VITICULTURE
Les vins de Seyssel revendiquent leur identité

Alors que la mise en application du nouveau cahier des charges des vins de Savoie arrive à sa date butoir, les vins de Seyssel espèrent obtenir un assouplissement qui prenne en compte la particularité du vignoble. Explications.
Les vins de Seyssel revendiquent leur identité

L'Union des producteurs des vins de Seyssel, présidée par Gérard Lambert, a tenu dernièrement son assemblée générale à Corbonod. C'est une longue histoire, que celle de ce petit vignoble qui produit pourtant de grands vins. « On trouve déjà trace des vins de Seyssel dans les écrits de Pline l'Ancien, de ces vins qui étaient déjà acheminés à la cour de Rome... La notoriété des vins de Seyssel a été développée entre le Xè et le XIVè siècle dans le massif du Grand Colombier par des moines d'Arvières, sur une superficie quatorze fois plus importante qu'aujourd'hui, près de 1 400 ha à l'époque. Puis c'est l'arrivée du cépage Altesse en 1434 qui doit son nom à Anne de Lusignan qui lui confère ses lettres de noblesse ; ainsi que la Molette, un dérivé du Gouais », explique Gérard Lambert. A partir de 1850 se développe la méthode Champenoise, particulièrement appréciée par les reines et rois qui vont en cure thermale dans la cité voisine d'Aix-les-Bains. En 1901, les familles Varichon & Clair le baptisent Royal Carte Bleu.
« Les volumes du Royal Seyssel comment alors à être conséquents », poursuit Gérard Lambert. « Dans les années 1930, la maison Mollex et la maison Varichon & Clair développent la Roussette de Seyssel. Pendant 50 ans elles vont commercialiser les bouteilles de Seyssel exclusivement, puis Varichon & Clair sera vendue à deux reprises. Les vignerons se mettent alors à faire de manière indépendante de la Roussette, dans une dizaine de maisons. En 2007, c'est le coup de massue lorsque la société Boisset ferme le site de production. « Moi qui suis d'une famille de vignerons depuis cinq générations, ça m'a vraiment fait mal au cœur. J'ai alors pris le risque de tout reprendre et de redynamiser le Royal Seyssel. Aujourd'hui on est sur la bonne voie et nous avons même été classés au concours mondial des meilleures méthodes champenoises. La demande est redevenue plus forte », dit le président.

Une appellation exemplaire

Gérard Lambert, président de l’Union des producteurs des vins de Seyssel.

 

Gérard Lambert produit chaque année entre 100 000 et 120 000 bouteilles de Royal Seyssel : « J'apporte des temps de vieillissement très longs, comme pour les grands champagnes. Je me suis engagé dans un processus de qualité ; entre cinq et sept ans sur latte. C'était un projet complètement fou, mais on obtient de la qualité et de la notoriété. J'ai porté ce projet seul avec mon épouse et depuis un an et demi j'ai embauché une personne sur l'exploitation qui développe la biodynamie. Mon souhait aujourd'hui est de passer la main, et que le vignoble aille vers le bio ». Le vin de Seyssel, c'est aujourd'hui environ 100 ha de vignes, neuf producteurs metteurs en marché, dont deux en HVE (haute valeur environnementale) et un bio, pour environ 4 000 hl de production. L'air d'appellation (depuis 1942) s'étend sur trois communes de l'Ain et de Haute-Savoie. Près de 80 % de la surface sont exploités dans l'Ain.

Un « vrai problème identitaire »

« L'appellation Savoie date de 1972, créée avant l'AOP des vins du Bugey. C'est pour cela que nous avons été rattachés aux Vins de Savoie. Nous avons un vrai problème identitaire. J'ai rencontré cet été le président Deguerry et le président Monteil qui ont bien compris notre problématique », ajoute-t-il. La question se pose aujourd'hui de l'application du nouveau cahier des charges qui date de 2014, avec une période de sept ans pour sa mise en place. En cause, l'obligation d'intégrer 75 % de cépage Molette, pour 25 % d'Altesse. « Depuis 1942, le cahier des charges imposait pour le Seyssel brut le cépage Molette, plus 10 % minimum d'Altesse, ce qui fait qu'au fil du temps, sur les neuf exploitations, chacun avait sa « petite recette », ce qui fait aussi la richesse de notre offre. On avait donc des produits différents. Avec l'autorisation de produire le Crémant de Savoie en 2014 la donne a changé et le cahier des charges a été révisé. Certains ne pouvant pas fournir 75 % de Molette, nous demandons à ce que soit appliqué un minimum de 40 %. Cela traîne en longueur, mais j'ai bon espoir car sinon cela mettrait en péril un certain nombre d'exploitations. Une commission de travail a été mise en place. Notre ambition étant de garder l'appellation Seyssel Mousseux et de passer en Roussette de Seyssel (aujourd'hui Roussette de Savoie). Nous souhaitons vraiment trouver notre identité ! ».

Patricia Flochon