CESSATION D'ACTIVITE
La question de la transmission des baux par le preneur

Lors de la cessation d’activité d’un exploitant agricole, celui-ci ayant dans la plupart des cas des terres en fermage, se pose la question du devenir de ces parcelles et de la continuer de leur exploitation.
La question de la transmission des baux par le preneur

L'exploitant devra alors envisager la transmission de ses baux lorsque cela est possible et autoriser par la loi.
Dans le cadre d'une cessation d'activité pour cause de retraite par exemple, le preneur doit en avertir le bailleur au moins douze mois à l'avance selon l'article L411-33 du code rural et de la pêche maritime.

Ainsi, entre l'information faite au propriétaire et le moment de la cessation d'activité, il faudra se pencher sur la suite à donner quant à l'exploitation des terres précédemment prises à bail.
Le principe qui prédomine aujourd'hui est que toute cession de bail est illicite et interdite.
Cependant, il existe une possibilité pour l'exploitant qui cesse son activité de pouvoir transmettre ses baux mais dans des cas extrêmement limités et encadrés par l'article L411-35 du code rural et de la pêche maritime.

Cet article majeur en matière de transmission de baux dispose en son alinéa 1 : « sous réserve des dispositions particulières aux baux cessibles hors du cadre familial prévues au chapitre VIII du présent titre et nonobstant les dispositions de l'article 1717 du Code Civil, toute cession de bail est interdite, sauf si a cession est consentie, avec l'agrément du bailleur, au profit du conjoint ou partenaire d'un pacte civil de solidarité du preneur participant à l'exploitation ou aux descendants du preneur ayant atteint l'âge de la majorité ou ayant été émancipés. A défaut d'agrément du bailleur, la cession peut être autorisée par le tribunal paritaire ».
Si l'on décortique point par point la lettre de cet article, voici ce que nous pouvons en retenir.

Cession des baux à un tiers non membrede la famille

Dans le cadre où un exploitant cesse son activité pour cause de retraite ou maladie et que ce dernier souhaite transmettre ses baux à un tiers, qui n'est pas un conjoint, ni un partenaire de PACS, ni un descendant, celui-ci ne peut valablement le faire.
En effet, le code rural ne permet de céder son bail qu'à des membres de la famille limitativement énumérés.

Dans le cadre où l'exploitant agricole ne peut transmettre l'exploitation des terres à un membre de sa famille et s'oblige à retrouver un repreneur tierce personne, le propriétaire aura la faculté d'accepter la résiliation du bail au profit du preneur qui cesse son activité et de refuser le tiers candidat à la reprise d'exploitation des terres.
Ainsi, le propriétaire aura toute liberté pour agréer ou non le futur repreneur sans avoir à justifier d'un quelconque motif de refus.

Par conséquent, si l'exploitant agricole qui cesse son activité, vient à céder ses baux à un tiers même avec l'agrément du bailleur, celui-ci procèderait à une cession de bail illicite et interdite par loi.
Ceci pourrait alors être sanctionné par une action en nullité de la cession et par une action en résiliation du bail pour cession prohibée.
Cette solution, très ancienne, a été consacrée à de nombreuses reprises par la jurisprudence depuis les années 1950. Même en cas d'acceptation par le bailleur, la cession du bail est interdite et on ne peut lui imposer un autre fermier. Cependant, elle reste possible dans quelques cas.

Cession des baux à un membre de la famille

La solution peut être tout autre lorsque la personne à qui l'on envisage de céder les baux est un conjoint, partenaire de PACS ou descendant.
Pour que cette cession puisse être valablement admise, il est nécessaire de respecter plusieurs conditions, notamment que celle-ci soit constatée par écrit.
En effet, pour pouvoir céder ses baux, la personne ne peut être qu'un conjoint, partenaire de PACS ou descendant. Cette liste est limitative dans la mesure où un neveu, un gendre ne saurait pouvoir bénéficier d'une telle cession par exemple.
Par ailleurs, pour que la cession au profit du conjoint ou du partenaire de PACS puisse être valablement acceptée, ceux-ci doivent avoir participé à l'exploitation du preneur. Cette participation à l'exploitation s'entend d'une collaboration régulière sur les terres louées objet du bail.

Pour les descendants, cette condition de participation à l'exploitation n'est pas exigée. Il existera seulement une condition d'âge. Ainsi, la faculté de céder son bail ne peut s'opérer qu'au profit d'un descendant ayant atteint l'âge de la majorité ou ayant été émancipé.
Un élément essentiel réside dans le fait que pour que la cession puisse être valable, celle-ci doit être subordonnée à l'agrément préalable du bailleur. En effet, la cession faite, même au profit de l'un des membres de la famille, sans autorisation préalable du bailleur s'analyse en une cession prohibée et pourra être sanctionnée par la nullité de l'acte et la résiliation du bail initial.

Cette autorisation préalable doit être expresse, soit à travers la rédaction d'un écrit mais elle peut aussi être tacite dès lors que le bailleur réalise des actes qui tendent à manifester clairement son agrément envers le nouveau cessionnaire (ex : réalisation par le bailleur de factures pour l'encaissement des fermages envers le cessionnaire, discussion avec le cessionnaire du nouveau fermage, etc. ...). En revanche, le simple fait pour le bailleur d'encaisser des fermages de la part du cessionnaire, sans protestation de sa part ne traduit qu'une attitude passive du bailleur et non pas une manifestation claire et non équivoque d'agrément.
Enfin, en cas de relations tendues avec le bailleur ou dans la mesure où celui-ci refuse la cession du bail au profit du conjoint, du partenaire de PACS ou du descendant, il appartiendra au preneur, avant toute cession, d'obtenir une autorisation préalable du tribunal paritaire des baux ruraux. Celui-ci appréciera les intérêts du bailleur en fonction de la bonne foi du cédant et de la qualité du cessionnaire à remplir ses obligations futures découlant du bail (solvabilité, moyens matériels, aptitudes professionnelles, etc. ...).

Laurie Barbe
ACOR 01