PRÉDATION
« On n’est pas contre le loup, on est contre les attaques »

Ludivine Degenève
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Les attaques de loup sur les bovins sont de plus en plus présentes sur le département de l’Ain, plus précisément en alpage. Cette situation inquiète beaucoup les exploitants, d’autant plus que selon eux, les aides de l’État ne sont pas adaptées à la réalité du terrain. Sur la demande de la préfète de l’Ain, la Chambre d’agriculture a organisé une journée sur ce thème le 5 juillet dernier à Saint-Jean-de-Gonville dans le Pays de Gex. Reportage. 

« On n’est pas contre le loup, on est contre les attaques »
Échanges et communication ont été au menu de cette journée, à l'initiative de la préfète de l'Ain. Photo/ LD

Le département est depuis longtemps impacté par la présence du lynx. Aujourd’hui, l’Ain doit faire face à une nouvelle menace : les attaques du loup sur les troupeaux, principalement en alpage. Voilà pourquoi, pour donner suite à la demande de Chantal Mauchet, préfète de l’Ain, la Chambre d’agriculture a organisé une journée sur le thème de la prédation et du pastoralisme le 5 juillet dernier à Saint-Jean-de-Gonville. Élus et agriculteurs se sont retrouvés pour aborder cette problématique très présente dans le Pays de Gex.
Depuis peu, le comportement des meutes s’est modifié : le loup n’attaque plus uniquement les ovins et les caprins mais également les bovins. Ce nouveau comportement inquiète beaucoup les agriculteurs, car les pâturages du Pays de Gex sont principalement occupés par les génisses. « On est très inquiet parce que le Plan loup ne correspond pas du tout à nos capacités de maintenir le pastoralisme dans la région montagne. Les indemnités ne sont pas là. Aujourd’hui, on a des choses à dire sur les délais concernant le protocole proposé par les administrations », explique Adrien Bourlez, président de la FDSEA et de la Sema (Société d’économie montagnarde de l’Ain). En effet, un agriculteur a 48 heures pour signaler l’attaque, et 15 jours pour obtenir les résultats. Ce délai est jugé trop long par la profession. Actuellement, le Plan national loup est en revoyure pour les cinq prochaines années. « Il y a en effet un Plan national loup qui est en train d’être discuté. Il y a eu une première réunion le 3 juillet mais qui n’a pas complètement débouché. Ils [les ministres, NDLR] sont en train de chercher un équilibre. Il y a une nouvelle réunion prévue en septembre pour faire avancer les choses, notamment sur le comptage du loup », continue la préfète de l’Ain.
 
Les agriculteurs mettent la main à la pâte
 
En effet, l’Office national de la biodiversité (OFB) effectue chaque année une estimation du nombre de loups sur le département, rendue possible grâce aux indices de présence. « La meute existe, elle est déjà là. On a des indices de présence qui descendent jusqu’à Thoiry. Ce qui est compliqué, c’est que le loup est un animal très intelligent, qui connaît très bien son territoire. Dès qu’il y a la moindre faille, le jour où vous enlevez un chien de protection, il va le sentir et il peut y avoir une attaque », explique Florie Bazireau, coordinatrice au sein de l’OFB du réseau de suivi loup lynx en Auvergne-Rhône-Alpes.
Mais si les organismes environnementaux ont un rôle crucial à jouer dans la reconnaissance du loup sur le département, les agriculteurs peuvent également ajouter leur pierre à l’édifice. « On a décidé à la Chambre d’agriculture de faire un « groupe loup » pour voir comment accompagner à notre manière. On a décidé de s’organiser pour acquérir du matériel qui pourrait communiquer des informations complémentaires pour étayer ce travail sur les indicateurs de présence. On va mettre cela en place d’ici l’automne », explique Adrien Bourlez. Et Michel Joux, président de la Chambre d’agriculture d’ajouter : « Il faut que tout le monde puisse s’en mêler, y compris les agriculteurs, parce qu’avec une bonne information pour déterminer la présence de l’animal, on va pouvoir faire évoluer le Plan national loup. On n’est pas contre le loup, on est contre les attaques. Quand il y a beaucoup de présence, il y a de l’attaque. L’orientation du Plan doit aller dans ce sens-là : savoir exactement combien il y en a. Si on continue comme ça, il n’y aura plus de producteurs et ce serait très grave pour toute la société. Il faut qu’on ait cet équilibre, qui n’est pas facile à trouver. »
 
Une indignation de la part de certains exploitants 
 
Malgré les aides apportées par l’État, l’inquiétude des agriculteurs reste encore totale. « On monte nos bêtes en alpage depuis plus de 30 ans. Cela leur permet d’être au calme, d’avoir de l’herbe d’une excellente qualité et surtout ça nous permet d’économiser nos surfaces en plaine. Aujourd’hui ce qui nous inquiète, c’est le loup. On met toutes les chances de notre côté pour qu’il n’y ait pas de soucis : on a un Patou, une bergère à plein temps, les bêtes sont parquées et protégées par des filets électriques la nuit. Oui il y a des indemnités qui existent, mais […] on ne veut pas mettre nos exploitations en danger pour arriver à trouver une cohabitation avec le loup », explique Denis Rouph, éleveur de brebis sur la commune de Thoiry. Même si échanges et communication étaient de rigueur, certains exploitants sentent malgré tout une réelle pression dans ce contexte anxiogène. « Quand je vois les sommes colossales qu’on met pour une bestiole pareille, [le loup, NDLR] ça me révolte. Nos anciens l’ont éliminé, on n’a pas eu de problème jusqu’à maintenant ! », s’indigne Patrick Sallet, exploitant à Challex du troupeau de 120 bovins.
 
Neuves victimes ovines en 2023
 
Les agriculteurs expriment également leur inquiétude quant au manque de reconnaissance et d’indemnisation sur les pertes indirectes des attaques du loup sur les troupeaux, comme l’avortement des génisses lié au stress de la présence du loup, problématique qui n’est pas prise en compte par la DDT. « Ce qu’il faudrait peut-être prévoir dans votre plan loup, c’est un soutien psychologique auprès des éleveurs », continue l’éleveur bovin.
En 2020, la DDT a recensé dix attaques de loup sur l’ensemble du département. Quelque 47 victimes ont été reconnues, principalement des ovins et des caprins, et seulement une bovine. Pour le moment en 2023, neuf victimes ovines ont été recensées.