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Quelle Politique agricole commune pour la France ?

Margaux Legras-Maillet
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Agriculteur de Saône-et-Loire et député européen, Jérémy Decerle était invité vendredi 3 décembre à Ceyzériat à l'occasion des assemblées générales d'Acesl Conseil Elevage, Bovi-Coop et Ain Génétique Service. Il est revenu sur les grands chantiers agricoles entrepris par l’Union européenne, dont la nouvelle Pac et sur la conception qu'avaient les Etats membres de l'agriculture française. 

Quelle Politique agricole commune pour la France ?

L’eurodéputé a dans un premier temps rappelé la place prépondérante de la France dans les négociations pour conserver le budget alloué à la nouvelle Pac : « C’est le seul pays monté au créneau, et peu d’autres États ont suivi. » Le budget maintenu, il aura fallu également composer avec l’entrée en plus grand nombre d’élu de partis écologistes au Parlement européen. « Nous avons essayé de lier l hausse du revenu des agriculteurs et la transition agroenvironnementale », ajoute Jérémy Decerle qui note des avancées de taille en ce sens. D’une part, la reconnaissance d’un actif agricole ; « demain chaque État devra définir ce qu’est un actif agricole », une victoire puisqu’elle conditionne directement la perception d’aides de la Pac. Ancien membre des JA, l’agriculteur se félicite d’autre part de la hausse, même moindre, de l’aide apportée à la jeunesse agricole (2 % contre 3 % auparavant). N’en déplaise à certains, mais Jérémy Decerle estime également que la prochaine Pac sera plus verte avec un changement de paradigme via les eco scheme (1er pilier de la Pac) : « On va payer les agriculteurs pour services environnementaux rendus là où on les sanctionnait dans le cas contraire. Les eco scheme devraient toucher 80 % des agriculteurs. C’est du plus environnemental. » Dans sa présentation, l’agriculteur est également revenu sur la protection des actifs agricoles et de leurs filières : « un point qui nous intéresse tout particulièrement dans nos départements et productions, c’est la partie commerciale de la Pac. Nous avons obtenu que la Commission, le Parlement et le Conseil européens fassent une déclaration commune pour la mettre en place la réciprocité des normes dans les échanges commerciaux. » La déclaration devrait être officialisée dans les prochaines semaines selon l’eurodéputé. 
Le point d’achoppement pour les agriculteurs français reste le partage des aides couplées, mais Jérémy Decerle fait remarquer que les arguments posés sur la table ne sont pas toujours recevables pour les autres pays membres : « Il y a une nécessité que ces aides gagnent en éléments structurants parce que lorsqu’on est en face des Danois ou des Allemands qui ne les utilisent pas et qui utilisent différemment les aides Pac, c’est compliqué. Comment faire en sorte de donner des aides à des élevages dont la moitié des veaux partent en Italie ? J’arrive à la définir en disant que sans ces aides, on perd toute la production, mais il faut que les aides couplées soient structurantes pour les filières. » Il est également parfois difficile de faire valoir le positionnement français face à la réglementation européenne. La loi EGAlim 2 en est un bon exemple : « À la Commission européenne, il y a la direction générale de la concurrence qui traite le secteur agricole comme n’importe quel autre et la demande des agriculteurs (ndlr) de contractualiser au coût de production, ils ne la comprennent pas bien. L’obsession de la Commission européenne, c’est de ne pas toucher au pouvoir d’achat et il n’y a pas d’exception agricole. » Mais sur un grand nombre de points, entre autres la question du bien-être animal et de la production en bio, Jérémy Decerle estime qu’il faudrait davantage européaniser et d’harmoniser dans chaque pays avant de vouloir aller plus loin sur ces sujets, de même que, « s’il y a des efforts à faire, il faut qu’économiquement cela suive avec une meilleure traçabilité. » Il cite à titre d’exemple le vote prochain d’une motion sur l’interdiction du transport d’animaux non sevrés de moins de cinq semaines.