En marge de son assemblée générale le 9 novembre à Paris, le Comité national de promotion de l’œuf et le ministère de l’Agriculture ont confirmé que l’ovosexage permettant de mettre un terme au broyage des poussins mâles serait en place le 1er janvier prochain.
Pensée dès 2016, la fin du broyage des poussins mâles aura mis un peu moins de sept années avant d’être traduite dans les faits. C’est le 1er janvier 2023 que le dispositif sera totalement opérationnel ont promis l’interprofession des œufs (CNPO) et le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau. L’État a accompagné à hauteur de 10,5 millions d’euros les couvoirs pour mettre en place des machines destinées à déterminer le sexe des embryons dans les œufs. Chaque entreprise est à même de choisir la machine qui lui convient mais il n’existe que peu de constructeurs sur le marché. La firme allemande Seleggt, a conçu un robot capable d'analyser quelques gouttes du sérum après avoir fait un trou minuscule dans la coquille de l'œuf. Avec sa machine Soo, la société française Tronico réalise une échographie de l’œuf et en fonction de la couleur des plumes de l’animal peut déterminer son sexe. Le broyage de poussins est une pratique qui a été très longtemps controversée. Elle est utilisée dans les couvoirs pour permettre aux industriels de se débarrasser des poussins mâles. Incapables de pondre, ils sont réputés être trop chers à élever et peu rentables car moins fournis en viande.
Harmonisation européenne
De son côté, le CNPO a validé le 14 octobre un accord interprofessionnel qui met en place un financement spécifique : une cotisation volontaire obligatoire (CVO). Celle-ci, d’un montant de 0,59 € pour 100 œufs (soit 0,59 centime d’euro par œuf) sera prélevée par les centres d’emballage sur les ventes d’œufs aux distributeurs et reversée au CNPO. De plus, une indemnité d’1,10 €/poussin ovosexé ou mâle élevé sera versée par l’interprofession aux couvoirs. La fin du broyage réclamée de longue date par les associations de défense des animaux, des élus écologistes et certains représentants de la filière œuf et des consommateurs coûtera environ 50 millions d’euros par an à la filière. « Il est évident que ce surcoût pour les éleveurs sera répercuté auprès du consommateur », a justifié Yves-Marie Beaudet, président du CNPO. Dans les rayons, cette hausse devrait se traduire par une augmentation très limitée, assure-t-on du côté du ministère. Le ministre a confirmé que les exceptions prévues dans le décret perdureraient après le 1er janvier 2023. Ainsi, les poussins destinés à l’alimentation animale, notamment ceux à destination des animaux de zoo (rapaces et reptiles en particulier) ; ceux qui servent à des fins scientifiques et « les animaux blessés ou atteints d'une maladie entraînant des douleurs ou souffrances intenses, lorsqu'il n'existe pas d'autre possibilité pratique d'atténuer ces douleurs ou souffrances », pourront être broyés. « La France et l’Allemagne sont en avance sur ce sujet. C’est une bonne chose. Il faut maintenant harmoniser cette disposition sur le plan européen », a plaidé Yves-Marie Beaudet. « Oui pour une normalisation sur le plan communautaire », a rebondi Marc Fesneau pour qui « il ne suffit pas d’avoir raison encore faut-il être majoritaire », a-t-il conclu.
Christophe Soulard
Inquiétudes sur les œufs bio
Même si les œufs constituent un produit anti-crise et la protéine animale la moins chère en cette période de crise, les éleveurs de poules pondeuses bio commencent à souffrir. Au point que l’on parle de « déconversion », c’est-à-dire de passage du bio au conventionnel. Le CNPO souhaiterait que les éleveurs bio puissent accéder à 5 % d’alimentation non bio (contre 0 % aujourd’hui) « car d’autres pays européens ont dérogé à l’alimentation 100 % bio pour leurs élevages », a remarqué Yves-Marie Beaudet. De même s’est-il inquiété que les œufs des poules traitées (vermifuge par exemple) soient mis de côté pendant 48 heures. « Qu’en fait-on ? » a-t-il questionné. Pour le ministre, le problème tient plus à une « question de demande et non pas d’offres ». Il réfléchit avec son cabinet et l’interprofession à une stratégie pour éviter ces déconversions. Aujourd’hui le bio représente 16 % de volume des œufs français. Le CNPO craint qu’à terme, « on ne retombe à 10 % d’œufs bio en France », a averti Yves-Marie Beaudet.