que celles situées aux extrémités ne touchent plus le sol. En ce cas, mieux vaut ajouter des roues sur les côtés pour conserver un peu de poids. »
Sur certaines herses étrilles, monter la pression hydraulique évite également que les câblent s’emmêlent au moment de replier la machine. Ce n’est pas le cas de celle de Benoît Merlo dont le châssis est équipé de guide-câbles. Cette machine est par ailleurs équipée d’efface-traces sur les roues de jauge arrière. 
 
Bineuse, herse étrille, bineuse 
 
Quand passer sa herse étrille ? C’était l’une des questions posées aux trois agriculteurs témoignant. Ce jour-là aussi, les témoignages s’accordent à dire qu’une herse étrille est complémentaire d’une houe rotative : une herse étrille sera en effet moins efficace qu’une houe rotative sur croute de battance mais plus efficiente sur des adventices au stade quatre. Même une herse étrille vendue comme adaptée au décroutage sur sol limoneux se révèle bien moins productive qu’une houe rotative, admettent Laurent Dufour et David Stephany.  
Parce qu’elle est aussi très complémentaire de la bineuse, et ce quel que soit le type de sol, Joël Vernay et Benoît Merlo ont pour habitude de réaliser un premier passage de bineuse avant celui de la herse étrille, puis un deuxième coup de bineuse en troisième étape. En fin de matinée, le maître des lieux a présenté une bineuse neuf rangs avec guidage caméra et section-control de la marque Steketee et appartenant à la Cuma du Château. Elle vient compléter le parc de la Cuma, qui possédait déjà une bineuse Garford. « Lorsque l’on a des années extrêmes, les fenêtres d’ouverture sont trop courtes et tout le monde doit pouvoir avoir accès au matériel au moment où il en a besoin », justifie Benoît Merlo. 
Les deux matériels viennent ainsi se compléter. Équipée de dents soc cœur, la Steketee pénètre mieux les sols en cas d’importante croute de battance que la Garford, mais arrache moins d’adventice en contre-partie, souligne David Stephany. « Il faut compter environ 20 kg de pression sur chaque dent et on peut monter à 50 kg lorsque les sols sont bien resserés en surface », précise Benoît Merlo. Attention, ce matériel favorise la projection de terre et des protège-plants sont obligatoires.
 
Quels équipements ajouter à sa bineuse ? 
 
La bineuse présente l’avantage d’être particulièrement polyvalente, grâce à l’ajout d’équipements spécifiques. Augmentée d’un système de guidage propre, elle vient par exemple compléter le système de guidage RTK du tracteur. Selon la marque, il est également possible d’opter pour un système de relevage de panier indépendant des poutres et des éléments, ce qui en fait un outil de travail en plein. L’installation momentanée de peignes est aussi indiquée pour fignoler l’arrachage d’adventices sur inter-rangs. À noter qu’ils ne sont pas utilisables avec les doigts Kress. Montés sur les poutres et non sur les éléments, les doigts Kress permettent enfin de gagner en précision et de s’approcher au plus près du rang, estime Benoît Merlo. Seule ombre au tableau, l’impossibilité de régler les protège-plants. Et Benoît Merlo de conclure avec humour : « il faudrait une bineuse Steketee avec les protège-plants Monosem (réglables, NDLR) ». 

Un nouveau scalpeur à la Cuma du Château

De la marque Treffler, il n’est pour l’instant qu’en essai. « Nous l’avons demandé parce qu’on nous répète souvent que les déchaumeurs et rouleurs ne conviennent pas car ils remontent trop de terre », explique Benoît Merlo, adhérent de la Cuma. Lui-même l’a déjà essayé sur des parcelles en prévision de cultures de sorgho, millet et sarrasin, pour une profondeur de 3 à 4 cm. Il s’en dit déjà satisfait et conseille de privilégier un travail large plutôt qu’un travail en vitesse pour un meilleur débit de chantier. « Si on va trop vite, les dents vibrent et les racines risquent de passer à côté. De plus cela fait remonter la terre et ce n’est pas ce que l’on veut. Je ne suis pas un fou du déchaumage. J’ouvre au Horsch ou au Cover crop et ensuite je passe le scalpeur », précise-t-il, ce qui réduit le travail en interculture à deux passages avant semis de couverts.
Benoît Merlo ajoute que c’est un outil complémentaire du rouleau puisque le scalpeur n’en est pas équipé. Un atout de taille puisque passer un rouleau arrière en même temps que le scalpeur risquerait de replanter les vivaces et de les empêcher de sécher au soleil. En plus d’être utile en désherbage mécanique, l’adhérent de la Cuma souligne que cet outil pourrait également être orienté en destruction de couverts végétaux. Après ces tests concluants, Benoît Merlo s’orienterait davantage vers un scalpeur de 4,30 m porté, moins lourd que le 5,60 m. Reste à savoir si les autres adhérents de la Cuma seront convaincus par son utilisation.