POLITIQUE
Ceta : le rejeter en bloc ou plutôt l’amender ?

Quelques semaines après avoir reçu les députés du département, les élus de la FDSEA et des JA ont invité ce lundi, les trois sénateurs de l’Ain à échanger autour d’une généreux mâchon.
Ceta : le rejeter en bloc ou plutôt l’amender ?

Étaient présents les deux sénateurs LR, Sylvie Goy-Chavent et Patrick Chaize. Rachel Mazuir était retenu à l'étranger.
Il fut surtout question du Ceta, cet accord commercial entre la France et la Canada, approuvé par l'Assemblée Nationale et qui doit maintenant être examiné par le Sénat. Les syndicalistes ont fait part leur refus de voir arriver sur le marché national, quantité de viande bovine américaine, dont les normes d'élevage sont à mille lieues de celles imposées aux éleveurs français. Des animaux nourris pour partie aux farines animales et aux OGM, potentiellement dopées aux hormones.
« Cet accord irait à l'encontre des attentes sociétales et nuirait à l'économie de notre agriculture », a martelé le président de la FDSEA, Adrien Bourlez.
Autre risque : les animaux ainsi importés ne seraient pas individuellement tracés, contrairement à ce qui se passe en France.
Cette viande serait destinée aux plats cuisinés, servis dans les écoles, les hôpitaux, les maisons de retraites, s'insurgeait la secrétaire générale, Sandie Marthoud, tandis que Jonathan Janichon, responsable de la section bovine, insistait sur l'impossibilité de pratiquer des contrôles sérieux sur la viande canadienne. « Par exemple, les hormones sont indétectables sur un animal mort. Comment pourra t'on assurer à nos concitoyens que le bœuf canadien en sera exsangue ? »

Quelle stratégie politique ?

Les sénateurs ont demandé aux agriculteurs ce qu'ils attendaient d'eux. Et Patrick Chaize d'avertir : « Si on refuse cet accord en bloc, cela ne servira à rien. Il sera renvoyé et adopté ». L'autre alternative serait de proposer des amendements ou des compensations. Sortir le bœuf de l'accord semble impossible, dans la mesure où cette ouverture du marché national aux importations d'outre Atlantique constitue « un des piliers du Ceta », comme le relevait Sylvie Goy-Chavent, avant d'affirmer que la ratification du Ceta et du Mercosur (accord commercial en l'Europe et la zone Amérique latine) conduiraient à introduire des « animaux clonés ». La sénatrice a demandé aux syndicalistes de formuler leurs propositions : « et je voterai ce que vous me demandez de voter. »
Adrien Bourlez a plaidé pour un rejet total du texte, tandis que Michel Joux, président de la chambre d'agriculture, s'est montré plus ouvert à des compensations, qui pourraient se traduire par des aides à l'export « parce que je ne crois pas que ces accords puissent ne pas se signer » a-t-il expliqué. Le secrétaire général Gilles Brenon, a rappelé qu'il ne s'agissait pas là d'une posture protectionniste mais d'une question d'équité. « Nous ne sommes pas contre les marchés, ni la concurrence, mais à condition que tout le monde applique les mêmes règles, sans quoi, ce n'est pas entendable. »

Les chambresau régime sec

Michel Joux a évoqué la baisse conséquente des moyens alloués aux chambres d'agricultures, consécutive à la baisse de la TFNB, qui constitue une des principales ressources de la chambre consulaire. Le gouvernement impose des économies. Dans l'Ain, il faudra réduire la voilure budgétaire de 15%. « On nous demande d'être au cœur de la transition environnementale, mais on nous réduit nos moyens. On veut bien discuter des missions des chambres, mais au moins à budget constant ». Sans quoi, les chambres seraient contraintes de massivement majorer les prestations et/ou d'envisager un plan social. Au risque de se voir concurrencer par des opérateurs privés, qui, contrairement à la chambre consulaire, n'ont pas d'obligation de neutralité dans le conseil apporté aux agriculteurs.
Dernier point bouillant : les zones de non traitement (ZNP). « Dans un département urbanisé comme le nôtre, si l'on appliquait la règle des 150m, c'est un tiers de la SAU qui serait concerné », alerte Michel Joux en appelant les « sages » à tempérer ce débat, « qui conduit à diviser la ruralité ». La recrudescence d'agressions d'agriculteurs n'épargnerait personne, pas même les bios, selon le président de la chambre. « Le problème, c'est le pulvé, que tu y mettes de l'eau ou des phytos. Si ça continue comme ça, on va finir par se faire sortir de nos parcelles par les riverains » a-t-il prévenu.

Etienne Grosjean