SUIVI DES ÉPANDAGES
La mission dédiée à l’expertise et au suivi des épandages va-t-elle disparaître ?

La Mission d’expertise et de suivi des épandages, est en sursis. Alors que la préfecture de l’Ain a délégué sa gestion à la Chambre d’agriculture, cette dernière a décidé de la suspendre, faute de financement. Une réunion avec les parties prenantes aura lieu mi-juin pour tenter de sauver le soldat Mese. 

La mission dédiée à l’expertise et au suivi des épandages va-t-elle disparaître ?
Photo/Alexandre Faes

C’est la question que se pose aujourd’hui la Chambre d’agriculture de l’Ain dont le bureau a voté la suspension de la Mission d’expertise et de suivi des épandages depuis le 31 mai, faute de financements. 

Pour mémoire, la Mese de son acronyme a été mise en place conjointement par l’État, l’Agence de l’Eau et la Chambre d’agriculture en 2001, au regard de l’arrêté du 8 janvier 1998 fixant les prescriptions techniques applicables aux épandages de boues sur les sols agricoles*. Parmi ses nombreuses fonctions, elle s’assure que les épandages des producteurs de boues soient bien conformes aux normes inscrites dans le code de l’Environnement. Elle joue également un rôle d’organisateur de la filière de recyclage des boues urbaines en agriculture et de formation des exploitants de boues de stations d’épuration, des agriculteurs et de leurs prestataires. 

Un fonctionnement financé à 70 % par la Chambre d’agriculture 

Dans l’Ain, sa gestion a été déléguée à la Chambre d’agriculture par la préfecture. À ses débuts, le financement de la Mese était alors assuré par l’Agence de l’eau, la Chambre d’agriculture et le Département (anciennement Conseil général). Ce dernier a toutefois cessé toute contribution en 2015 avec la loi NOTRe**. Depuis, les cartes ont été rebattues et la Chambre d’agriculture en avait pris son parti en rehaussant sa participation. Aujourd’hui, la Chambre d’agriculture finance quasiment 70 % du fonctionnement de la Mese, calcule rapidement Jean-Marc Contet, responsable du pôle agronomie-environnement à la Chambre d’agriculture. 

Ce contexte n’est toutefois plus tenable selon son vice-président Gilles Brenon. « Chaque année, c’est le même refrain et il faut aller pleurer pour obtenir des financements ! » L’année dernière, la Chambre d’agriculture, alors déjà en difficulté budgétaire, s’était tournée du côté des collectivités locales, les principales bénéficiaires de la Mese, afin qu’elles prennent part au financement. Toutes avaient répondu positivement. Sollicitées de nouveau cette année, une seule – Pays de Gex agglomération – a pour l’instant donné son accord de principe, d’aucunes estimant que le financement de la Mese n’est pas de leur ressort et que le déblocage d’une enveloppe en 2023 était exceptionnel. D’où la décision de la Chambre d’agriculture en mal de solutions de suspendre la mission. 

« Nous avons besoin de 50 000 € (la somme demandée aux collectivités, NDLR) pour faire fonctionner la Mese », explique Gilles Brenon. L’élu à la Chambre d’agriculture veut mettre en garde les élus locaux, avançant que l’avis de la Mese est pris en compte par l’Agence de l’eau dans le cadre de ses analyses de performance des stations d’épuration, ce qui leur donne droit, en cas d’avis favorable, à une prime d’épuration. Dans l’Ain, les primes d’épuration perçues par les collectivités locales représentent plusieurs centaines de milliers d’euros. Pour Gilles Brenon, les collectivités auraient donc tout intérêt au maintien la Mese. 

Statu quo de l’Agence de l’eau

Contactée, l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse a de son côté déclaré ne pas remettre en cause les aides aux Mese : « Les échanges sont en cours et confirment la continuité de nos aides, mais nous ne pouvons pas communiquer sur le 12ème programme qui sera adopté par notre conseil d’administration au second semestre ». Si a priori les aides aux Mese devraient donc se maintenir du côté de l’Agence de l’eau, elles ne devraient donc a priori pas non plus augmenter. De son côté, la préfecture de l’Ain joue les médiateurs. Et Jean Royer, responsable du pôle de la protection et de la gestion de l’environnement à la DDT, de préciser : « Nous incitons au maintien du dispositif. L’État a vocation à rappeler l’intérêt historique qu’il y a à faire perdurer la Mese qui fait partie d’une filière vertueuse. La question, c’est quelle clé de répartition des financements. »

Quelle conséquence en cas d’arrêt ? 

Face à l’embourbement de la situation, la Chambre d’agriculture a aussi demandé à la préfecture de l’Ain d’organiser une réunion exceptionnelle avec l’Agence de l’eau pour discuter des possibilités de maintien de la Mese. Elle aura lieu mardi 18 juin.

Si la Mese devait s’arrêter définitivement, il est clair que les épandages dans le département se poursuivraient. Quelque 2 000 tonnes sont épandues chaque année, toutefois aucun organisme indépendant ne superviserait plus la filière, ni ne jouerait ce rôle d’observatoire et d’expertise. Quant à la préfecture de l’Ain, il lui faudrait trouver une autre solution, ou assurer elle-même, sa mission de police de l’eau qui lui incombe au titre de l’arrêté de 1998.  

* Le préfet s'assure de la validité des données fournies dans le cadre de la surveillance définie aux articles 14 à 16. À cet effet, il peut mettre en place un dispositif de suivi agronomique des épandages et faire appel à un organisme indépendant du producteur de boues, choisi en accord avec la Chambre d'agriculture dans un objectif de préservation de la qualité des sols, des cultures et des produits (Art. 18). 

** Pour Nouvelle organisation territoriale de la République. 

Margaux Balfin