COMPTE DE L'AGRICULTURE
L’Insee valide la hausse des charges agricoles

Dans une note parue le 15 décembre, l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) rappelle que si la production agricole a augmenté en valeur en 2022, les agriculteurs ont dû faire face à une hausse de charges inédite.

L’Insee valide la hausse des charges agricoles
En 2022, la production agricole en valeur progresse de 17,4 %, selon l'Insee. ©DR

« En 2022, la production agricole en valeur progresse de 17,4 % dans un contexte mondial de renchérissement de l’énergie et des matières premières et agricoles », indique Insee Première paru le 15 décembre qui détaille le compte prévisionnel pour l’agriculture de l’année 2022 (1). Selon l’institut, cette hausse « est tirée par la nouvelle élévation des prix (+ 16,5 %), la progression étant limitée en volume (+ 0,8 %) ». Parmi les secteurs qui ont vu leur valeur croître, on retrouve les productions végétales (+ 18,6 %), la viticulture (+ 30,9 %), les fruits (+ 25,1 %) mais aussi les productions animales. Ces dernières gagnent, dans leur ensemble, 17,3 % depuis 2021. Cependant les statisticiens nuancent leurs propos en indiquant que cette hausse en valeur est certes portée par l’augmentation des prix (+ 21,5 %), mais que les volumes de viande diminuent à nouveau (- 3,4 %). Ce qui confirme la décapitalisation en cours qui gagne les campagnes.

Engrais : + 78,4 %

L’étude souligne par ailleurs que les consommations intermédiaires ont augmenté de 12,4 % en valeur, entre 2021 et 2022, en raison de « l’envolée des prix de l’alimentation animale, des produits énergétiques et des engrais ». Dans le détail, les achats d’aliments pour animaux (hors autoconsommation) ont progressé de 11,6 % en valeur sur un an. « Leurs prix augmentent fortement (+ 22,1 %), suivant l’évolution du prix des céréales. Les difficultés à nourrir les bêtes ont pu amplifier les ventes du cheptel, aussi les dépenses d’achats pour animaux diminuent sensiblement en volume (- 8,6 %) », précise l’Insee. Quant aux prix de l’énergie, ils grimpent de 39,1 %, après une forte hausse déjà constatée en 2021 (+ 20,7 %). « La facture énergétique des exploitations s’alourdit de plus d’un tiers (+ 33,6 %) », constate l’Insee. La facture est encore plus salée pour le prix des engrais dont la fabrication est totalement liée à celle du gaz. La reprise économique et les conséquences de la guerre entre la Russie et l’Ukraine ont fait exploser les cours des engrais : + 78,4 % sur un an. « Sous l’effet de la hausse des prix, les achats d’engrais et amendements progressent néanmoins de 48,8 % en valeur en 2022 », souligne l’Insee. Au total, la valeur ajoutée brute au coût des facteurs par actif augmenterait de 16,4 % en termes réels, après 11,5 % en 2021. L’Insee a révisé ses comptes. Elle tablait sur une hausse de 13,9 % en juillet dernier. Dans tous les cas, l’institut apporte de l’eau au moulin des agriculteurs avec des arguments de poids auprès de certains patrons de la grande distribution qui nient la réalité des hausses qu’ils jugent purement spéculatives. Avec la reprise des négociations commerciales annuelles, les agriculteurs et les industriels auront de quoi appuyer leurs légitimes demandes.

Christophe Soulard

(1) Les comptes prévisionnels de l’agriculture ne mesurent pas et donc ne reflètent en aucun cas le revenu disponible des ménages dont la personne de référence est agriculteur.
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Les réactions profesionnelles

« Ces chiffres méritent d’être replacés dans un contexte particulier, qui ne sera pas nécessairement durable », prévient Sébastien Windsor, président des Chambres d’agriculture France. Il se félicite que « le solde de ces évolutions soit tout de même positif pour l’agriculture française » et que ses « résultats économiques augmentent ». Pour lui, l’agriculture ne retrouve qu’en 2022 les niveaux de la valeur ajoutée qu’elle atteignait au début des années 1980. « Il est important que les agriculteurs puissent se projeter dans l’avenir et investir pour passer le cap des transitions économiques et énergétiques », conclut-il.

De son côté, la FNSEA se félicite « de l'amélioration du résultat brut de la branche agricole de 22 %, retrouvant son niveau du début des années 1980 ». Cependant, elle estime que pour pérenniser leur activité, « il est nécessaire que ces chiffres restent sur une tendance positive dans le long terme dans toutes les régions et dans tous secteurs de production ». Pour le syndicat majoritaire, « il est impératif de permettre aux agriculteurs de tirer un revenu décent de leur activité, et d'avoir des sécurités et une vision au long terme de leur activité ».