RELATIONS INTERNATIONALES
Les enjeux du conflit russo-ukrainien pour le secteur agricole

Pour la FNSEA et les chambres d'agriculture, l'attaque russe en Ukraine présente deux risques majeurs à court terme : la hausse des cours des matières premières qui pourrait encore pénaliser l'élevage et l'instauration de sanctions commerciales.

Les enjeux du conflit russo-ukrainien pour le secteur agricole
Le conflit russo-ukrainien constitue un sujet de forte inquiétude pour l'agriculture française. © iStock-GOCMEN

Les sanctions annoncées par les Européens dans le conflit russo-ukrainien constituent un « sujet de forte inquiétude » pour l’agriculture française, a affirmé le 22 février la présidente de la FNSEA Christiane Lambert sur BFM Business. Un sentiment partagé de l’autre côté des Alpes par Luigi Scordamaglia, directeur général de Filiera Italia (association réunissant le monde agricole et l’industrie agroalimentaire italienne), craignant qu’un blocus engendre de « graves formes d’insécurité alimentaire mondiale ». Premier effet à court terme, détaille-t-il, « une nouvelle hausse du prix du blé, qui a déjà augmenté de 20 % en un jour, atteignant un nouveau record historique ». Car alors que la Russie et l’Ukraine pèsent ensemble près de 30 % du marché mondial, l’interruption des départs sur la mer Noire déstabilise l’ensemble des acteurs dans le monde. Mais dans l’immédiat, note Sébastien Windsor, président de l’APCA (chambres d’agriculture), la situation pourrait malgré tout « bénéficier à la France, en lui ouvrant quelques marchés ». La Syrie, l’Irak ou l’Iran, par exemple, qui se fournissent habituellement auprès de l’Ukraine, devraient ainsi chercher de nouvelles origines. Les conséquences seront en revanche complexes pour les éleveurs, en France comme ailleurs. Alors que la hausse du coût des matières premières se fait déjà sentir sur les aliments, dans un contexte de crise sanitaire en porc comme en volaille, le renchérissement des céréales lié au conflit pourrait aussi, selon Sébastien Windsor « continuer à déstabiliser l’élevage français ». « Personne ne peut dire aujourd’hui combien de temps ce conflit va durer, mais il pourrait être très destructeur », redoute-t-il.

Lait et vins en sursis

Des sanctions commerciales pourraient également être prononcées d’un côté comme de l’autre. Comme le rappelle Christiane Lambert, lorsque l’UE avait pris des sanctions en 2014 à l’encontre de la Russie en réponse à l’annexion de la Crimée, « l’agriculture avait été le premier secteur ciblé » par un embargo russe sur « le lait, le fromage et tous les produits laitiers ». « Nous n’avons jamais retrouvé les volumes que nous avons perdus à ce moment-là », s’est désolée la présidente de la FNSEA, car Vladimir Poutine « en a profité pour reconquérir sa souveraineté alimentaire ». « Les produits laitiers, les spiritueux et le vin pourraient trinquer », acquiesce Sébastien Windsor. Autres effets à prévoir pour l’ensemble des filières : la hausse de l’énergie et dans son sillage celle des fertilisants. Sur BFM Business, Christiane Lambert a ainsi rappelé que les engrais ont déjà augmenté de 90 % en un an. Une nouvelle hausse aurait donc « indéniablement des répercussions sur les prix de production pour les industries agroalimentaires ». Du côté de l’Élysée, on estime que « l’enjeu de la crise ukrainienne dans le secteur agricole concerne plutôt ses effets sur les cours mondiaux qu’une inquiétude sur l’approvisionnement de la France ». Car l’Hexagone, est « indépendant », avec une production de blé tendre de 35 Mt en 2021-2022 à comparer aux 230 000 t importées la même année. Indiquant surveiller la situation « de près », et notamment la hausse de l’énergie, « le gouvernement interviendra s’il le faut », rassure-t-on à l’Élysée.

IL, RM, YG avec l’AFP