AGRONOMIE
Quand la conservation des sols permet d’atteindre l’autonomie

Ludivine Degenève
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Fanny et Laurent Varoux sont la cinquième génération d’éleveurs au sein du Gaec Black Angus, situé au cœur du Valromey. En parallèle de l’élevage d’Angus et de porcs Duroc qu’ils ont développé depuis maintenant treize ans, le couple pratique l’agriculture de conservation des sols, et cela demande une organisation et un travail très particulier. Bilan.

Quand la conservation des sols permet d’atteindre l’autonomie
Le couple est associé depuis 2017. PHOTO/ LD

Sept ans, c’est le nombre d’années qu’il a fallu au Gaec Black Angus pour commencer à observer les résultats de pratiques visant à atteindre l’autonomie. L’exploitation est située dans le Valromey, et c’est sur leurs 150 ha de ferme, principalement en herbe, et ses 45 ha de cultures que Fanny et Laurent Varoux élèvent leurs Angus et leurs porcs Duroc. Le couple débute l’agriculture de conservation des sols en 2013, ce qui leur a valu d’obtenir le label Haute valeur environnementale (HVE). « On est en semi-direct. On ne touche plus le sol, on sème directement de cultures en cultures, de couverts en couverts, et ainsi de suite », explique Laurent Varoux. Le fait de ne pas travailler le sol permet à la terre d’avoir des racines et donc de ne pas raviner lors des fortes pluies par exemple. Le principe de leur culture est simple : ne jamais laisser la terre nue. « La base, c’est toujours de semer, qu’il y ait toujours quelque chose », assure l’éleveur.
 
Des sols occupés toute l’année
 
Voilà pourquoi fin septembre, Laurent Varoux sème son méteil fourrager, composé de triticales, de seigles, de pois fourragers et de vesces, et son méteil céréalier à base de triticales et de pois. Le mois de mai sonne l’heure de la récolte du méteil fourrager. Dans la foulée suivant la récolte, le couple sème le couvert d’été : du sorgho, du moha, de l’avoine, de la vesce, des pois fourragers et quelques fois des trèfles. « Derrière chaque culture céréalière, on met un couvert et ainsi de suite, continue l’exploitant. Ça nous permet de faire des récoltes en plus. Je fais des mélanges assez simples parce que j’exploite tout pour les bêtes. » Ce fonctionnement permet à la terre de rester fraîche, ce qui facilite les semis. Une fois l’été passé, les couverts sont soit récoltés, soit laissés sur les terres pour permettre aux animaux de pâturer.


Au vu du temps, les méteils sont précoces. Cette maturité est souvent aperçue à partir du mois d’avril. PHOTO/ LD

Des avantages comme des inconvénients 
 
Ne pas travailler le sol apporte certains avantages, économiques comme environnementaux. « On travaille très peu le sol donc on passe peut-être sept litres de gaz non-routier (GNR) à l’hectare, contre peut-être dix fois plus en système classique, estime Laurent Varoux. On ne libère plus de carbone, on a des bilans positifs. » Cependant, quelques difficultés se dressent sur la route des exploitants. « Ne grattant plus le sol, notre principale difficulté est le désherbage », explique-t-il. « On n’a pas peur de dire qu’on utilise du glyphosate », enchaine sa femme. Les quantités sont très variables, mais les doses peuvent aller d’un litre à 2,5 litres par hectare, en fonction des adventices et des rotations. Autre inconvénient, cela « nous demande de réagir d’une autre manière. On anticipe toujours les méteils qu’on met en automne, en fonction de ce que l’on va semer au printemps. Il n’y a pas de hasard. », explique l’agriculteur.
 
« On utilise nos engrais de ferme et on est associé dans une méthanisation »
 
Malgré tout, cette routine permet au Gaec d’être autonome sur la partie fourragère. En revanche, ils ne le sont pas sur le reste de l’alimentation des animaux. « Dès qu’on passe sur la finition pour les engraisser, à la fin on n’est bien obligé de compléter avec un peu de farine de maïs, un peu de tourteaux de lin et un peu de colza », précise Laurent Varoux. Le couple a aussi fait le choix de ne pas utiliser d’azote minéral et d’engrais. « On utilise nos engrais de ferme et on est associé dans une méthanisation. On conduit qu’avec le digestat depuis maintenant cinq ans. On n’a pas acheté un kilo d’engrais », se réjouit-il.
Afin de partager son expérience et apprendre de celles des autres agriculteurs de la région, Laurent Varoux fait partie de l’association Sols vivants des montagnes, qui regroupe une quinzaine d’éleveurs, de céréaliers, de maraichers, certains en bio, d’autres en conventionnel, situés entre le Valromey et l’avant pays savoyard, jusqu’à Saint-Julien. L’objectif est de mettre en commun les pratiques des uns et des autres afin d’améliorer ses cultures. « Il y a toute sortes d’agricultures et de visions mais avec un point commun : l’agronomie », termine Laurent Varoux.