SYNDICALISME
Retour sur les « Entretiens » du président de la FDSEA

Patricia Flochon
-

La FDSEA a fait le choix cette année d’une formule innovante, regards croisés à la clé sur les grands dossiers d’actualité. Une table ronde orchestrée par Adrien Bourlez lui-même, interrogeant tour à tour Cécile Bigot-Dekeyzer, préfète de l’Ain, le député Xavier Breton, et Jean-Yves Flochon, vice-président du Conseil départemental en charge de l’agriculture et de l’environnement. Eléments de réponse apportés aux différentes problématiques et enjeux soulevés.

Retour sur les « Entretiens » du président de la FDSEA
Le député Xavier Breton, la préfète de l’Ain, Cécile Bigot-Dekeyser, et Jean-Yves Flochon, vice-président du Département, se sont prêtés au jeu des questions – réponses sur les enjeux d’actualité. PHOTO/ PF

Concilier préservation des terres agricoles et développement économique
Pour Jean-Yves Flochon, « ce sujet est essentiel pour l’agriculture et aussi pour l’ensemble des collectivités, un intérêt général qui pousse à avancer tous ensemble. Il ne faut pas se voiler la face, on ne peut pas accueillir 8 000 habitants supplémentaires chaque année dans le département sans exprimer dans le même temps des besoins en termes de consommation foncière, que ce soit pour construire des logements, accueillir des entreprises ou accompagner, moderniser les infrastructures liées au développement démographique. Nous devons adapter nos façons de travailler et de consommer du foncier. Le chemin vers le « zéro artificialisation nette des sols » sera encore long. Il est important d’avoir un dialogue continu, à l’échelle des documents d’urbanismes, qu’ils soient communaux ou intercommunaux, avec une vision coordonnée, structurée à l’échelle des schémas de cohérence territoriale. On sait que le foncier est une denrée rare pour vous et nous sommes sensibles notamment aux questions de densification portées pour développer l’habitat. C’est la volonté des élus et de l’association des maires de rester à l’écoute de vos préoccupations ». 
 
L’impact de la loi EGalim sur l’amélioration des revenus des agriculteurs et leviers de progrès possibles
Selon Xavier Breton, « on a vu dans certains secteurs qu’EGalim 2 commençait à porter ses fruits. Ceci-dit ce n’est pas encore parfait, loin de là. D’où proposition de loi Descrozaille pour améliorer les angles morts d’EGalim 2. Nous avons voté le texte définitif le 22 mars. Cela permet de garder l’expérimentation sur le relèvement du seuil de revente à perte, un mécanisme que l’on n’a pas pu complètement apprécier en raison des crises ; également, en cas d’échec des négociations commerciales annuelles, il y a eu des modalités de rééquilibrage en faveur des fournisseurs. Et aussi prévoir que ces négociations commerciales soient bien jugées par des tribunaux français car certaines centrales d’achat ont changé la localisation de leur siège social pour échapper aux juridictions françaises. Cette loi est donc un nouvel outil. Il faut être très clair, ce ne sera pas encore parfait pour complètement rééquilibrer le rapport de force. Il faudra une révision du statut de l’Observatoire des formations des prix et des marges des produits alimentaires, qu’on le dote du statut d’agence de façon à ce qu’il ait plus de pouvoir d’intervention et de contrôle ». Sans oublier la protection par rapport aux concurrences étrangères de type Mercosur ou Ceta, et que l’on arrête d’importer des produits agricoles venant d’autres pays qui ne sont pas soumis aux mêmes règles que nous ». 
 
Comment combler le manque de visibilité sur la gestion de l’eau en amont d’une saison culturale ?
S’adressant à la préfète, Adrien Bourlez interpelle : « Aujourd’hui on est à la proue d’arrêtés qui tombent en cas de sécheresse. Or personne ne nous donne les perspectives d’une saison culturale.

Quelles solutions pour avoir de la visibilité à moyen et long terme ?

