MACHINISME
Le désherbage mécanique sur sols caillouteux et limoneux : trouver le bon itinéraire technique

Margaux Legras-Maillet
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Après la Dombes et la Bresse, la dernière étape du rallie sur le désherbage mécanique s’est déroulée le 8 juin, sur les sols plutôt caillouteux de la Plaine de l’Ain. Nicolas Zimerli, agriculteur à Thil, y a présenté sa houe rotative, et l’hôte de la matinée, Frédéric de La Chapelle, sa rotoétrille et sa bineuse.

Le désherbage mécanique sur sols caillouteux et limoneux : trouver le bon itinéraire technique
Selon Frédéric de la Chapelle, la rotoétrille difficile à valoriser en terrain caillouteux. Photo/FDCuma

Nicolas Zimerli est installé à Thil en agriculture biologique. Il cultive maïs, soja, sorgho, luzerne, lentille verte, blé d’hiver et de printemps et orge de printemps sur 95 ha de SAU. Il a fait l’acquisition d’une houe rotative Einböck de 6,40 m en 2020. Un matériel dont il reconnaît l’efficacité : « Elle est lourde, ce qui est un avantage pour cet outil. Elle est robuste et les réglages sont assez intuitifs. » Il s’en sert essentiellement pour la destruction de la croute de battance et l’ouverture des rangs les années pluvieuses. « On ne s’en sert pas forcément tous les ans. Il est utile pour le désherbage des cultures de printemps à la suite de pluies qui auraient refermé les sols, ou à la sortie de l’hiver pour casser la croute avant de passer la herse », ajoute-t-il. L’agriculteur l’utilise également sur ses parcelles plantées de lentilles, à stade rayonnant, à condition qu’elles soient bien enracinées, la herse ayant tendance à coucher les pieds. 
 
La houe rotative : « une indispensable en sol limoneux » 
 
Malgré le poids, une puissance de 100 cv suffit, même si Nicolas Zimerli reconnaît lester l’avant de son tracteur pour se maintenir à l’équilibre. Quant à la prise en main, si une vitesse minimale assez élevée est recommandée pour la houe rotative, l’agriculteur estime qu’il se maintient entre 10 et 12 km/h la plupart du temps. Quoiqu’il en soit, « il faut toujours descendre du tracteur pour vérifier. Parfois on a l’impression que l’on brasse pas mal de terre et que la ligne est faite, mais quand on sort de la cabine on se rend compte qu’on a juste chatouillé les mauvaises herbes », souligne-t-il. Ce coup d’œil doit permettre d’adapter le degré d’agressivité et la profondeur qui ne doit pas abîmer le semis. À noter que chez Nicolas Zimerli, les roues de la houe sont montées à l’endroit. « Quand on connaît bien son outil, une quinzaine de minutes, en descendant deux ou trois fois du tracteur suffisent », estime-t-il. 
L’exploitation de l’agriculteur s’étend sur des terrains plutôt limoneux : du limon pur à des sols sableux en passant par du limon-argileux et peu caillouteux. Pour lui, la houe rotative est un inconditionnel sur le bassin : « Pour ceux qui sont en terrains limoneux, peu importe qu’ils soient en conventionnel ou en biologique, la question n’est même pas de réduire l’IFT mais de régler ce problème de croute. La herse ne permet pas d’ouvrir suffisamment donc la houe est indispensable. »
 
La herse étrille : seule alternative dans les céréales à paille ?
 
La houe rotative est efficace sur la plupart des adventices annuelles au stade blanc, mais s’avère inopérante sur les vivaces telles que le liseron ou les chardons. La littérature machiniste voudrait que l’on passe d’abord la houe rotative puis la herse étrille pour terminer avec la bineuse. Nicolas Zimerli reconnaît que sur le terrain, les agriculteurs dont la bineuse est bien équipée et multifonctionnelle, peuvent parfois se permettre de se passer d’autres outils. 
Cela reste du cas par cas. Sur les céréales à paille par exemple, Nicolas Zimerli utilise particulièrement la herse étrille, faute d’une bineuse à céréales à paille. « Lorsque c’est un peu sale dans les céréales à paille, avec la herse étrille on n’arrache pas grand-chose. Si vous avez du ray-grass au début de la saison, vous l’aurez jusqu’à la fin. Avec une bineuse à céréales à paille on arriverait mieux à gérer les problèmes de graminées ou coquelicots », note l’agriculteur. Problème, l’écartement de semis des céréales à pailles dans notre région, souvent faible, avec semoir classique, est peu compatible avec l’écartement d’une bineuse. Le binage en céréales à paille semble donc difficile voire impossible sans système de guidage intégré à la bineuse ou au tracteur. L’institut du végétal Arvalis propose, entre autres, de boucher l’un des trous du semoir pour permettre de mieux travailler l’inter-rang au moment de passer la bineuse. 
Le binage est par ailleurs pratiqué, aussi bien en agriculture biologique qu’en agriculture conventionnelle. Frédéric de La Chapelle utilise la sienne depuis dix ans : une Monosem six rangs de 80 cm avec interface Carré et système de guidage avec une caméra Claas et palpeurs. 
 
