ONU
Les forêts mondiales en quête d’innovations

Les forêts sont confrontées à un stress climatique croissant alors que la demande pour leurs produits ne cesse d'augmenter, indique un rapport de l’Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) publié fin juillet1. L’organisation onusienne plaide pour laisser plus de place à l’innovation afin d’assurer un  avenir durable aux forêts.

Les forêts mondiales en quête d’innovations
En 2023, ce sont près de 4 milliards de mètres cubes qui ont été récoltés à travers le monde dont presque la moitié (49,4 %) pour servir de combustible. © iStock-jimfeng

Le constat est connu depuis plusieurs années et il a été rappelé entre le 22 et le 26 juillet, à l’occasion de la 27e session du Comité des forêts de la FAO qui s’est tenue à Rome (Italie). Le changement climatique affecte la santé des forêts un peu partout dans le monde. Ces dernières sont menacées par l’activité humaine, par les incendies et les attaques sanitaires qui se multiplient. « L'intensité et la fréquence des incendies de forêt augmentent, y compris dans des zones qui n'étaient pas touchées auparavant. En 2023, les incendies ont libéré environ 6 687 mégatonnes de dioxyde de carbone dans le monde », indique le rapport. Il souligne aussi que jamais la production de bois n’avait été aussi élevée depuis les relevés statistiques d’il y a plus de 60 ans. En 2023, ce sont près de 4 milliards de mètres cubes (Mdm3) qui ont été récoltés à travers le monde dont presque la moitié (49,4 % ; 1,97 Mdm3) pour servir de combustible. Cette récolte retrouve ainsi son niveau de l’année 2018. Toujours selon ce rapport, les efforts demandés et surtout réalisés commencent à porter leurs fruits. La FAO estime que la déforestation a diminué de 8,4 % en Indonésie en 2021-2022 et de 50 % dans l'Amazonie légale du Brésil en 20232. « Le taux de perte brute de mangroves à l'échelle mondiale a diminué de 23 % entre 2000-2010 et 2010-2020 », ajoutent les experts forestiers onusiens. Ces derniers ont pointé les dix premiers pays dans lesquels la forêt poursuit son extension. Sans surprise, la Chine vire en tête, avec une progression de presque deux millions d’hectares par an entre 2010 et 2020. Viennent ensuite l’Australie (446 000 ha/an), l’Inde (266 000 ha/an) et le Chili. La France pointe dans le top 10, en huitième position avec 83 000 ha/ha, derrière les États-Unis (108 000 ha) et devant l’Italie (41 000 ha).

Intelligence artificielle

Le rapport de la FAO identifie cinq types d'innovation capables de renforcer le potentiel des forêts afin de « relever les défis mondiaux » dans les domaines de la technologie, du social, de la politique, des institutions et de la finance. Parmi les exemples qu’il cite, l’intelligence artificielle joue un rôle important et son potentiel faciliterait l'analyse automatisée d'un « vaste volume de données optiques, radar et lidar existantes et futures qui sont collectées quotidiennement par des drones, des satellites et des stations spatiales », indiquent les experts onusiens. Ceux-ci estiment que le bois peut aisément remplacer d’autres produits dans le secteur de la construction, qu’il faut encourager les politiques visant à impliquer les femmes, les jeunes et les peuples autochtones dans le développement de solutions locales. Ils jugent également nécessaire de favoriser les « innovations dans le financement du secteur public et privé pour augmenter la valeur des forêts sur pied ». Chacune de ces innovations peut d’ailleurs se coupler aux autres. Le rapport cite dix-huit cas concrets qui peuvent être mis en œuvre dans trois catégories : conservation, restauration et utilisation durable des forêts. L’exemple le plus emblématique reste la Grande muraille verte (lire encadré). Cependant le projet semble avoir un peu de plomb dans l’aile. Comme à l’accoutumée, la FAO fait preuve de bonne volonté. Convaincre les pays concernés de passer à l’action semble plus compliqué.

Christophe Soulard

(1) Le rapport en anglais (The state of the world’s forests) est disponible sur le site de la FAO : www.fao.org rubrique « publications ».
(2) L’Amazonie légale est un territoire délimité en 1953 pour déterminer les régions éligibles aux aides de développement programmées pour l'Amazonie. Elle comprend les États correspondant à la région Nord (Acre, Amapá, Amazonas, Pará, Rondônia et Roraima), et les États du Mato Grosso au nord du 16e parallèle, du Goias au nord du 13e parallèle et du Maranhão à l’ouest du 44e méridien. Ce territoire couvre 500 millions d'ha (soit 5 millions de km²) dont 330 millions sont forestiers.
DÉFORESTATION

Bataille de chiffres

D’après la FAO, sur la période 2015-2020, la déforestation a atteint 10 millions d’hectares (Mha) par an. C’est 2 Mha de moins que sur la période 2010-2015. L’expansion de l’agriculture est responsable de 90 % de la déforestation dans le monde, et plus de 90 % de la déforestation se situe en zone tropicale. L’Afrique et l’Amérique du Sud sont les plus affectées. En Afrique, le taux annuel de déforestation en 2015-2020 s’élève à 4,41 Mha, et en Amérique du Sud à 2,96 Mha. Mais d’après le Global Forest Watch, les chiffres sont différents : la perte de couvert forestier aurait augmenté récemment, et non diminué (13 Mha en 2001 et 28 Mha en 2023). Les tropiques auraient perdu 12 Mha de couvert forestier en 2022. Particulièrement inquiétant, 3,7 Mha déforestés se trouvent dans les forêts primaires.



REFORESTATION

La Grande muraille verte : mirage ou réalité ?

Reconquérir le désert saharien avec une bande forestière longue de 8 000 km, d’une largeur de 15 km, qui s’étendrait de l’Ouest à l’Est de l’Afrique, sur une ligne Dakar (Sénégal)- Djibouti, traversant onze pays et couvrant 117 000 km2 soit 11,7 Mha. Telle est le projet de Grande muraille verte (GMV) portée par la COP 26 sur le changement climatique en novembre 202. Sur les 20 milliards de dollars (Md$) jugés nécessaires pour sa réalisation, la moitié environ a été déjà engagée. Le projet devrait être terminé pour 2030. Mais les demandes de financement ont explosé depuis trois ans : il faudrait maintenant 33 Md$ (30 Md€) supplémentaires, soit un total de plus de 50 Md$. « « C’est un euphémisme de souligner que nous ne sommes pas en phase avec notre objectif commun d’achever le projet d’ici 2030 », a rappelé Alain-Richard Donwahi, qui préside le sommet des Nations unies sur la désertification, le 12 juin dernier. À ce jour, il est compliqué de déterminer le nombre d’hectares qui ont été plantés et qui ont résisté au climat sec du désert.