CHANGEMENT CLIMATIQUE
Eau et agriculture : des solutions pour préserver la ressource ?

Patricia Flochon
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Le forum « Climat en Bresse, des solutions pour s’adapter », organisé le 28 février au lycée agricole Les Sardières, visait à sensibiliser et informer un public composé en majorité de scolaires sur différents leviers pour faire face au changement climatique. Retour sur le volet gestion de la ressource en eau, explications à l’appui de Thomas Niogret, conseiller hydraulique à la Chambre d’agriculture.

Eau et agriculture : des solutions pour préserver la ressource ?
L’irrigation, au cœur de la réflexion pour une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau. PHOTO/ PF

Une présentation des données de prospective locale sur l’évolution du climat, suivie par cinq ateliers permettant de découvrir différentes solutions afin d’adapter les pratiques face au changement climatique, tel était le programme de ce forum organisé dans le cadre du programme Tetraa (Territoire en transition agroécologique et alimentaire). Les thèmes développés : l’avenir de la protéine en alimentation humaine et animale, les leviers agronomiques pour des stratégies fourragères plus résilientes, bâtiments d’élevage et stress thermique estival, agriculture biologique et changement climatique, ainsi qu’un volet « aménagements hydrauliques ». Sur le volet contexte climatique et gestion de l’eau, Thomas Niogret, conseiller hydraulique à la Chambre d’agriculture de l’Ain, explique : « L’irrigation peut être une solution, mais pas forcément adaptable à tous les types de production. Cela a un coût et donc ça n’est pas forcément rentable.» Illustrant les grandes tendances liées au changement climatique par une analyse du cumul des précipitations annuel, relevé à la station météo d’Ambérieu-en-Bugey, Thomas Niogret ajoute : « On observe une augmentation générale des températures. Le régime des précipitations reste stable, avec tout de même une petite diminution ces dernières années. Sachant qu’il y a une très grosse variabilité en matière de précipitations en fonction des secteurs du département. Le constat est qu’il n’y a plus de saisons ». En clair, il n’y a plus aucune régularité. Toujours selon le conseiller hydraulique, de 1976 jusqu’à 2021, on observe une diminution du nombre de jours de précipitations pour un volume à peu près équivalent. En résumé, il pleut plus en moins de temps, avec une augmentation du nombre de jours avec des pluies de plus en plus fortes. Les températures par contre continuent d’augmenter. Conséquence, de 1976 jusqu’à aujourd’hui : une augmentation de 95 mm de l’évapotranspiration sur Ambérieu ; un besoin en eau pour l’agriculture qui va en s’accroissant ; et du ruissellement au détriment de l’infiltration. Et de préciser : « Les petites pluies fines auront plus tendance à s’infiltrer et à rejoindre les nappes, alors que les fortes pluies ont tendance à ruisseler, arriver dans les rivières de plus en plus vite. C’est aussi lié à certaines activités humaines qui entraînent une imperméabilisation des sols, ou encore le drainage agricole. Afin de pallier ces déficits pluviométriques, l’irrigation peut être une solution. Mais sur certains projets, lorsque l’on compare le coût économique de l’irrigation et le bénéfice apporté, ce n’est pas forcément la bonne solution. Si vous avez un champ de maïs qui tous les ans fait 90 quintaux de rendements et si vous passez à 110 quintaux, vous n’allez pas gagner d’argent en mettant en place de l’irrigation ». 
 
Retenues agricoles : contraintes techniques et réglementaires
 
Les différentes sources d’irrigation peuvent être un forage, un prélèvement sur les rivières, un dispositif de récupération des eaux de ruissellement (retenue), ou encore la réutilisation des eaux usées (des études sont en cours) Quid des contraintes techniques ? Thomas Niogret précise : « Pour un forage, il faut une nappe avec un débit suffisant. En Bresse par exemple on trouve l’eau dans la nappe à peu près à 80 mètres de profondeur. Donc cela représentera un certain coût. Quelques expérimentations ont été lancées sur la reprise des eaux usées en sortie de station d’épuration, mais cela reste très contraignant par rapport à la qualité des eaux. Les retenues agricoles peuvent être une solution pour alimenter un réseau d’irrigation. Réglementairement, elles sont considérées comme des plans d’eau. En dessous de 3 ha, une déclaration à l’administration suffit, au-delà de 3 h on demande une autorisation. Pour créer une retenue il est interdit de détruire une zone humide, de barrer un cours d’eau (réglementation départementale), de remblayer en zone inondable et d’alimenter une retenue par un forage. Lorsqu’un exploitant a un projet, la Chambre d’agriculture peut l’accompagner avec une visite sur site avec différentes administrations comme la DDT, l’OFB (Office français de la biodiversité), le Département, une association de protection de la nature, le maire de la commune, le syndicat de rivière, le syndicat des étangs de la Dombes et un représentant de la commission locale de l’eau. Les visites se sont toujours relativement bien passées ». Autres contraintes liées à la création d’une retenue : la proximité avec les terrains irrigués ou encore la nature du sol. Dans certains secteurs on peut avoir des bancs de graviers donc il faudra installer une bâche et le coût est vraiment exorbitant. La topographie aussi : si elle présente une forme intéressante le coût de la retenue sera alors moindre que s’il fallait créer des digues. Et Thomas Niogret de conclure : « Dans l’Ain on a beaucoup plus de projets individuels que collectifs, sachant qu’il existe une retenue collective dans le Sud de la Dombes sur la Côtière qui fait 180 000 m3. Globalement la topographie, la réglementation et les coûts font que l’on n’aura pas d’énormes projets. La grande majorité des projets concernent 20 000 à 40 000 m3. En général des éleveurs ou des exploitants qui veulent sécuriser une part de leur production fourragère ».