SESSION CHAMBRE
Une session chambre électrique

Ludivine Degenève
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La session plénière de la Chambre d’agriculture de l’Ain s’est déroulée le 29 novembre dans les locaux de la Maison de l’agriculture à Bourg-en-Bresse. De nombreux points ont été abordés, mais celui de la crise énergétique, au cœur des inquiétudes de la profession, a suscité de nombreuses réactions, notamment avec Cécile Bigot-Dekeyzer, préfète de l’Ain. Bilan. 

Une session chambre électrique
Au centre, Michel Joux, président de la Chambre d’agriculture, était entouré de Cécile Bigot-Dekeyzer, préfète de l’Ain, Jean-Yves Flochon, vice-président du Département en charge de l’agriculture, Adrien Bourlez, président de la FDSEA, Pierre-Yves Ceppi, directeur de la Chambre d’agriculture, Vincent Patriarcat, nouveau directeur de la DDT et Vincent Bonardi, directeur de la DDFiP. Photo/LD

Inévitablement, le sujet de la crise énergétique est le premier à être abordé, et rapidement, les propos du gouverneur de la Banque de France, rapportés par la préfète de l’Ain, font mouche auprès de l’assemblée. « Selon lui, l’inflation devrait atteindre un pic à la fin du premier semestre 2023 […] ensuite, l’inflation devrait rebaisser pour atteindre à-peu-près 2 % d’ici 2024, fin 2025. Il y a trois éléments qui amènent le gouverneur de la Banque de France à dire cela : il y a un certain nombre de matières premières dont le coût a déjà baissé, pour certains qui sont revenus à un prix inférieur à 2019, avant Covid. La deuxième chose, c’est le prix de l’énergie qui va se stabiliser, ça ne devrait plus contribuer à faire augmenter l’inflation car aujourd’hui, à-peu-près la moitié de l’inflation c’est l’énergie. La troisième c’est le travail de réduction de l’inflation sous-jacente, c’est-à-dire cette hausse des prix qu’on voit un peu partout. » D’après la représentante de l’État, la France devrait retrouver des taux d’intérêt « normaux », autour de 3,5 %. 
 
« Ce n’est pas la rue qu’on va bloquer, c’est le pays »
 
La réponse, quelque peu virulente, ne se fait pas attendre de la part d’Adrien Bourlez, président de la FDSEA, syndicat majoritaire à l’assemblée de la Chambre, pourtant peu adepte des coups de gueule : « Je m’inquiète un peu sur la vision à long terme. Vous nous parlez d’un taux d’intérêt à 3 % mais aujourd’hui on a des installations de jeunes agriculteurs qu’on arrive à peine à financer avec des taux à 0 ou à 1 %, s’exclame-t-il. Les annonces que vous avez faites ne sont pas satisfaisantes du tout. Il nous faut une vision à long terme sinon ce n’est pas la rue qu’on va bloquer, c’est le pays ! Aujourd’hui, moi ce que je vous demande c’est qu’il y ait des enjeux à moyen et long termes pour avoir une stratégie nationale », notamment sur l’énergie dont les coûts sont prohibitifs. 
Un avertissement à laquelle Cécile Bigot-Dekeyzer tente de répondre par une maladroite pirouette en précisant que la crise sanitaire et la guerre en Ukraine sont deux événements qui n’auraient pas pu être prévus et qui ont fortement perturbé le fonctionnement économique français. Difficile néanmoins de justifier l’arrêt des centrales nucléaires françaises sans alternative, mais là aussi la préfète semble avoir réponse à tout : « Nos centrales ont autour de 40 ans, […] ce qui nécessite d’arrêter réacteur par réacteur, de faire une visite de contrôle très importante et de redémarrer », précise Cécile Bigot-Dekeyzer. Et la préfète d’inviter à consulter la CRE (commission de régulation de l’énergie) qui indique sur son site internet le cours de l’électricité. « Si le contrat que l’on vous propose est au niveau de celui indiqué par la CRE, alors vous êtes dans le bon tarif. » Une remarque qui a fait bondir Gaëtan Richard, trésorier. « Le prix indiqué par la CRE hier était déjà trois à quatre fois le prix de ces dernières années. Donc non, ce n’est pas forcément un bon prix. » La sécheresse de cet été a également diminué le débit des cours d’eau et donc ralenti la production hydroélectrique. La faute à pas de chance ? La pilule est un peu dure à avaler… 
En introduction, Michel Joux, président de la Chambre d’agriculture, tenait à ajouter que « le climat, avec les conditions climatiques de cet été et les restrictions sur l’irrigation à certains endroits ont fortement impacté les rendements de nos cultures et les stocks de fourrage. […] L’inflation, avec le coût de l’énergie, des approvisionnements, et des investissements flambent à des niveaux jamais vu jusqu’alors. »
 
 
La préfète recommande l’achat de groupes électrogènes 
 
Pour couronner le tout, des coupures d’électricité vont peut-être avoir lieu à partir de janvier 2023 pour réguler la consommation énergétique. Mais rien n’est encore sûr d’après Cécile Bigot-Dekeyzer. Cette dernière rassure néanmoins en précisant que tous les départements ne seront pas touchés simultanément et que les centres pénitentiaires et les hôpitaux seront épargnés. De plus, les coupures ne dureront pas plus de deux heures, mais pour les contrer, la préfète invite les personnes à se munir d’un groupe électrogène. Un détail qui n’a pas manqué de faire sourire (jaune) l’assemblée. Des discussions sont en cours et d’après elle, des réponses seront apportées courant décembre. L’indexation de l’électricité sur celui du gaz a également été sujet de crispation lors de la réunion. Et la préfète de l’Ain d’ajouter : « les débats sont engagés à Bruxelles pour réviser les modalités de fixation du prix de l’électricité mais les discussions sont compliquées. »

