PORTRAIT
Lancer son activité de petits fruits

Margaux Legras-Maillet
-

Nathalie Vinot s’est installée en petits fruits rouges bio en 2018 à Flaxieu. Elle nous explique les rudiments du métier lors d’une rencontre organisée par la Chambre d’agriculture et Adabio avec de potentiels intéressés pour se lancer en petits fruits bio. 

Lancer son activité de petits fruits
Une dizaine de personnes intéressées pour se lancer dans la production de petits fruits bio étaient présentes. Photo/MLM

Nathalie Vinot a lancé sa production en 2018 et a récolté ses premiers fruits en 2019. Installée seule, elle a obtenu l’aide de ses voisins du Gaec des Plantaz pour les outils mécaniques. Elle produit aujourd’hui fraises et framboises sur deux parcelles, respectivement de 6 000 et 2 500 m2, à raison de six rangs de 30 m pour les framboisiers (soit 360 pieds) et dix rangs de 40 m pour les fraisiers (soit environ 6 000 plants). Nathalie Vinot envisage également de compléter sa production avec d’autres fruits rouges (groseilles, cassis, mûres notamment). Au départ intéressée pour transformer elle-même ses produits, elle « change finalement son fusil d’épaule » pour se consacrer essentiellement à la vente en vrac. Son crédo : l’ultra frais. Nathalie Vinot vend sa production aux AMAP, épiceries locales, marchés et à des artisans-producteurs du coin (confiseuse de pâtes de fruit, maître glacier, brasseur), occasionnellement à quelques restaurateurs. Peu de producteurs de fruits rouges sont installés dans l’Ain, il y a de la place et la demande, en particulier en fraise, ne manque pas. « J’arrive à me dépatouiller avec les producteurs locaux, confie Nathalie Vinot, comme j’ai une voiture électrique, je ne peux pas aller bien loin de toute façon. » 
 
Des fruits frais vendus en barquettes 
 
Au moment de la récolte, de mi-août à début octobre, Nathalie Vinot livre tous les jours ses fruits. Un travail harassant mais elle y tient : « Ce qui est dur au moment de la récolte c’est de cueillir pour le vrac et pour les barquettes en même temps, mais je préfère récupérer des barquettes en magasin pour en remettre des plus fraîches, ça me fait une meilleure pub et je me débrouille pour envoyer en transformation ce que je récupère », confie l’exploitante. À l’arrivée, la transformation représente à peine 10 % de son activité, à raison d’une cinquantaine de pots de confiture vendus chaque année à cinq épiceries partenaires. « Peut-être que faire plus de transformation me rapporterait plus mais ça ne m’intéresse pas et je ne suis pas équipée. On a besoin de manger des vrais fruits », s’enthousiasme la productrice. Si Nathalie Vinot est aussi à cheval sur la qualité, c’est aussi pour justifier son prix de vente : entre 20 et 24 €/kg pour les framboises (barquettes de 125 à 250 g) et de 13 €/kg pour les fraises (barquettes de 500 g et 1 kg). Depuis son installation, Nathalie Vinot a désormais atteint son rythme de croisière et réussit à se dégager environ 20 000 € de chiffre d’affaires chaque année, auquel il faut enlever environ 7 000 € de charge entre autres pour les frais d’embauche. Ce bénéfice peut paraître modeste mais son nouveau travail correspond avant tout à un choix de vie pour l’exploitante : « En temps, mon activité correspond à peu près à un équivalent 60 à 70 % temps plein, mais je voulais me dégager du temps pour ma famille. »
 
Les astuces de Nathalie pour réussir ses fruits
 
Côté culture, Nathalie Vinot irrigue depuis l’année dernière grâce à son adhésion à la Cuma de Flaxieu Marignieu avec un système de goutte-à-goutte. Son expérience lui permet aujourd’hui de donner quelques conseils. Tout d’abord, sur la préparation du sol, elle insiste sur l’importance d’installer tout de suite piquets et fils pour maintenir les pieds de framboisier en cas de vent. Quant aux bâches, elle les installe uniquement sur les côtés afin de pouvoir les ouvrir et gérer son broyat. Sur le choix des espèces ensuite, après trois ans, Nathalie Vinot n’est toujours pas satisfaite de ses framboisiers non remontants (variété Lloyd George) : « Tu tailles après la récolte, et derrière il faut rattacher les cannes durant l’hiver, c’est fastidieux… ». Mais ce qui démotive particulièrement la productrice, c’est la quantité récoltée sur ces pieds (60 kg contre 300 kg pour les framboisiers remontants (variété Héritage)). À tel point qu’elle hésite aujourd’hui à arracher ses non remontants pour les remplacer par d’autres variétés ou des plants de raisin de table. Même constat pour les fraisiers. Après plusieurs tests de variétés, l’exploitante a une préférence pour la fraise Manille, Rubis des jardins et la Cireine, qui, hormis pour la Manille, sont des variétés rustiques qui se tiennent bien à la cueillette. Nathalie Vinot a également décider de tester des plants WB pour ses fraisiers sur lesquels elle porte beaucoup d’espoir : « C’est super car tu récoltes la même année que la plantation, au mois de mai, donc tu t’économises une année d’entretien (taille des stolons, arrachage des fleurs, etc.) pour la même production et à peine plus chère à l’achat. » Ces plants pourraient s’avérer être une bonne alternative, l’exploitante hésitant à passer en culture annuelle, les fraisiers étant connus pour subir une forte baisse de production dès la deuxième année. De 1,6 tonne de production pour 3 000 pieds la première année, celle-ci est passée à 2 tonnes pour 6 000 pieds (dont la moitié avaient deux ans) la deuxième année. L’exploitante a également renoncé aux tunnels pour ses fraisiers, trop contraignants en cas de vent, de forte chaleur et en main-d’œuvre. Le plus gros travail pour les fraisiers selon l’exploitante, reste la formation des butes avant plantation. Côté taille des plants, Nathalie Vinot utilise un taille-haie puis un sécateur pour les framboisiers. Elle conseille de ne pas hésiter à couper à ras dans la terre, puis d’éclaircir au printemps pour sélectionner les meilleures cannes, sachant qu’elle ne souhaite avoir qu’une seule cueillette par an à la fin de l’été. Pour l’étape de la transformation, la productrice invite ceux intéressés pour faire de la confiture à bien équeuter les fruits avant de les congeler. Cela évitera de devoir trier les queues directement dans la confiture. En revanche, pour la fabrication de la glace, cette étape peut être sautée puisque la raffineuse enlève elle-même les queues. 

La demande en petits fruits rouges grimpe

Réussir Fruits & Légumes a récemment publié une enquête sur la dynamique du marché des fruits rouges en France. Alors que leur consommation augmente (près de 10 % en plus en volume pour la framboise depuis 2016), cette ascension ne s’accompagne pas d’une hausse des volumes produits sur le territoire. « Les importations représentent près de 25 000 tonnes en framboise, soit 86 % des framboises consommées. En myrtille, près de 10 000 tonnes ont été importées en moyenne entre 2019 et 2021, soit 83 % de la consommation française », confiait ainsi Matthieu Serrurier, du CIFTL, à la revue professionnelle. En France, les cultures de framboises représentent tout juste 610 ha, à peine 480 ha pour les myrtilles, 1 790 ha pour les cassis et 280 ha pour les groseilles.