DOMBES
Comment nos étangs peuvent-ils être utiles contre le réchauffement climatique ?

Margaux Legras-Maillet
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Chaîne d’étangs incontournable, la Dombes a été retenue dans le cadre d’un projet européen visant à savoir comment les étangs peuvent être utilisés comme bases naturelles pour lutter contre le changement climatique. Des chercheurs de l’Isara collectent des données sur le seul site français du projet.   

Comment nos étangs peuvent-ils être utiles contre le réchauffement climatique ?
Qualité de l’eau, présence de zooplancton, d’algues, mesure du CO2, CH4, dioxyde d’azote, plusieurs expériences sont menées par les scientifiques de l’Isara. Photo/MLM

Depuis vingt ans que Joël Robin travaille sur les étangs de la Dombes, il en connaît les moindres recoins ; son carnet d’adresses, une liste de pisciculteurs, propriétaires, chasseurs ou élus locaux est un précieux atout pour mener ses investigations. Chercheur en écologie aquatique à l’Isara (1), il étudie avec Jacques-Aristide Perrin, chercheur en géographie humaine à l’institut, et d’autres scientifiques la biodiversité et le fonctionnement des étangs de la Dombes, dans le cadre du projet européen Ponderful.
« Construire un prototype du super étang du futur », capable de concilier exploitation humaine et lutte contre le réchauffement climatique. C’est précisément la mission que s’est donné ce projet, en étudiant plusieurs paysages d’étangs de seize pays européens différents, en plus de la Turquie et l’Uruguay. La chaîne d’étangs de la Dombes a été retenue parmi celles étudiées. Depuis fin 2020, plusieurs chercheurs de l’Isara, partenaire de Ponderful, récoltent donc une multitude de données pour déterminer la biodiversité, le fonctionnement, les usages et la perception des étangs. À termes, les données collectées sur chaque paysage d’étangs seront mises en commun. 
 
La plus grande base de données jamais constituée
 
D’après les chercheurs, la Dombes, c’est plus de 70 espèces de plantes, 150 espèces d’oiseaux et 35 espèces de libellules. Problème, bien qu’exploités depuis des siècles, ses étangs n’ont en réalité jamais été étudiés pour leur biodiversité. En cause, la directive Cadre sur l’Eau (2000 – 2015) qui ne reconnaissait scientifiquement comme « masse d’eau » que les « lacs » de plus de 50 ha. Cette DCE faisait foi dans toute l’Union européenne, or les étangs de la Dombes ont une superficie inférieure à 50 ha. La prise en compte de la chaîne d’étangs aindinoise dans le cadre du projet Ponderful tombe donc à pic pour remédier à ce no man’s land scientifique. « On est en train de construire la plus grosse base de données ayant jamais existé (sur les étangs de la Dombes, NDLR), explique Jacques-Aristide Perrin. On étudie les plantes, les invertébrés, les algues, le zooplancton, etc. donc on aura pas mal d’indicateurs sur la biodiversité de la région. 20 étangs de la Dombes sont étudiés (2) parmi la trentaine de chaînes d’étangs dans le cadre du projet, soit quelque 400 étangs partout en Europe. »
 
L’exploitation humaine est nécessaire 
 
Le périmètre d’étude a été précisément défini et chaque institut scientifique partenaire du projet s’engage à le respecter sur son secteur. Un cadre qui intègre entre autres le positionnement des parties prenantes dans la vie des étangs (pisciculteurs, chasseurs, agriculteurs, administration centrale, ONG, collectivités locales, etc.). Accompagnés d’autres chercheurs, Joël Robin et Jacques-Aristide Perrin ont organisé des workshops et distribué des questionnaires auprès des principaux intéressés. Entre octobre 2021 et mars 2022, ils se sont ainsi rendus dans pas moins de huit pays pour comprendre l’usage actuel des étangs de ces professionnels, associations et élus (attraction touristique, maintien de la biodiversité, exploitation piscicole, source d’alimentation, etc.), mais aussi ce qu’ils envisagent pour l’avenir pour mieux conserver ces espaces naturels. L’objectif étant de voir comment au mieux concilier usages et lutte contre le réchauffement climatique. Concernant la Dombes plus particulièrement, l’étude de la perception des étangs a déjà été réalisée il y a plusieurs années et avait révélé que la chaîne d’étangs, si elle est structurée, est essentiellement maintenue grâce à l’exploitation des pisciculteurs et chasseurs. Et Jacques-Aristide Perrin d’ajouter : « On entend souvent dire qu’il faut arrêter de toucher aux étangs, mais sans leur exploitation, dans dix ans, il n’y a pas plus aucun étang dans la Dombes… » Un sentiment partagé par Joël Robin qui a participé à la construction du Livre blanc sur la filière piscicole. Selon lui, octroyer des aides environnementales au détriment d’aides économiques pour soutenir les pisciculteurs pourrait s’avérer contre-productif pour la biodiversité. « En Sologne ou dans la plaine du Forez, on compte plus de 300 étangs, mais la filière piscicole s’est étiolée car les négociants ont disparu. Il n’y a donc plus de pêche réglementée, annualisée et on n’y vidange les étangs que tous les trois ans, résultat, il manque de l’eau. » D’ailleurs dans la Dombes, si le fonds de recherche en est encore à ses balbutiements, les premières données collectées montrent que l’équilibre des étangs se maintient grâce aux périodes d’assec, vidanges et chaulage. 
 
(1) École d'ingénieurs en agronomie, agroalimentaire et environnement située à Lyon.
(2) La sélection des étangs a été faite avec l’Apped. 
 

À écouter

Retrouvez « La charrue devant les bœufs », une série de podcasts de vulgarisation scientifique autour de l’agronomie, l’agriculture et l’alimentation. Disponible sur : https://www.podcastics.com/podcast/la-charrue-avant-les-boeufs/

Saison 2, épisode 6 sur : « La pisciculture et la biodiversité au cœur de la Dombes ».