FUTURE PAC
Les négociations butent sur l'ambition environnementale

Les négociateurs des trois institutions européennes ont constaté le 28 mai après trois journées d'intenses négociations leur incapacité à conclure un accord politique sur la future Pac. Les discussions techniques vont reprendre en vue de finaliser les pourparlers avant la fin du mois de juin.

Les négociations butent sur l'ambition environnementale
Suite à l'échec de la négociation interinstitutionnelle sur la Future Pac, les organisations et coopératives agricoles de l'UE (Copa-Cogeca) ont accusé le commissaire européen à l'Agriculture, Janusz Wojciechowski, d'être directement responsable de cette situation. DR

Après plus de trois jours de négociations, les institutions européennes ne sont pas parvenues à trouver un accord sur la future Pac. Le 28 mai, ils n'ont pu que constater leurs divergences et se sont donné rendez-vous pour une nouvelle session de pourparlers en juin, probablement les 28 et 29, date à laquelle un nouveau Conseil Agriculture est prévu. C'est l'ambition environnementale du texte qui a bloqué les discussions, les autres sujets sur la table étant plus techniques. Les institutions semblaient pourtant s'entendre sur un pourcentage de 25 % du premier pilier à réserver aux éco-régimes, et 35 à 38 % aux mesures environnementales du second pilier. Mais les dérogations voulues par les États membres (période d'apprentissage de deux ans, comptabilisation des zones à handicap naturel...) ont eu raison de l'accord.

« J'ai été surpris par les craintes, que je juge injustifiées, des États membres qui ont peur que des fonds ne soient pas dépensés mais je crois que ce sont surtout les administrations qui ont peur, pas les agriculteurs », a réagi le commissaire européen à l'Agriculture Janusz Wojciechowski. Pour la présidente portugaise du Conseil agricole, Maria Ceu Antunes, c'est au contraire le Parlement qui a refusé de bouger. Elle cite la question de la convergence interne des aides (rapprochement progressif du niveau des soutiens directs dans les États membres) : « Le Parlement continue de demander une convergence totale (100 %) alors que nous avons fait un pas vers eux en proposant 85 % contre 75 % dans notre position initiale ». 

Bataille de chiffres

Les premières discussions vont donc reprendre au niveau des experts sur la base des discussions qui ont été menées durant les trois jours de trilogue à Bruxelles. Sur l'architecture verte, dans un premier temps la Commission et le Parlement européen ont soumis une proposition avec deux options pour l'enveloppe des éco-régimes : soit 25 % du premier pilier à leur consacrer sur toute la période 2023-2027, soit 22 % en 2023 puis une hausse jusqu'à 30 % en 2027. Pour la phase pilote de deux ans, la Commission proposait un seuil minimum de 20 %, avec la possibilité de transférer les fonds non dépensés vers d'autres paiements du premier pilier. Pour le second pilier (développement rural), la Commission propose un budget à consacrer aux mesures environnementales de 40 %, avec une pondération de 40 % pour les dépenses en faveur des zones à handicap naturel et du bien-être animal.

La présidence portugaise du Conseil a présenté une contre-proposition largement soutenue par les ministres, prévoyant 22 % par an pour les éco-régimes en 2023-2024 et 25 % à partir de 2025. Pendant la période d'apprentissage (phase pilote), un seuil de 18 % minimum devrait être atteint, avec possibilité de transférer les fonds non utilisés vers d'autres paiements directs. Elle a aussi proposé 35 % du second pilier pour des mesures vertes, avec une pondération à 60 % pour le bien-être animal et tenant compte à 100 % des aides aux zones à handicap naturel. Une proposition qu'a refusée le Parlement qui demandait au minimum 37 % du second pilier pour l'environnement et des garanties plus importantes durant la période d'apprentissage (22 % en 2023 et 23 % en 2024) pour les éco-régimes. Et les eurodéputés souhaitent en plus que 30 % des investissements du second pilier soient réservés pour le climat et l'environnement ainsi qu'un engagement à aligner la Pac avec les objectifs de la stratégie De la ferme à la table.

Discussions compliquées

Autre dossier compliqué, là encore autour des questions environnementales : la conditionnalité, en particulier les Bonnes pratiques agricoles et environnementales (BCAE) 8 et 9 concernant respectivement l'obligation de rotation des cultures et le pourcentage à consacrer aux surfaces non productives. Les négociateurs étaient quand même parvenus à dégager un terrain d'entente sur quelques points, notamment une enveloppe de 15 % à réserver aux mesures environnementales dans le cadre des programmes sectoriels pour les fruits et légumes.

Un certain nombre d'autres dossiers « non environnementaux » restent sur la table : les produits éligibles à l'intervention, la réserve de crise agricole, la question des clauses miroir pour les limites maximales de résidus, les paiements aux jeunes agriculteurs (un compromis se dessine autour de 3 % mais les points de vue divergent sur l'inclusion ou non des investissements) et le dispositif de redistribution des paiements vers les plus petites exploitations. Sur ce dernier point, les négociateurs sont quasiment tombés d'accord sur une enveloppe minimale de 10 % à redistribuer obligatoirement vers les plus petites exploitations. Mais ce sont, comme pour l'architecture verte, les dérogations voulues par les Vingt-sept qui ont empêché la conclusion d'un accord. Dernier point de blocage : la conditionnalité sociale. Le Parlement propose de créer un système de sanctions pour les agriculteurs contrôlés en infraction avec la législation nationale et européenne en matière de droit du travail. Un compromis est proche, même si la date d'entrée en application du système doit être précisée.

Avec Agrapresse