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Les parlementaires conviés à un petit déjeuner avec la profession agricole

Margaux Balfin
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En marge des réunions de travail avec la préfète de l’Ain, prévues par le calendrier agricole à la suite des mobilisations, la FDSEA, les Jeunes agriculteurs et la Chambre d’agriculture ont aussi pris l’habitude d’échanger sur l’actualité avec les parlementaires du département lors de petits déjeuners organisés à la Maison de l’agriculture. Lundi 18 mars, ils sont revenus sur la loi EGAlim et la loi d’orientation agricole. 

Les parlementaires conviés à un petit déjeuner avec la profession agricole
Les élus de la FDSEA, des Jeunes agriculteurs et de la Chambre d’agriculture ont rencontré les parlementaires du département lundi 18 mars. Étaient présents Patrick Chaize, Damien Abad, Xavier Breton, Jérôme Buisson, Florence Blatrix, et Romain Daubié. Photo/MB

Face à face deux équipes. Les représentants de la profession agricole d’un côté, sénateurs et députés de l’autre : Patrick Chaize, Damien Abad, Xavier Breton, Jérôme Buisson, Florence Blatrix, et Romain Daubié. Balle au centre pour120 minutes d’un match amical afin de faire remonter les revendications des syndicats agricoles et de la Chambre d’agriculture jusque dans les instances parlementaires. 

Syndicats : la loi française ne peut attendre la réglementation européenne 

Alors que sa mise en place concrète patine toujours, la loi EGAlim figurait sans surprise au menu de ce petit déjeuner. Après plusieurs opérations de stickage et de contrôles d’étiquetage dans les GMS, les deux syndicats agricoles majoritaires demandent un contrôle ferme de l’utilisation du drapeau français sur les produits transformés, conformément à l’article 12 de la deuxième EGAlim. Une application de la loi entravée selon les représentants de la profession par des dispositions européennes incompatibles. En l’occurrence, le règlement INCO* et des réglementations inscrites au code des Douanes. « Nous ne pouvons pas attendre 2025 pour réviser la réglementation INCO », ont-ils martelé. 

Largement évoqué durant l’assemblée générale des JA de l’Ain et au congrès de la FDSEA les 9 février et 8 mars derniers, le rôle des parlementaires de se porter garant de l’application des lois est également revenu sur la table. Les représentants de la profession les ont en effet appelés à faire valoir l’intensification des contrôles et des sanctions en cas de non-conformité avec EGAlim promise par le Premier ministre. « Les inspections doivent examiner tant le formalisme des contrats (telles que les clauses de prix) que l’esprit de la loi EGAlim, assurant la sanctuarisation et la prise en compte complète des coûts des matières premières agricoles de l’amont à l’aval. » Lorsque cette logique de construction des prix en avant n’est pas respectée, les élus syndicaux demandent également à ce que les marques et entreprises concernées soient publiquement affichées, de même que les sanctions appliquées. 

Pour une EGAlim plus ambitieuse

Les élus syndicaux et le président de la Chambre d’agriculture ont aussi émis plusieurs propositions très concrètes dans le sens d’une nouvelle EGAlim : l’intégration obligatoire dans les contrats en amont des indicateurs de prix des matières premières agricoles (évalués selon la conjoncture et arrêtés par les interprofessions) ; la sanctuarisation de la matière première agricole dans le circuit de la restauration hors domicile (RHD) ; l’introduction d’une date butoir pour la contractualisation amont, c’est-à-dire entre producteurs et industriels avant l’envoi des conditions générales de vente par les fournisseurs afin que la matière première agricole ne devienne pas la variable d’ajustement dans les négociations ; la réaffirmation du principe de l’ordonnance n°2019-358 du 2’ avril 2019 qui engage la responsabilité des acheteurs imposant un prix de cession trop bas, en prenant en compte les indicateurs de coûts de production agricole. Sans oublier la pleine instauration d’un Observatoire des prix et des marges. 

Proposition faite par le député Damien Abad lors du congrès de la FDSEA, l’instauration d’une EGAlim européenne a également été reprise en ces termes par les syndicats. Ces derniers ont émis l’idée d’une révision de la directive européenne 2019/633 pour considérer comme « déloyale toute pratique destinée à contourner les lois de police nationale ». La profession désire également voir engager un travail au niveau du droit de la concurrence européen pour rééquilibrer le rapport de force dans les relations commerciales. « Soit on enlève les normes, soit ce sont les mêmes pour tous », scande Jonathan Janichon, le président de la FDSEA. Et Michel Joux, président de la Chambre d’agriculture, de préciser : « Attention, nous ne voulons pas enlever les normes pour réduire nos standards de production. » La profession dénonce un alignement impossible des prix de produits français de gamme supérieure et donc aux coûts de production plus élevés sur ceux de la concurrence européenne. En somme, il s’agit de faire appliquer les clauses miroir qui semble elle aussi se heurter à la législation européenne. « Si on ne modifie pas les articles 28 à 37 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) avec le fameux principe de Cassis de Dijon, on ne pourra pas faire appliquer les clauses miroir, rappelle Florence Blatrix. C’est un problème législatif qui se joue au niveau européen. » 

