SEMENCES
Céréales : les mélanges de variétés loin de faire l’unanimité

Jugés avantageux côté agriculteurs, mais hasardeux côté meunerie, les mélanges de variétés de céréales connaissent un essor depuis une dizaine d’années, mais ils sont loin de faire l’unanimité dans la filière.
Céréales : les mélanges de variétés loin de faire l’unanimité

Le développement des mélanges de céréales ne sera significatif que si toute la chaîne s'y retrouve. Et si le produit y gagne de la valeur », a déclaré Céline Canet, directrice d'Epilor Semences, lors d'une table ronde organisée sur ce thème, le 4 avril par l'interprofession des semences (Gnis). Pratiqués à la ferme, les mélanges de variété ne datent pas d'hier : c'est une tendance « depuis une dizaine d'années », selon elle. Mais chez Epilor Semences, voilà « deux ans qu'on sent la demande », a-t-elle indiqué. L'industriel dit aider les agriculteurs à « structurer les mélanges » voulus. Reste à voir comment la nouvelle réglementation peut changer la donne.

Autorisation de la vente de mélanges de semences

Un arrêté en date du 26 juin 2018 permet la commercialisation de mélanges de semences de céréales. Certains opérateurs l'attendaient. D'autres affichent leurs réticences. Une chose est sûre, les surfaces concernées augmentent. 8 % des terres cultivées en blé sont semées en mélanges de variétés, soit quelque 400 000 ha (contre 300 000 ha en 2017), d'après les chiffres de FranceAgriMer cités par Philippe du Cheyron, ingénieur à Arvalis. Le gain de rendement peut atteindre 2,5 q/ha dans le cas de non-traitement, a-t-il indiqué. Mais l'efficacité vis-à-vis des maladies n'est pas garantie. Elle est « très bien documentée » concernant les rouilles, « nettement moins » pour la septoriose. « Les mélanges de variétés simplifient mon organisation de chantier, en termes de gestion des stocks de semences et des fonds de semoir », a témoigné Luc Vermersch, agriculteur dans la Somme. Une autre motivation tient au sanitaire. « Comme pour les mélanges de phytos, on peut espérer que ça marche », a-t-il lancé. Abondant dans le même sens, Céline Canet a expliqué comment les mélanges de variétés peuvent simplifier la vie des agriculteurs dans le Grand Est. C'est vrai pour les agriculteurs en polyculture élevage, d'après elle. Pas pour ceux qui cherchent à obtenir le meilleur rendement. Non plus lorsque l'acheteur final demande des variétés pures.

Les doutes des meuniers

La meunerie française a exprimé ses doutes sur l'intérêt de tels mélanges. « On manque de recul », a considéré François Guion, chargé de mission matières premières à l'Association nationale de la meunerie française (ANMF). Deux types de problèmes sont mis en avant. En fonction du terroir, de la météo, une variété au sein du mélange peut prendre le dessus. Cela crée des variations de qualité meunière, difficiles à gérer au moulin où l'industriel a plus l'habitude de faire lui-même des mélanges. Au moment de la récolte, une variété peut se trouver à maturité contrairement à d'autres. D'où un risque en termes qualitatif, particulièrement sur le temps de chute de Hagberg. Les coopératives semblent partagées, compte tenu d'appréciations opposées selon le point de vue amont ou aval. Philippe Heusèle, président de France Export Céréales mais aussi administrateur chez Valfrance, a ainsi reconnu l'avantage des mélanges de variétés pour la simplification du travail côté agriculteur, mais pointé les critiques des services techniques de sa coopérative, notant « beaucoup d'inconvénients sur certains critères (de qualité du grain) comme l'indice de Hagberg ». Reste que, Céline Canet l'a d'ailleurs relevé, dans un marché difficile pour les semences certifiées, il est intéressant d'alimenter la demande de mélange de semences certifiées.

J-C.D