Réponse de la représentante de l’État : « Vous donner une visibilité en amont de la saison culturale est excessivement difficile. Le changement climatique est clairement à l’œuvre, les températures augmentent, les périodes de sécheresse vont être plus dures et plus fréquentes. Le 25 avril, dans le cadre de la conférence de l’eau que j’ai souhaité organiser, est prévue une présentation très précise des grandes tendances de l’évolution de notre climat selon les données de Météo France. J’ai souhaité également que le comité départemental de la ressource en eau ne se réunisse pas qu’en période de sécheresse, mais toute l’année ; au minimum tous les trois mois, pour vous donner toute la visibilité possible. Il s’est réuni cet automne, au mois de janvier, et encore hier matin. On voit effectivement que cette année, nous sommes dans une situation de disponibilité en eau très préoccupante puisque tous les indicateurs sont ceux que nous aurions en année normale en mai, en juin, voir pour certains captages d’eau potable nous sommes déjà dans la situation du niveau le plus bas de l’été 2022. Il faut aussi que le secteur agricole soit moins dépendant de la ressource en eau ; c’est essayer de capter et de stocker l’eau de pluie autant que possible, adapter les cultures et optimiser l’irrigation. On peut encore aller prélever de l’eau dans le Rhône et gagner en efficience ». 
 
La prise en compte des problématiques agricoles dans les aménagements routiers
Jean-Yves Flochon d’expliquer que la question des aménagements routiers rejoint celle de la sécurité routière. « C’est une compétence du Département sur le domaine routier départemental. Nous avons 4 600 km de routes à entretenir et à sécuriser, mais ces routes cessent d’être de la compétence du Département dès que l’on rentre dans les agglomérations ; une compétence partagée avec le réseau routier communal. Nous avons mis en place une agence d’ingénierie qui accompagne les collectivités, notamment dans leurs projets d’aménagements routiers. Je souhaiterais que l’on aille au-delà, en publiant par exemple un catalogue des aménagements qui sont positifs et de ceux aussi qui ont pu poser des difficultés, pour que l’ensemble de nos collègues puissent être informés de la qualité des aménagements à réaliser sur leur propre territoire afin que nous soyons sur ces sujets là en préventif et non pas en curatif ». 
 
Environnement et lourdeurs administratives
À la question d’Adrien Bourlez sur « comment faire pour que la gestion des questions environnementales ne soit pas basée sur des interdictions, des contrôles et des rappels à la loi pratiqués de manière dogmatique et en dehors de toute considération agronomique et de gestion d’entreprise », Cécile Bigot-Dekeyzer répond. « Il y a la norme et il y a le contrôle de la norme. Des règlements européens sont d’application directe, d’autres textes, des directives notamment dans le domaine environnemental, sont transposées au niveau national. Vous avez raison de pointer la surtransposition. On a été longtemps dans notre pays très ambitieux en allant au-delà dans nos textes nationaux de ce qui était prévu dans les directives européennes. Le Président de la République a été très clair en disant : la surtransposition ça suffit ! Concernant l’application des textes, l’objectif est que le contrôle soit fait dans le respect des règles mais avec le maximum de bon sens. J’entends votre souhait de pouvoir rencontrer l’OFB (Office français de la biodiversité) pour dialoguer. C’est important que les contrôlés et les contrôleurs se connaissent. La DDT peut tout à faire faciliter cette mise en relation. Les contrôles réalisés par la DDT sont faits avec beaucoup de bon sens, de pragmatisme, et pas avec la volonté de mettre les exploitants agricoles en difficulté, bien au contraire. Les contrôles réalisés dans le cadre du respect de la conditionnalité des aides Pac n’emportent des redressements qu’à hauteur de 0,03 % du montant des aides Pac versées, soit 16 000 € sur 51 millions d'euros (M€) d’aides à la surface qui sont versés. C’est l’illustration que les exploitants agricoles savent respecter les règles ». 
 
