AUTONOMIE ALIMENTAIRE
Chez Laurent Varoux, le couvert est mis toute l'année

Margaux Balfin
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Pratique peu utilisée, voire méconnue, le couvert relais est une alternative simple pour couvrir en une fois son sol toute l’année. Valorisable en pâturage comme en enrubannage, il présente aussi de nombreux avantages agronomiques pour les purs céréaliers. Encore faut-il en maîtriser la culture. Laurent Varoux, éleveur à Champagne-en-Valromey, fait part de son expérience. 

Chez Laurent Varoux, le couvert est mis toute l'année
Pratique peu utilisée, voire méconnue, le couvert relais est une alternative simple pour couvrir en une fois son sol toute l’année. Valorisable en pâturage comme en enrubannage, il présente aussi de nombreux avantages agronomiques pour les purs céréaliers. Photo/Laurent Varoux

« L'implantation a lieu entre une céréale et une culture de printemps. L'objectif est de semer en une fois le couvert d'été et le couvert d'hiver avec dans les deux cas des espèces et des variétés adaptées à chaque période. Le couvert relais se sème en même temps que le couvert d'été dont on abaisse la dose à 70 %. » S’il n’est pas passé maître dans l’art de recourir au couvert relais, Laurent Varoux en est en tout cas devenu un fervent adepte. Installé à Champagne-en-Valromey, il élève un troupeau de Black Angus sur 150 ha de SAU dont 95 ha de prairies naturelles, 15 ha de céréales et 30 ha de méteils. Le tout pour 90 naissances chaque année. Il pratique le semis direct depuis une quinzaine d’années et depuis quatre ou cinq ans, il travaille régulièrement avec Nicolas Courtois, devenu l’une des références françaises en matière de couverts, pour le suivi de ses cultures. 

Un protocole strict à respecter

Chez Laurent Varoux on ne badine pas avec le couvert et le couvert relais est une pratique qui demande sérieux et ponctualité. Les dates de semis doivent être maîtrisées, avec une rapidité d’exécution après la récolte. « Dans mon cas, j’ai semé le couvert d’été avec le couvert relais le 19 juillet, soit deux jours après la récolte du triticale », explique-t-il. Le tout avec un mélange composé à 70 % pour le couvert d’été de moha tardif (4,5 kg), sorgho pipper (5,5 kg), avoine rude luxxurial (10 kg), vesce commune mickeala (15 kg) et pois fourrager arkta (35 kg) et pour le couvert relais de seigle fourrager powergreen (60 kg), vesce velue minnie (10 kg) et trèfle incarnat (8 kg). Avec l’expérience, l’éleveur s’est notamment rendu compte que le couvert relais, c’est-à-dire le couvert d’hiver, a besoin de lumière assez tôt, ce qui nécessite une fauche du couvert d’été au plus tard au 15 octobre. Le couvert relais s’adapte à tous les itinéraires techniques. « Il y a plusieurs méthodes. S’il n’est pas récolté au printemps, on peut le broyer, mulcher ou désherber pour ceux qui sèment en direct avant de semer puis on retrouve son itinéraire technique habituel », précise Laurent Varoux.

L’importance primordiale des variétés 

L’éleveur regrette que cette pratique soit souvent reléguée au banc d’essais hasardeux ou autres bizarreries. « Les couverts doivent être un bras armé pour le sol pour la culture suivante, c’est une partie complètement intégrante d’une rotation, ce n’est pas seulement pour respecter la réglementation Nitrate. Avec nos pratiques de semi-direct on n’a pas le choix de couvrir donc autant s’en servir, et ce qu’on trouve souvent dans le commerce, ce sont des mélanges pas trop chers avec très peu de légumineuses et ça ne pousse pas », insiste Laurent Varoux. Si les espèces utilisées dans les couverts sont aujourd’hui plutôt répandues, leurs variétés ne sont encore pas toujours variées sur le marché. Face à des mélanges souvent trop onéreux et peu efficaces, l’éleveur préfère acheter chaque semence individuellement et réaliser lui-même ses mélanges. 

