VITICULTURE
Une récolte jugée « correcte » en 2022

Margaux Legras-Maillet
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Le syndicat des vins du Bugey a convoqué son assemblée générale ordinaire vendredi 17 mars à Belmont-Luthézieu dans le Valromey. Élus et viticulteurs ont dressé le bilan de la récolte 2022. 

Une récolte jugée « correcte » en 2022
Les membres du bureau ont évoqué l’avenir des locaux de la plateforme Agrirural située à Belley afin que les travaux prévus aient bien lieu. Photo/MLM

Comme à son habitude, l’assemblée générale du syndicat des vins du Bugey a fait salle comble vendredi dernier dans le Valromey. Un grand nombre de viticulteurs et d’élus du département étaient présents, à l’instar de Jean Deguerry, président du Conseil départemental, et des parlementaires Damien Abad et Patrick Chaize. Exceptionnellement cependant, Jean-Luc Guillon, président du syndicat, a ouvert la séance par une minute de silence, en hommage à Philippe Balivet de Mérignat, décédé en janvier dernier. Il avait en son temps « beaucoup œuvré, notamment pour l’appellation Cerdon ». 
Plus traditionnellement, le syndicat a présenté les résultats de la récolte 2022. « Une récolte très correcte, a résumé Jean-Luc Guillon, toutefois encore en-dessous d’une récolte normale. » Après le gel d’avril 2021, l’année dernière la vigne a enduré une sécheresse historique. Avec 21 323 hectolitres (hl) sur l’ensemble du vignoble, le volume affiche tout de même une hausse de 130 % par rapport à 2021. Retrouvez le volume récolté pour chaque appellation sur notre site Internet www.l’ainagricole.fr.
 
Flavescence dorée : un nouveau foyer découvert 
 
Depuis 2020 le sujet de la flavescence dorée revient également régulièrement sur la table. D’autant plus qu’un nouveau foyer a été récemment détecté sur la commune de Poncin, « un gros foyer ». Quelque 600 pieds seraient touchés selon le président du syndicat. S’agissant d’une jeune vigne et que la localisation de la parcelle est éloignée du premier foyer détecté dans le département, la contamination en pépinière n’est pas exclue. D’après Jean-Luc Guillon, le traitement devrait suffire à éradiquer la maladie, mais la vigne risque de devoir être arrachée. 
Depuis la découverte d’un premier foyer en 2020, les services de l’État ont établi un plan de lutte obligatoire auquel s’ajoute un programme de surveillance pluriannuel du vignoble, demandé par le syndicat des vins du Bugey. Depuis 2021, plusieurs campagnes de prospection ont été réalisées sur les secteurs de Cerdon. En 2022 et 2023, le syndicat a souhaité aller plus loin en sollicitant la Fredon pour encadrer ces prospections. L’année dernière, sur 442 parcelles, 54 présentaient des symptômes de jaunisse mais aucune n’était contaminée à la flavescence dorée. Ces prospections sont à charge du syndicat qui a toutefois obtenu un soutien financier du Conseil départemental et de la CGA. Elles se poursuivront cette année et l’année prochaine sur les secteurs de Lhuis, Seillonnaz et Belley, jusqu’à obtenir une cartographie complète du vignoble avec référencement des zones les plus à risque. 
 
Bientôt un nouveau plan filière régional
 
Autre vaste sujet, le nouveau plan filière viticole régional. Il doit être signé demain en Savoie. Comme tous les autres vignobles de la région, celui du Bugey sera également concerné. Le Conseil régional a en effet décidé ces dernières années de remplacer tous les plans locaux par des plans de filières régionaux. Arrivé à échéance, le plan Bugey ne sera donc pas reconduit. En trois ans, le plan Bugey a pourtant permis à l’échelle du vignoble le financement de 90 matériels de travail du sol et de culture, de pulvérisateurs et matériels roulants adaptés aux fortes pentes ; soit un investissement de 2,45 millions d’euros (M€) pour un montant total d’aides de 820 000 €. 
Concrètement, qu’est-ce que ce nouveau plan de filière va changer pour le vignoble ? Régional, il intégrera l’ensemble des vignobles, y-compris celui du Bugey. Conçu en complément du FEADER, ce nouveau plan de filière régional donnera également accès à des aides pour ce qui ne serait pas éligible aux aides européennes. Une aide spécifique aux caveaux sera également proposée (aménagement, investissement dans du matériel de dégustation, etc.). De même qu’un soutien à la digitalisation. Les exploitations pourront prétendre jusqu’à 5 000 € d’aide pour la conception d’un site Internet par exemple. Si cela concerne peut-être moins le vignoble particulier du Bugey, ce plan vise aussi à faciliter la structuration de la filière viticole. Il a déjà permis d’accompagner la fusion de deux ODG. Attention toutefois, pour éviter une année blanche, les viticulteurs n’auront que deux mois à compter de la signature du plan pour répondre aux appels d’offre en ligne, explique Isabelle Seigle-Ferrand du comité Vins régional.
 
