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Une marque nationale pour valoriser les magasins de producteurs

A l'initiative du réseau Terre d'envies, une marque nationale fédérant les magasins de producteurs signataires verra le jour le 6 février prochain. Encadrée par une charte, elle vise à aider les producteurs à se démarquer de la concurrence malhonnête.
 Une marque nationale pour valoriser les magasins de producteurs

«On en avait marre de voir des faux magasins de producteurs se servir de notre image ». C’est d’un ras-le-bol collectif que les élus de Terre d’envies ont décidé de créer une marque nationale pour valoriser leurs commerces. À ce jour, ils peuvent compter sur des produits labélisés ou sous AOC mais ne sont pas réunis sous une marque collective les identifiant clairement. Il y a deux ans, les membres du bureau ont décidé de faire appel à un consultant indépendant. François Caupin, qui a pris leur cause à bras-le-corps, a commencé par réaliser quelques simples recherches en ligne. « Aujourd’hui, tout le monde surfe sur la vague des produits locaux, des produits fermiers… Il est assez simple de comprendre que certains commerces ont simplement racheté le mot « producteur » à Google. Grâce à cette référence, ils s’approprient une fausse image. Dans les faits, la plupart d’entre eux passent par des revendeurs », explique-t-il. « Ils ne vendent pas que des produits locaux et de saison, ils font de l’achat revente, importent de la marchandise qui vient de l’autre bout du monde, dépendent d’un réseau de distributeurs. Ils ne sont tout simplement pas de vrais magasins de producteurs. »

Garantir des garde-fous

Le 22 janvier dernier, au bout de deux jours de séminaire à Sainte-Foy-lès Lyon, plusieurs dizaines d’agriculteurs venus d’Aura, d’Occitanie, du Grand Est, du Nord et de Nouvelle Aquitaine ont abouti à « une charte de valeurs communes ».
La future marque devra garantir une production locale dans un rayon de 100 km autour du magasin pour 90 % des produits. « Pour les 10 % restant, ils pourront venir d’un département ou d’une région voisine, à condition qu’il s’agisse de produits à l’identité territoriale forte. L’idée, c’est aussi de créer de l’entraide, de mutualiser nos moyens », indique Christelle Magnin, éleveuse de porcs et de veaux à Ceyzérieu (Ain) et associée au magasin de producteurs Myriades à Grésy-sur-Aix (Savoie). Devenir visibles, se différencier et davantage se structurer… Ces objectifs sont d’une grande importance pour la quarantaine de producteurs intéressés par le projet : « Nous garantissons aux clients qu’en faisant leurs courses chez nous, l’argent qu’ils dépensent permet de nourrir des familles et non pas de remplir les caisses des actionnaires », ajoute la trésorière de Terre d’envies. Les commerces sont gérés exclusivement par des producteurs qui se relaient toutes les semaines dans l’accueil, la vente et la gestion des magasins. « Nous nous engageons à visiter les fermes avant toute collaboration. Enfin, tous ces critères seront certifiés par Bureau Veritas et affichés à l’entrée du magasin. Le souhait de cette charte, c’est de garantir des garde-fous pour préserver notre indépendance », ajoute Franck Deygas, président de Terre d’envies et producteur associé à la Main Paysanne (Ardèche).

Déontologie et bon sens paysan

Question de déontologie donc et de bon sens paysan. Les producteurs associés n’auront aucun lien avec les distributeurs, ayant ainsi la gestion complète de leurs prix et de leurs gammes. « Nous voulons mettre en avant une agriculture familiale de qualité issue d’élevages extensifs, pas forcément bio mais surtout maîtriser nos prix … », reprend-il. Ce nouveau projet attire l’intérêt et la curiosité des producteurs déjà engagés dans cette démarche depuis quelques années. « Le magasin de producteur est gage de qualité et de confiance. Dès qu’il y a des scandales alimentaires, on le voit bien, les clients viennent chez nous. Ils nous posent des questions surtout sur nos modes de production et l’utilisation de pesticides », témoigne Vincent Janod, associé chez Uniferme à Saint-Andéol-le-Château, magasin de producteurs historique créé en 1978. « L’idée de lancer une marque pour se différencier est bonne. Mais attention à ce qu’elle ne soit pas assimilée à une enseigne de distributeur lambda ! » alerte Adrien Jacquet, producteur de fruits, associé au Garde-Manger de Sainte-Foy-lès Lyon. « À ce jour, seize magasins se sont engagés en signant la charte », indique Carine Montet, chargée de mission au sein de Terre d’envies. Berceau historique des magasins de producteurs, la région Auvergne-Rhône-Alpes pourrait bien devenir le siège social de la marque, à l’image de son territoire gourmand.

Alison Pelotier