Le bon choix de variété, c’est en effet pour lui la clé d’un couvert relais bien réussi : « Si on implante un moha précoce dans le couvert par exemple, il va monter en épi et salir la parcelle, pareil pour de l’avoine et alors on perd en valeur. Autre exemple, une vesce d’automne implantée en été va griller. L’importance des variétés est primordiale. » Un constat qu’il est aujourd’hui en mesure de dresser après plusieurs années d’expériences, d’abord avec des échecs en matière d’espèces, puis de variété, puis de pratiques de semis. 

Une valorisation fourragère et agronomique

Le choix des espèces et des variétés dépendra aussi de l’objectif recherché. Éleveur, Laurent Varoux cherche à augmenter son autonomie alimentaire. Ses couverts relais auront donc toujours une forte base protéique pour augmenter la valeur fourragère, en privilégiant des espèces comme la vesce et le trèfle, ou le seigle. « Nous mettons souvent du seigle lorsqu’on sème tôt, c’est-à-dire à la mi-juillet, car nous maîtrisons sa levée. Tant qu’il n’est pas passé par l’hiver, il ne pousse pas, tandis que d’autres espèces lèvent à cinq degrés. Le seigle est aussi intéressant en matière de tallage », explique-t-il. 

En revanche, un exploitant en pur céréales pur aura plutôt tendance à préférer un couvert plus agronomique, « a priori moins cher avec l’intérêt de ne pas laisser un sol nu », note Laurent Varoux. « Mine de rien on séquestre de l’azote aussi, ce dont les céréaliers ont besoin pour structurer les sols », poursuit-il. Un pari d’autant plus gagnant en périodes humides comme cet hiver lorsqu’il est quasiment impossible d’entrer dans les parcelles pour semer.

Face au prix parfois trop onéreux des semences, Laurent Varoux achète séparement ses variétésn quand il ne les auto-produit pas sur sa ferme, et réalise lui-même ses mélanges. Photo/Laurent Varoux

ÉCONOMIQUE/ Un calcul coûts / bénéfices gagnant

Pour Laurent Varoux le calcul est vite fait, chiffres à l’appui : « Le coût total des semences est de 267 €/ha avec des tarifs de semences certifiés, mais j'arrive dans mon cas à descendre à 156 €/ha avec une partie des semences auto-produites (seigle fourrager, pois fourrager, avoine rude). Le coût d'implantation est de 105 €/ha en comprenant le désherbage après la récolte des céréales, le semis et le rouleau, et s'il y a une fertilisation organique liquide, il faut rajouter 30 €/ha pour 10m3 (sans valorisation économique de l’effluent). Dans mon cas le temps passé est de quatre-vingt minutes par hectare auxquelles on ajoute vingt-quatre minutes en cas de fertilisation. »

Le 2 octobre dernier, il a récolté 2,4 tonnes de matière sèche par hectare à 24 de MAT et 0,79 UFL mais espère atteindre quatre tonnes de MS le 15 mai en capitalisant sur la forte proportion de légumineuses de son mélange. In fine, en prenant en compte le coût moyen du fourrage récolté hors frais de récolte de 46 €/TMS, un coût de récolte de 190 €/ha (pour 2,4 TMS/ha) pour l’enrubannage et de 230 €/ha pour l'ensilage et le coût de la main-d’œuvre, le coût de récolte global s’élève à 65 €/t chez Laurent Varoux, soit 112 €/TMS. 

Concrètement, il dit avoir augmenté son taux de chargement par animal. « Avec la même surface on nourrit plus d’animaux. Le couvert d’été représente rien qu’un tiers de mon fourrage et je gagne en qualité. » Selon ses besoins, il valorise en effet ses couverts en pâturage tournant dynamique avec fil avant – fil arrière. « On ensile et enrubanne le couvert d’hiver, mais il est aussi possible de le laisser pâturer. Une année assez sèche, j’avais laissé les bœufs dedans », ajoute Laurent Varoux. À noter que le mélange utilisé par Laurent Varoux est éligible pour les aides couplées végétales « légumineuses fourragères » pour les éleveurs.