PRODUCTIONS
Quel impact de la production photovoltaïque sur la production agricole ?

Est-il réellement possible de faire cohabiter une production agricole significative et sans pertes avec une production photovoltaïque rentable ? Éléments de réponses avec l’Institut de l’élevage (Idele) dans le cadre d’un webinaire organisé par la Fédération nationale ovine (FNO). 

Quel impact de la production photovoltaïque sur la production agricole ?
Les panneaux bifaces verticaux sont installés sur 0,9 ha d’une parcelle appartenant à l’Inrae. Photo/Auvergne_agricole

Julien Fradin, de l’Idele, a dressé le bilan de plusieurs travaux menés sur des situations actuelles, dans le cadre de centrales photovoltaïques recouvrant au moins 50 % de la surface du sol. Les observations portent sur le comportement des animaux et la conduite d’élevage, mais aussi sur une année culturale.  

Photovoltaïque au sol et pâturage

 À l’image de l’agroforesterie, l’ombrage fourni par les panneaux photovoltaïques est particulièrement apprécié des ovins dès que les températures et les rayonnements augmentent. Plus l’offre d’ombrage est importante, plus les activités de rumination, de repos et de pâturage se dérouleront dessous. Ces constats sont surtout valables aux moments des aléas extrêmes. Néanmoins, la conception de la centrale photovoltaïque (hauteur des panneaux) peut modifier le comportement des animaux et provoquer des blessures. Lorsque les panneaux sont très bas, les brebis ne se voient plus et le comportement de troupeau peut être très altéré. La hauteur doit donc être supérieure à celle des animaux qui pâturent dessous. 

Impacts des panneaux sur la production végétale

Une des premières constatations concerne la luminosité. Elle est réduite de 80 % sous les panneaux photovoltaïques et de 20 % en interligne de panneaux. On observe aussi un effet réducteur sur les températures extrêmes et l’écart de température diurne/nocturne est réduit. En fin d’hiver, il est constaté en période matinale de gel (- 3 à 5°C), des interlignes gelés tandis que l’espace sous les panneaux ne l’est pas. Cependant lorsque l’on compare la zone sans panneau (réchauffement du sol par les rayons du soleil) et celle sous les panneaux (blocage du rayonnement IR nocturne qui refroidit le sol), la différence est plus réduite. La zone interligne est partiellement ombrée (pas de réchauffement par les rayons) avec un rayonnement IR nocturne qui refroidit le sol.

Ceci induit une hétérogénéité de la pousse au printemps avec un démarrage de cette dernière plus rapide sous les panneaux. On constate aussi des différences au niveau de l’humidité du sol. Sous les panneaux, celui-ci reste plus humide plus longtemps. Quant à la production de biomasse, on observe une baisse de production même en été sous les panneaux (jusqu’à - 50 %). En revanche, zone inter-rangs, il y a peu de différence, voire une augmentation de la production à ces endroits. Des différences de croissance sont aussi observées selon les contextes pédoclimatiques. Si l’eau est limitante par exemple, la croissance sera favorisée sous les panneaux. Si l’eau ne l’est pas, mais que l’ensoleillement l’est, alors la croissance sera défavorisée sous les panneaux. La dynamique de pousse est allongée par l’effet des panneaux (démarrage plus précoce au printemps). Cependant, le rendement au printemps est moins important sous panneau car la production est majoritairement assurée par l’élongation et la présence de tiges. Or la réduction du rayonnement solaire limite précisément le nombre de tiges et d’épis. Deuxième enseignement, la présence des panneaux altère la production d’herbe et crée une hétérogénéité spatiale. 

Zoom sur les fourrages

L’ombre a un impact sur la qualité du fourrage : celui-ci contient plus d’eau et la qualité des fibres est moindre, ce qui à dire d’éleveur lui conférerait une moindre appétence. L’explication se trouve dans la teneur en sucre. Un constat confirmé par de récents travaux de la Chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire : au printemps un kg de MS d’herbe contient 1 UF dans la zone entre les lignes de panneaux et 0,9 sous les panneaux. En été, l’inverse se produit et on comptabilise 0,65 UF (foin) en inter-rang et 0,8 UF sous panneau

Des espèces mieux adaptées que d’autres

Autre observation, sous les panneaux, on note une diminution du nombre d’espèces au détriment des légumineuses qui ont besoin de beaucoup de lumière et au bénéfice des graminées. Il y a peu d’expérimentation concernant l’Impacts des panneaux sur la production animale. On remarque cependant que sous panneaux, l’herbe se tient moins bien et a tendance à se coucher rapidement engendrant beaucoup de gaspillage de la part du troupeau. Par ailleurs, la zone d’ombrage est plus fréquentée par les animaux, ce qui accentue le tassement de sol sous panneau. Actuellement, l’agrivoltaïsme est associé à l’entretient des parcelles, mais pour la Chambre d’agriculture de l’Ain cela devrait être tout le contraire, c’est-à-dire avec un système avant tout vertueux qui apporte des services à la production agricole.

Jean-Daniel Ferrier, Chambre d’agriculture de l’Ain 
 

Trois situations rencontrées

- Dans le cadre d’un apport de surface additionnelle sans usage agricole initial : si cette solution permet de ne pas toucher l’activité agricole première, les parcelles doivent se situer à proximité du site principal pour permettre une bonne surveillance. 
- Installation de panneaux photovoltaïques sur du foncier qui fait déjà l’objet d’une activité agricole : la production énergétique ne doit pas engendrer une baisse de la production agricole sur le parcellaire en question. Il sera donc nécessaire d’avoir anticipé l’indisponibilité de la prairie ou de la culture avant installation des panneaux. 
- Création d’un nouvel atelier, souvent ovin ou avicole, pour la constitution d’un cheptel par exemple ou la recherche de garanties sur l’alimentation (stockage). Dans ces cas-là l’agrivoltaïsme concerne des photovoltaïques sur toitures et non au sol. 

J-D. F.

Bien préparer son projet

Il convient, avant la conception du projet, de tenir compte d’un certain nombre de facteurs pouvant avoir des répercussions sur la production, les moyens humains, l’équilibre économique et l’acceptabilité locale. À titre d’exemple : 
-        le travail du sol et en particulier au moment de la construction après la phase de travaux de terrassement (ancrage des structures, enfouissement des gaines) ; 
-        l’exploitation du site : modes de pâturage, travaux de fenaison, sur-semis, tassement et piétinement (pâturage tournant et chargement) ;
-        la garantie d’infrastructures spécifiques propres à l’activité d’élevage (pour assurer l’abreuvement, la contention, le stockage de fourrage, le déplacement inter-parcelle et intra-parcelle, etc.) ; 
-        les répercussions sur les conditions de travail (intervention échelonnée, les largeurs de travail, les zones inaccessibles, les fréquences de visite, etc.) ;
-        le niveau de chargement animal ;
-        la densité de panneau à l’hectare. 
En fin de contrat, il est également important de s’assurer de la réversibilité du projet et/ou des installations (démantèlement). La question de la répartition de la valeur ajoutée et la production énergétique doit également être posée. À qui revient-elle : l’exploitant, le propriétaire du foncier, l’exploitant de la centrale, les organisations agricoles concernées ? Le partage porte également sur les objectifs et les contraintes de chaque partie : il est important d’établir des règles de répartition des investissements, des tâches et des responsabilités et de les formaliser par la contractualisation. 
J-D. F.