« Avant nous avions une TVA social. Pourquoi ne pas mettre en place une autre forme de TVA pour financer la montée en gamme (des produits français, NDLR) », avance David Lafont. Une proposition saluée par Michel Joux et Damien Abad, quoique politiquement hasardeuse souligne Xavier Breton : « cela avait à l’époque coûté 30 à 40 sièges de la majorité en 2016. » 

Loi d’orientation agricole : « il faudra muscler le texte »

Texte attendu depuis plusieurs mois, il devrait arriver dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale le 13 mai prochain selon Xavier Breton qui ne s’attend pas à une loi très audacieuse et qu’il faudra sans doute « muscler ». Le député rejoint les élus de la profession agricole quant à la nécessité d’inscrire dans la loi la reconnaissance de l’agriculture comme d’intérêt général majeur, promise par le chef de l’État. « Auparavant nous ne pouvions pas faire d’agriculture sans prendre en compte son impact sur la nature, mais nous demandons à ce que l’agriculture soit traitée sur le même plan, insiste Jérôme Martin. Quand la préfète prendra des arrêtés sécheresse, il faudra aussi prendre en compte l’impact économique sur l’agriculture. »

A cela, les syndicats ajoutent l’inscription de la souveraineté agricole et alimentaire avec des indicateurs et des objectifs de production précis. « Cette loi a été annoncée aux Terres de Jim. Le problème, c’est que l’on veut faire plaisir à tout le monde et donc on y inscrit un peu tout, mais surtout rien. A un moment donné il va falloir trancher sur une vraie vision d’avenir », relève Justin Chatard, président des Jeunes agriculteurs de l’Ain. Des craintes entendues par les parlementaires qui ont invité, Damien Abad en tête, à revoir les élus syndicaux pour « enrichir » le texte avant son passage en première lecture. Et le député d’encourager : « C’est un moment politique favorable. Nous n’avons pas un problème de majorité sur ce texte, mais de contenu. » Son homologue au Rassemblement national Jérôme Buisson appelle quant à lui à davantage de planification en matière de question agricole. 

La transmission, le nerf de l’avenir 

C’est l’autre pilier de la LOA avec la souveraineté alimentaire. Intégration du droit à l’essai, prise en compte des 25 meilleures années dans le calcul des retraites pour inciter les plus anciens à céder leur exploitation dans de bonnes conditions, augmentation de 13 à 20 M€ du budget d’accompagnement de l’installation-transmission (AITA) dans le cadre du futur guichet France service agriculture, mobilisation de prêts garantis  par l’État de prêts bonifiés … Justin Chatard a dressé la liste des attentes syndicales en matière d’aide à l’installation de jeunes agriculteurs. Alors que les taux d’intérêt atteignent des sommets, Jonathan Janichon exhorte l’État à mouiller sa chemise. « Les banques vont faire un effort à 1 ou 1,5 %, mais cela n’est pas suffisant lorsqu’on a des prêts à 5 ou 5,5 M€ et tant que l’Etat ne mettra pas des ronds on n’avancera pas. »

Passées les échanges sur toujours plus de simplification administrative, les élus syndicaux sont revenus sur les contrôles administratifs réalisés par les agents de l’OFB. « Dès la première infraction on nous demande parfois 5 000 ou 10 000 € d’amende pour un arbre coupé et nous sommes convoqués en gendarmerie. Ce n’est pas en adéquation avec ce que l’on nous reproche », s’insurge Jonathan Janichon, appuyé par ailleurs par Michel Joux : « Ce n’est plus possible que ce genre de contrôles conduisent au pénal. » L’ensemble des parlementaires ont acquiescé en faveur d’un assouplissement sur la question du port de l’arme, dès lors que ces contrôles restent administratifs et sans récidive. Les élus syndicaux espèrent par ailleurs plus de pédagogie de la part de l’administration et un droit à l’erreur au titre des déclarations obligatoires. « A mon avis, vous n’aurez toutefois pas les deux en même temps, c’est-à-dire la fin du port de l’arme et obtenir que le résultat du contrôle se fasse dans l’immédiat », prévient toutefois Jérôme Buisson. 

La table n’était pas ronde mais si les angles n’ont été arrondis, ils se sont tout du moins faits discrets, dans des discussions placées sous le signe de la construction. 

*Règlement européen n°1169/2011 relatif aux informations aux consommateurs devant figurer sur les étiquetages des produits alimentaires.