INNOVATION
Économie d’eau : la recette magique de Daniel Soupe

Margaux Balfin
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Agropépinière/ Réduire l’arrosage des arbres pour ne plus les arroser du tout. C’est le mantra bien ambitieux que s‘est fixé Daniel Soupe. Pépiniériste à Châtillon-sur-Chalaronne, globe-trotteur, aficionado de mécanique et conférencier à ses heures perdues, il y a quarante-cinq ans ce fils d’agriculteurs a totalement repensé ses pratiques culturales pour réduire sa consommation d’eau. 

Économie d’eau : la recette magique de Daniel Soupe
Daniel Soupe a mis au point une méthode qui permet de limiter au minimum l'irrigation de ses arbres : seulement au jeunes plants. Photo/MB

Dans la cour, cinq 4x4. En voiture tout le monde pour un safari improvisé entre chien et loup au cœur de la campagne dombiste. Il faut bien tout ça pour faire le tour des 450 ha de plantations de Daniel Soupe. Fils d’agriculteurs et descendant du « Griboli », sobriquet patois donné à son grand-père cultivateur, Daniel Soupe a la terre qui coule dans les veines. Il monte son affaire en 1975 et n’a à l’époque qu'un hectare non irrigué. Loin de lui couper l’herbe sous le pied, la sécheresse de 1976 lui apprend rapidement qu’il faut savoir capitaliser sur l’humidité stockée dans le sol. « Il a plu 7 mm deux mois avant la sécheresse, et la croute de battance a limité l’évapotranspiration », explique-t-il. L’année suivante, il reproduit alors artificiellement cette croûte avec du plastique à fraise qu’il a aujourd’hui remplacé par du film bio-dégradable.

Couverts permanents et sous-solage 

Pour stocker cette eau dans le sol, Daniel Soupe modifie progressivement ses pratiques culturales et évolue vers de l’agropépinière. Un terme qu’il a lui-même inventé en écho à l’agroforesterie. En remplacement du labour, il opte pour un sous-solage à 80 cm de profondeur pour venir éclater les couches du sol avec un décompacteur qu’il a lui-même conçu. « Cela crée une semelle de labour qui évite l’eau de percoler et donne un pouvoir de rétention de l’eau sur 30 cm d’épaisseur », détaille-t-il. Cette technique du sous-solage permettrait selon lui de stocker 400 à 500 litres d’eau au mètre carré sur une épaisseur de 80 cm. De quoi subvenir au besoin hydrique d’un arbre durant tout un été. 

Et Daniel Soupe a plus d’un arbre dans son sac. Il étend aussi un mélange de fumure, compost, fumier et broyat sur sa ligne de plantation. Les plants sont transplantés sur une butte qui maintient les racines au niveau du sol, de ses micro-organismes et de ses lombrics, tout en étant restant au frais. Il a aussi fait depuis longtemps le choix du couvert permanent. Essentiellement du seigle, triticale, blé et sorgho qu’il fauche jusqu’à trois fois et valorise sur place en paillage. Tous les troncs de ses arbres sont également recouverts de chaux à la main pour les protéger des rayons du Soleil. 

Les voyages de Monsieur Soupe

Depuis déjà trente ans, ce globe-trotteur dans l’âme sillonne les zones continentales de la planète à la recherche de nouvelles essences à intégrer dans son herbier géant. Dans sa gibecière végétale, un érable de Montpellier trouvé au Tadjikistan, un liquidambar orientalis originaire de Turquie ou encore un quercus castaneifolia d’Azerbaïdjan, la « Rolls Royce » des chênes selon son nouveau propriétaire. Toutes ces essences ont l’avantage d’être moins gourmandes en eau que nos espèces endémiques. Argonaute sorti tout droit des temps modernes, Daniel Soupe se rendra prochainement au congrès international du chêne au Mexique pour dénicher quelques glands. 

Grâce à ses techniques « innovantes » et à « son bon sens paysan », comme il aime à le dire, Daniel Soupe dit ne plus irriguer aucun de ses arbres au-delà de deux ans. Cinq arrosages la première année – le plant est trop frêle pour résister aux fortes chaleurs – trois la deuxième année – , « et après plus rien ! ». Cela permettrait d’économiser jusqu’à 425 000 m3 d’eau par an. 

Aujourd’hui, Daniel Soupe partage son savoir-faire en conférences. Inarrêtable, il a aussi mis au point des clôtures végétales résistant à des charges de véhicules bélier et étudie actuellement des méthodes pour dépolluer les sols contaminés en métaux lourds grâce aux arbres. Une affaire qui tourne et qui entamera l’année prochaine son 50è printemps.