CLIMAT
Le vignoble du Bugey transi par les gelées de la Lune rousse

Margaux Balfin
-

De Massignieu-de-Rives à Gravelles en passant par Lhuis, Mérignat et Corbonod, le vignoble du Bugey a été frappé par la vague de froid de cette semaine. Avec des températures descendant parfois jusqu’à – 4 °C, les viticulteurs, dont la plupart ne sont pas assurés, pourraient accuser d’importantes pertes. 

Le vignoble du Bugey transi par les gelées de la Lune rousse
À certains endroits, les parcelles ont gelé à 100 %, parfois plutôt de manière localisée. Il faudra attendre la remontée des températures pour estimer avec plus de justesse les dégâts. Photo/Stéphane Trichon

« Gelée de Lune rousse, de la plante brûle la pousse ». Le climat change mais les dictons de grands-mères, eux, malheureusement demeurent. Le vignoble de Seyssel, enclave viticole située à l’Est du département dans le pourtour de Corbonod, est le premier à en avoir fait les frais la semaine dernière. « Les plus grosses gelées ont eu lieu vendredi matin, puis les températures sont de nouveau redescendues dimanche matin avec – 1 °C », résume Loïc Bernard, président de l’appellation. « À vue d’œil, on voit malheureusement que c’est déjà bien entamé avec des parcelles touchées à au moins 30 %, et qu’elles soient tondues ou non, précoces ou non, cela ne change rien. » La Roussette (l’Altesse de Seyssel), cépage visiblement plus fragile, est le plus touché. Alors qu’il se balade dans l’une de ses parcelles, Loïc Bernard constate qu’une corne sur dix a gelé, quand c’est plutôt le cas une fois sur trente dans la parcelle contigüe plantée de Gamay.

Chez lui, son voisin Régis Mollex déplore lui aussi d’importantes gelées en fin de semaine. « Une nappe de brouillard a amené de l’humidité, explique-t-il. Sur les bas-fonds des parcelles ont gelé à 75 % avec parfois deux ou trois pousses par pied qui ont grillé. » Le viticulteur constate lui aussi une plus grande vulnérabilité de l’Altesse par rapport aux autres cépages, et notamment la Molette, plus tardive. Mais ce qu’il redoute le plus, c’est que certaines pousses restées vertes malgré le froid ne partent en vrilles plutôt que de faire des raisins. 

Plus au Sud, à Massignieu-de-Rives, une parcelle d’un hectare de Gamay qui avait déjà gelé en 2021 a de nouveau été grillée par le froid à 90 %. « Trois autres hectares ont gelé entre 10 et 40 %, détaille Julien Quinard du Caveau Quinard. Ce sont des bourgeons sur des bas-coteaux donc il y a un peu de Chardonnay. On était déjà à trois feuillées étalées… »

La vague de froid est arrivée à Lhuis ce lundi

Ce lundi matin, c’était au tour des viticulteurs de Lhuis, jusque-là plutôt épargnés, de découvrir avec consternation les premiers dégâts. « C’est plus que la cata, c’est 2021 bis », lâche Stéphane Trichon, viticulteur dans le village qui domine le Rhône. Les 13 ha de son exploitation ont gelé à presque 100 %. S’il est encore trop tôt pour savoir comment les choses évolueront il craint particulièrement pour ses Chardonnay dont les bourgeons secondaires ne sont pas fructifères. « Reste à voir si les Pinot et Mondeuses ont vraiment gelé ». Installé avec son épouse, Stéphane Trichon accuse le coup. Non assuré, il pense au remboursement de sa toute nouvelle cave. « On a encore un peu de stock, mais en 2021, on a fait 80 % de récolte en moins. En 2022 le vin était super, ce qui nous a permis de combler le trou de 2021 et 2023 ce n’était pas trop mal. Ce n’est pas historique, ça devient annuel… et ça devient compliqué de faire une récolte. »

Son voisin, Clément Martin-Cocher, dont les vignes s’étendent sur les coteaux de Lhuis et Groslée, faisait également mine basse ce début de semaine. Lui qui se réjouissait d’être passé à travers vendredi dernier a lui aussi essuyé la langue de froid. Chez lui, les gelées étaient toutefois plus localisées, les zones plus humides planes étant les plus touchées. « Les feuilles, les bourgeons, même les coursons à deux yeux ont gelé donc ça se joue aussi pour l’année prochaine », s’inquiète-t-il. Par chance, ses Altesses et Mondeuses sur échalas ont pu profiter d’une taille tardive, ce qui leur a permis d’être mieux protégées. Sur les 4,5 ha de son exploitation, Clément Martin-Cocher estime qu’au moins un hectare a tout de même gelé. « C’est descendu à - 2 ou – 3 °C. » Ayant ramassé sa première récolte en 2021, le jeune agriculteur sait toutefois rester philosophe et préfère y voir une opportunité de repérer les parcelles à potentiel gélif pour mieux les protéger les années prochaines. 

Le secteur de Cerdon n’a lui non plus pas été épargné 

À quatre heures de l’après-midi ce lundi, le mercure ne dépassait pas les 4 °C dans les pentes de Marcel Périnet, viticulteur à Gravelles : « Ce n’est pas brillant, sur la Croix de la dent, ça a morflé. Du côté du Mont Chatel et de Trillat, c’est ravagé… » Avec une sortie des raisins précoce de quinze jours, les Poulsards sont parmi les plus exposés. « Je croyais que les endroits où il n’y avait pas d’herbe ce serait gagnant en termes d’humidité, mais ça n’a rien à voir. Il y a des endroits où il y a de l’herbe et où ça n’a pas gelé. C’est à n’y rien comprendre », ajoute le viticulteur qui lui aussi attend les prochains jours pour faire le bilan. 

Du côté de Mérignat, les Poulsards ont là aussi souffert. Les premières dégradations liées au gel sont visibles depuis vendredi dernier et se sont aggravées dans la week-end et dans la nuit de dimanche à lundi alors que les températures avoisinaient les – 4°C vers 5 heures du matin. 

« Tout le Bugey est pris, il y a déjà du mal de fait », conclut Jean-Luc Guillon, président du syndicat des vins du Bugey, lui-même viticulteur à Poncin et dont certaines parcelles ont été gelées à 100 %. Il faudra tout de même attendre plusieurs jours et la remontée des températures la semaine prochaine pour estimer avec plus de justesse les dégâts. D’autant plus que d’aucuns redoutent une nouvelle chute du thermomètre cette nuit.