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Sécheresse hivernale : « pour l’instant, rien de catastrophique »

Margaux Legras-Maillet
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Face à la raréfaction des pluies depuis le début de l’année et l’amorçage avorté de la recharge des nappes profondes, la préfète de l’Ain invoque de nouvelles restrictions sur le prélèvement d’eau en Dombes. 

Sécheresse hivernale : « pour l’instant, rien de catastrophique »
PHOTO/ DR

Le 24 février dernier, la préfète de l’Ain, Cécile Bigot-Dekeyzer, a signé un arrêté restreignant le prélèvement et l’utilisation de l’eau sur le secteur Dombes. Les précipitations proches de la normale à la fin de l’année 2022 « n’ont pas permis d’amorcer la recharge des nappes profondes que l’on trouve sous le territoire de la Dombes. Depuis le printemps 2022, les niveaux des piézomètres de référence de la Dombes sont en baisse constante », précise un communiqué. Un phénomène accentué par la quasi-absence de précipitations depuis le début de l’année sur le secteur. La préfète appelle aujourd’hui les usagers, privés et publics, à économiser l’eau. Elle a également placé le secteur Dombes – Certines – Nord en situation d’alerte, celui de Dombes – Sud en situation d’alerte renforcée. Sur cette dernière zone, les prélèvements d’eaux à usage agricole à partir d’eau souterraines sont donc interdits entre 9 h et 21 h, excepté en cas d’usage de goutte-à-goutte, de micro-aspersion ou de paillage. Le prélèvement dans les eaux superficielles, nappes d’accompagnement et eaux souterraines est également interdit. Une adaptation est permise pour les appoints en eau nécessaires pour les exploitants inscrits à la MSA, sauf si le plan d’eau est utilisé pour l’irrigation. L’arrosage des jardins potagers, les espaces verts et pelouses n’est autorisé qu’entre 21 h et 9 h. 
 
Seulement deux millimètres de pluie en février 
 
« Il faut qu’il pleuve ! » C’est ce que s’accordent à dire les agriculteurs du secteur Dombes que nous avons contactés à la suite de la tombée de l’arrêté. « Le secteur est vraiment sec, on a vraiment un déficit hydrique important. On est à 39-41 mm depuis le début janvier 2023 avec 2 mm d’eau en février, c’est dérisoire », résume Lilian Baise, agriculteur à Saint-Jean-de-Thurigneux. La sécheresse est déjà bien là, mais si tous en témoignent, pas de panique pour la plupart. « Ce n’est pas la catastrophe, nuance Jérémie Chagneux, exploitant sur Villeneuve. On n’est encore pas à l’époque des semis, mais il faut espérer qu’il pleuve dans les jours à venir parce que même pour les céréales à paille on voit se dessiner des zones séchantes ». Plus loin dans la Plaine de l’Ain, hors zone de restriction, Jean-Louis Guignard constate effectivement un abaissement de la nappe sur son secteur, de « 20 à 25 cm. Il y a une sécheresse de surface c’est sûr. Il y a plus d’un mois et demi qu’il n’y a pas plu. On a juste eu 2 mm en février donc il est temps qu’il pleuve ! » Mais pour lui non plus, « ce n’est pas la cata ». ? « Il faut rester optimiste parce qu’après pour l’agriculture, on n’a pas besoin de réserves énormes, se rassure Lilian Baise de son côté. Il suffit de deux ou trois orages au bon moment. » Tous le concèdent, s’il ne pleut pas, la saison s’annonce compliquée avec une sécheresse affichée dès février, mais ils espèrent que les pluies annoncées garantiront les semis. 
 
Adapter son deuxième apport d’engrais 
 
À l’instar de Jérémie Chagneux, certains agriculteurs témoignent aussi de la non minéralisation des sols à cause du manque d’eau. « Les grains d’engrais sont toujours intacts, ça ne fait pas effet. Il faut qu’il pleuve, même pour la végétation, de manière générale », souligne-t-il. Le céréalier craint surtout que les sols minéralisent brusquement au moment des pluies à venir et que cela ne couche les blés. C’est pourquoi Lilian Baise a déjà lui prévu de réduire son deuxième apport afin de limiter les risques de verse.
En attendant une période plus propice pour les semis, le froid, salvateur, redonne un semblant de température saisonnière sur le secteur. Avec encore des -3 et -4 °C en début de semaine, le sol met du temps à se réchauffer, de quoi patienter avant le retour de la pluie.
 
« De l’eau il y en a »
 
Tous s’interrogent en revanche sur la mise en place de restrictions sur l’irrigation. Si la plupart comprennent les appels à l’économie d’eau collective, beaucoup se sentent particulièrement pointés du doigt. « Là où ça m’interpelle le plus, ajoute Lilian Baise, c’est qu’il pleuve ou pas, les nappes ne se remplissent pas et ce qui m’agace un petit peu, c’est l’imperméabilisation des sols. L’eau n’a pas le temps de s’infiltrer et après, c’est à nous agriculteurs de faire des zones humides. Peut-être qu’il faudrait aussi faire des zones humides en ville. » Jean-Louis Guignard dénonce de son côté l’affaissement de la rivière d’Ain depuis « le changement de pratiques de lâchers du barrage de Vouglans. » « De l’eau il y en a, mais en France on ne sait pas la garder. Ce n’est pas l’irrigation qui fait baisser la rivière et les launes, c’est le contraire. L’urgence, c’est de faire remonter le lit de la rivière », alerte-t-il. Simone Taite s’inquiète elle pour son mari, 71 ans, agriculteur à Chaleins : « Déjà l’année dernière ça nous a causé beaucoup de problèmes. C’est bien joli les restrictions mais ça veut dire qu’il faut travailler la nuit. »