La responsabilité de l’État face aux enjeux de souveraineté alimentaire
Comment gérer les risques lorsque l’État ne prend pas ses responsabilités pour répondre à la souveraineté alimentaire ? Climat, loup, sangliers, corbeaux, agribashing… autant de sujets sur lesquels le président de la FDSEA a interpelé la préfète. La réponse de cette dernière se veut sans équivoque : « Bien sûr que l’État prend ses responsabilités. Évidemment. Sur la question des risques et du régime assurantiel, certes le dispositif doit encore être perfectionné sur les fourrages, mais il était absolument nécessaire. Concernant le loup, c’est un sujet extrêmement difficile. J’entends l’inquiétude des éleveurs. La population de loups a très significativement augmentée et le nouveau Plan national loup est l’occasion de replacer les curseurs là où ils doivent être. Pour les sangliers, l’État a pris ses responsabilités. Avec des arrêtés Chasse pris chaque année qui donnent le maximum de possibilités, et la mobilisation de crédits supplémentaires pour accompagner les fédérations de chasse dans l’indemnisation des agriculteurs. Dans le département c’est 250 000 € en plus pour la fédération de chasse, dont 180 000 € qui ont déjà été versés en décembre. Pour le corbeau freux, s’il n’a pas été retenu comme espèce susceptible d’occasionner des dégâts en 2019 c’est aussi parce que l’on manquait de données. Le dossier envoyé en décembre dernier au ministère de la transition écologique est beaucoup plus documenté et solide. Quant à l’agribashing, ça n’est pas seulement la question de l’État. Il y a l’action d’un certain nombre d’ONG (Organisations non gouvernementales), mais aussi les attentes de la société, plus fortes vis-à-vis de la santé, de la protection de l’environnement. Il appartient à l’État de ne pas accepter n’importe quelle attaque ; c’est pourquoi des consignes ont été données aux préfets, aux gendarmeries pour être aux côtés des agriculteurs ». 

Du côté des sections & commissions…

Section porcine
En juin 2022, la FDSEA a une fois de plus témoigné de sa capacité à organiser un évènement national avec la tenue de l’assemblée générale de la Fédération nationale porcine à Bourg-en-Bresse, en présence de Christiane Lambert, présidente de la FNSEA. Plus récemment, le plan d’urgence « Filière Porc » a permis aux éleveurs et à la filière porcine départementale de bénéficier d’une aide globale de 3,2 M€. Une efficacité « à mettre au crédit de la capacité d’échange entre la DDT de l’Ain et la section porcine de la FDSEA », selon Thierry Thénoz, président de la section.
 
Commission apicole
Malgré la canicule, la production de miel aura été épargnée et les volumes de récolte satisfaisants dans l’ensemble. La plus grosse victoire syndicale de l’année 2022 aura été le maintien de la MAEC API dans la réforme de la Pac 2023-2027. 
 
Section grandes cultures
Une année marquée par des records de chaleur de mars à septembre et une pluviométrie déficitaire, des prix des engrais multipliés par trois et de l’énergie qui flambent ; laissant les céréaliers dans le flou à plus ou moins long terme.
 
Commission environnement
Le dossier majeur de l’année aura été celui de la refonte des chartes riverains ZNT. Le 26 janvier 2022 un délai de six mois était donné au niveau national pour réécrire les chartes départementales. Un travail sans relâche attendait la FDSEA, l’objectif étant que ces chartes n’imposent pas une charge de travail supplémentaire aux agriculteurs mais soient bien un moyen de les protéger autant que les riverains.
 
Section avicole
Défis majeurs de l’année 2022 : l’augmentation du cours des matières premières composantes de l’alimentation des volailles, ainsi que le volet sanitaire avec l’arrivée de l’Influenza aviaire dans l’Ain avec pour corollaire l’application stricte des mesures de biosécurité. 
 
Section foncière
Un important travail a été réalisé pour la mise en place de GFAm (Groupements fonciers agricoles mutuels) dont l’objectif est de « faciliter l’accès au foncier pour les agriculteurs et de maintenir la gestion du foncier aux mains de la profession agricole ». Les agriculteurs intéressés pour investir dans des parts sociales peuvent dès à présent contacter les services de la FDSEA.
 
Section viande bovine
Par le biais de Viande des Pays de l’Ain toujours en constante progression en termes de volumes de commercialisation, la FDSEA est fière « d’être le fer de lance de l’application concrète de la loi EGalim », mais aussi « aux premières loges de ses difficultés d’application ». 
 
Section des irrigants
Victoire à souligner : l’obtention d’une dérogation à l’arrêté de restrictions d’irrigation pour les activités maraîchères le 31 mai 2022. Jérôme Martin, président de la section réaffirme : « Les deux années qui viennent de s’écouler ne font que renforcer le discours que nous portons : le stockage de l’eau est une nécessité pour sécuriser la ressource ». 
 
Section des anciens exploitants
Après huit ans de combats, une revalorisation des retraites à hauteur de 85 % du Smic était enfin obtenue, soit 1 067,90 € brut à compter du 1er janvier 2022 avec une revalorisation de 4 % avec effet rétroactif au 1er juillet 2022 afin de compenser l’inflation. Une bataille de gagnée mais loin de la victoire finale espérée. Objectifs : la revalorisation des retraites des conjoints et aides familiaux, et prise en compte de la dépendance.