La bineuse : savoir combiner différentes utilisations 
 
Agriculteur à Pérouges, seule une partie de ses cultures – tournesol, orge et soja – est en agriculture biologique (AB), ses maïs, blé et sorgho sont eux en agriculture conventionnelle et son exploitation est certifiée en HVE3. Contrairement à Nicolas Zimerli, les 150 ha de sa SAU se situent sur sols très caillouteux, argilo-calcaires et superficiels, les parcelles en AB sont quant à elles situées sur des sols de type fromentaux. « À l’époque, mon idée c’était de désherber le rang en chimique et l’inter-rang avec la bineuse », explique-t-il. 
S’il maîtrise parfaitement l’outil, l’utilisation en AB et en conventionnel est quelque peu différente, tant sur la date de passage que sur la profondeur de travail. Aussi, cherche-t-il encore un moyen de régler l’outil pour qu’il soit efficient et homogène dans ses différents itinéraires techniques. « Je cherche encore le meilleur soc adapté. Souvent, j’interviens un peu tard en conventionnel donc les adventices font le « slalom » entre les socs lorsqu’ils sont étroits, j’ai donc fini par changer pour des socs plus larges. Le problème maintenant c’est que j’ai plus de mal à les faire pénétrer dans les sols. En AB, ça se passe encore pas trop mal puisque j’interviens plus tôt, mais en conventionnel finalement ça ne change pas grand-chose même si ça ne slalome plus. J’y gagnerai plus avec une bineuse plus lourde mais en agriculture biologique on ne cherche pas forcément à rentrer trop en terre (on cherche à scalper en surface). Un puriste changerait les socs, mais ce n’est pas pratique », concède-t-il. 
Comme le soulignait Nicolas Zimerli, il est impératif en désherbage mécanique de descendre du tracteur pour régler son outil. Auquel cas, on risque de ne pas être efficace. Frédéric de la Chapelle en a d’ailleurs fait les frais. Lorsqu’il a acheté sa bineuse, il l’a équipée de doigts Kress qu’il n’a utilisé que la première année, fâché de les voir inefficaces dans un sol caillouteux : « Lorsqu’une pierre venait se bloquer entre les deux rotors, ils arrachaient les rangs, je n’avais pas de système de guidage et je ne regardais pas toujours derrière donc cela m’a un peu échaudé. » Depuis il ne les utilise plus, mais il le reconnaît : peut-être auraient-ils pu servir cette année sur ses parcelles AB. « Comme je ne peux pas traiter les rangs sur ces parcelles, j’ai utilisé la méthode de couverture du rang. J’ai donc passé la herse étrille avant le semi pour laisser de l’avance à la culture sur l’adventice, avant de repasser un coup à l’aveugle, ajoute-il. Problème, je sème assez profond, environ 4 à 5 cm, et cette année il a plu et fait froid donc les tournesols et sojas ont levé sur trois semaines. Je n’ai pas voulu prendre le risque d’utiliser l’outil sur des tournesols pointants, donc c’est un peu sale… J’aurais peut-être pu éviter cela avec les doigts Kress ? » 
 
S’approprier ses propres itinéraires
 
La transition en agriculture biologique se réfléchit et nécessite parfois une certaine expérience de ses outils mais aussi de ses sols. Frédéric de la Chapelle pratiquait sa bineuse depuis longtemps avant de se lancer en agriculture biologique en 2020. En revanche, il a fait l’acquisition d’une herse étrille et d’une rotoétrille APV de 6 m qu’il a du mal à valoriser : « La rotoétrille ne convient que partiellement en sols caillouteux, la machine ne va pas chercher les adventices qui se trouvent sous de grosses pierres de diamètre. Je ne sais pas si c’est un problème de matériel ou de réglage. Est-ce que c’est l’interaction sol/machine qui ne fonctionne pas ? Comme je viens du conventionnel, je n’ai pas encore l’esprit étrille », admet-t-il. Selon lui, là où le système APV n’est pas suffisamment agressif pour ses parcelles, celui Einböck l’est beaucoup trop. « Je n’ai pas encore assez d’expérience en agriculture biologique. Si je m’étais tenu à l’étude, je ne me serais pas lancé. Les conseillers le disent : on ne part pas en AB pour sauver une situation économique mais lorsque l’on a une situation économique correcte. » Frédéric de la Chapelle se donne cinq années pour maîtriser son itinéraire technique.