Lourdeurs administratives, la coupe est pleine
 
La première a été largement évoquée en fin d’assemblée générale. Face à cette bureaucratie de plus en plus étouffante, Éric Angelot, bien connu pour sa franchise parfois décoiffante, a poussé un coup de gueule : « On a confondu la simplification et la dématérialisation ! ». De son côté, Jean-Luc Guillon, tout aussi préoccupé par le retard que prennent certains viticulteurs dans leur déclaration récolte par phobie administrative, a évoqué le projet de proposer un lexique mentionnant toutes les déclarations à effectuer au cours de l’année. « Il faut qu’on fasse confiance à la profession, qu’on lui laisse de l’espace », a ajouté Michel Joux, président de la Chambre d’agriculture, par ailleurs. Celui-ci a par la même occasion confirmé le renouvellement du soutien financier de la Chambre au syndicat.  
Pour ce qui est d’essouffler la profession, l’inflation galopante et la crise énergétique ne sont pas en reste non plus. « Payer l’électricité quatre ou cinq fois plus cher, ça va vite poser des problèmes de rentabilité, a lâché pragmatique Eric Angelot. Aujourd’hui c’est la pérennité de notre activité qui est menacée. »  Il est vrai, de ce côté, les viticulteurs sont particulièrement mal lotis, contraints d’utiliser des compteurs jaunes plus puissants pour la période de vinification qui ne dure que quelques semaines. « Le reste de l’année, on n’a pas besoin de compteurs aussi puissants, mais ce qui est grave, c’est que cette électricité qui n’est pas plus chère à produire, si ce n’est pour des raisons d’artifice, augmente ! », s’est également insurgé Pierre Combat, président du comité Vin régional. 
Dérèglement climatique, conjoncture, maladies … les freins à la production sont nombreux, mais les appellations du Bugey n’en sont que plus appréciées. Si elles ont aujourd’hui du mal à abonder les commandes, aussi bien locales qu’à l’export, le syndicat veut aujourd’hui faire connaître ou reconnaître son vignoble dans toute la France. C’est pourquoi il a d’ailleurs massivement investi pour confier sa communication à l’agence Rouge Granit située à Lyon. Une ambition applaudie par Jean Deguerry et Damien Abad, président d’Aintourisme. 

PORTRAIT/ Clément Martin-Cocher, jeune installé
Clément Martin-Cocher s’est installé en septembre 2021 à Lhuis. Photo/MLM

PORTRAIT/ Clément Martin-Cocher, jeune installé

Avec Pierre Bartucci et Nadège Allouch, il fait partie des trois nouveaux installés et adhérents de l’année du syndicat. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le parcours de Clément Martin-Cocher est atypique. Tour à tour professeur de français, ouvrier, maraîcher ou encore berger, c’est finalement vers la viticulture qu’il s’est tourné, berceau de ses premiers souvenirs professionnels. Originaire de Montagnieu, ce jeune homme de 35 ans ne se rappelle pas en effet avoir manqué une seule vendange depuis qu’il est en âge de les faire. La passion pour la vigne y est sans doute née au fil des ans, fruit d’une belle maturation, à l’image d’un bon vin. La vigne, c’est aussi pour Clément Martin-Cocher une histoire de famille, ses grands-parents étant déjà viticulteurs sur le département. Cela l’a d’ailleurs aidé au moment de réunir les terres dont il avait besoin pour s’installer. La Maison Martin-Cocher de Lhuis n’est pas une reprise et a été entièrement fondée par le viticulteur éponyme. Le jeune agriculteur a tout de même pu obtenir une DJA de 25 000 €. « C’est assez fou. J’ai suivi une formation à distance pour 1 500 € grâce au CNEAC* et derrière j’ai eu le droit à la DJA », se réjouit-il, heureux d’avoir pu profiter de cette possibilité. 
Rare, mais pas infaisable, Clément Martin-Cocher est donc aujourd’hui l’heureux propriétaire de 4 ha de vignes ayant appartenu à plusieurs anciens viticulteurs. Une belle mixité qui lui a permis de produire 45 hectolitres de Chardonnay, Gamay, Roussette, Mondeuse et Pinot en 2022. Un tiers n’est pas mécanisable, mais qu’importe Clément Martin-Cocher a la force de la passion et pour se donner du courage, le jeune viticulteur s’est accordé un petit cadeau de Noël à l’occasion : «12 ares de vignes centenaires en échalas ! », sa plus grande fierté. Le premier millésime issu de ces terres, une Roussette aux saveurs singulières, est désormais prêt à être embouteillé.  

* Centre national d'enseignement agricole par correspondance