Bilan des productions pour l’année 2021

Lors de la session plénière, une rétrospective des résultats de l’année 2021 sur les différentes productions aindinoises a été réalisée par Christophe Gillier, responsable du pôle entreprise et conseil à la Chambre d’agriculture de l’Ain. « Sur les trois années [2019, 2020, 2021, NDLR], on a un produit en hausse quel que soit le système », précise-t-il. Cette augmentation est liée à « des rendements meilleurs en maïs sur les céréales, et le prix du lait en hausse. En AOC il y avait un peu moins de lait mais le prix a augmenté. (…) On note aussi en viticulture un produit en hausse mais la récolte est en forte baisse. » Le conseiller fait également remarquer un léger recul dans le groupe « lait spécialisé ». 
Pour résumer 2021, « on a eu une année très pluvieuse, qui a permis de compenser pour certaines exploitations, notamment au niveau des stocks fourragers [moindres cette année, NDLR]. Mais ça a pénalisé fortement d’autres systèmes comme l’apiculture, l’arboriculture, et la viticulture avec les pluies et le gel de printemps qui a été terrible », poursuit Christophe Gillier. De plus, la hausse des charges, déjà effective avant la guerre en Ukraine, n’a pas arrangé les choses et ne s’est pas améliorée depuis. Concernant 2022, « on voit un doublement de prix sur l’engrais, décrit le responsable. Même chose pour l’aliment, on voit qu’on a une hausse de 50 % depuis 2021, et puis une hausse de 60 % sur l’indice général de l’énergie depuis l’année dernière. » Quant à la production brute d’exploitation (EBE), sur le système « vaches allaitantes naisseur engraisseur », une forte baisse a été enregistrée sur 2022. La cause principale étant l’impact climatique. 02023 devrait annoncer une hausse, sans pour autant dépasser les rendements de 2021. Il en va de même pour les groupes laitiers. En 2022, l’impact climatique était également notoire avec une sécheresse historique « mais en 2023, même sans impact climatique on voit qu’on a des EBE qui ne remontent pas au niveau des années d’avant, affirme Christophe Gillier. Pour résumer, 2023 sera une année plutôt stable par rapport à 2022, avec des charges qui augmentent légèrement, mais ça reste plutôt une poursuite. »

Quelques lignes sur les autres sujets abordés

De nombreux autres sujets ont été abordés lors de cette session plénière. Concernant l’influenza aviaire, « dans le département, pour le moment, la situation est stabilisée. On n’a plus de foyer en faune sauvage depuis le 5 octobre et plus de foyer en élevage depuis le 19 octobre, explique la préfète de l’Ain. J’ai donc levé toutes les restrictions qu’il y avait dans le département, mais on est resté en risque élevé au niveau national. » Elle rassure cependant en affirmant que le virus détecté dans l’Ain n’est pas le même que celui qu’on trouve dans l’Ouest de la France, région fortement touchée par l’influenza aviaire. Concernant le reclassement du corbeau freux en espèce susceptible d’occasionner des dégâts (Esod), le dossier a été transmis fin octobre. Les instances nationales se positionneront d’ici à juin 2023. Enfin, une question a été soulevée dans l’assemblée concernant le mal-être agricole. Ce à quoi Vincent Patriarcat, directeur de la DDT de l’Ain fraîchement arrivé, ajoute : « On a bien un comité départemental, mais on s’appuie sur la cellule d’accompagnement des exploitations en difficulté qui s’appelle Réagir. » Ce jumelage consiste à s’appuyer sur quelque chose qui existe déjà pour ne pas démultiplier les comités départementaux.

Budget initial 2023

Après une année 2021 qui s’est terminée sur le fil, le budget 2022 était tout d’abord prévu avec un déficit de fonctionnement de plus de 17 000 €. Mais ce montant a dû être revu à la hausse à la session de septembre notamment à cause de l’augmentation des charges. La crise énergétique devrait creuser davantage le déficit l’année prochaine, jusqu’à 75 000 € affiché sur le prévisionnel. Ce montant est également lié à la légère baisse des subventions, à la fin des indemnités compensatrices et à la revalorisation de la TATFNB (taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti). « On a des charges qui augmentent plus vite que les ressources », explique Gaëtan Richard, président de la commission des finances à la Chambre d’agriculture. « On a des dépenses qui augmentent sur la masse personnelle, sur le fonctionnement aussi. Au niveau de l’intervention, on est en légère diminution par rapport au budget prévisionnel », enchaîne Charlotte Bertoldo, responsable administratif et financier.  
Ce déficit passe également par une volonté assumée de la Chambre d’agriculture de maintenir ses services, tels que l’accompagnement des agriculteurs dans ses transitions économiques, environnementales, climatiques et sociétales. Mais aussi le développement du dialogue entre agriculteurs et société et de projets de territoires et de services aux collectivités, tout en maintenant un personnel suffisant.