INCENDIES
Feux de forêts : le département se prépare pour l'été
Pas moins de 72 000 ha de forêt ont brulé l’an dernier dans toute la France. Malgré plusieurs départs de feux, le département de l’Ain a été relativement épargné, mais anticipe déjà la campagne 2023, à coups de lourds investissements. Lundi 19 juin, au CIS du Suran à Villereversure, la préfète de l’Ain a signé un plan de lutte départemental.
Tout le monde a en mémoire la mobilisation des agriculteurs l’année dernière pour prêter main forte aux sapeurs-pompiers en pleine lutte contre les incendies. Dans l’Ain, plusieurs d’entre eux n’avaient pas hésité à rallier le Jura pour sauver ce qu’ils pouvaient des fermes et de leurs alentours. Pour la première fois en 2022, le service départemental d’incendie et de secours (SDIS) a dédié des équipages aux camions-citernes feux de forêt (CCF). Jusqu’ici aucun moyen n’a été pré-positionné et le département a été plutôt épargné malgré 373 départs de feux entre le 1er juin et le 30 septembre 2022, mais face à un risque « incendie » de plus en plus marqué, l’Ain déploie les gros moyens.
« Il va falloir s’équiper durablement »
Plusieurs casernes ont ou accueilleront de nouveaux camions-citernes ruraux (au nombre de 27 sur le département). Essentiellement déployés sur l’Ouest du département, ils offrent à la fois la possibilité d’intervenir sur des feux urbains et des feux plus spécifiques comme les feux de récolte. Ces feux ne doivent pas être négligés. Ce mardi 27 juin, un important feu de cultures s’est déclaré à Loyettes, route du Port Galland. Une quarantaine de sapeurs-pompiers engagés pour éteindre un feu de cultures de blé sur pieds.
L’Ain s’est également doté de sept camions-citernes à grande capacité, capables de transporter 12 000 litres d’eau. Autre moyen de base, le camion-citerne feu de forêt d’une capacité allant de 2 000 à 6 000 litres d’eau. Le département en possède une trentaine, le centre de secours d’Ambérieu-en-Bugey ayant accueilli le sien il y a quelques semaines. Polyvalent, ce camion facilite également l’autoprotection des sapeurs-pompiers présents à son bord.
Prochaine étape, la mise en place d’un plan de lutte départemental, signé ce lundi 21 juin au CIS du Suran par Chantal Mauchet, préfète de l’Ain. Pas moins de 72 000 ha de forêt ont brulé l’an dernier dans toute la France jusqu’en Bretagne. « Malheureusement, nous pouvons penser qu’avec le réchauffement des sols et les maladies qui touchent les arbres, il va falloir s’équiper durablement », souligne la haut-fonctionnaire. S’équiper durablement, cela nous paraît aujourd’hui évident, pourtant, c’est loin d’être le cas.
Incendie en espace naturel : un risque encore « particulier »
« On classifie les risques courants et les risques particuliers, explique Hugues Deregnaucourt, le directeur du SDIS de l’Ain. Jusqu’alors, les feux en espaces naturels étaient classifiés en risques particuliers dans toute la France, excepté dans les départements du Sud. Il se pourrait que les choses évoluent à l’avenir. »
Avec ce plan de lutte départemental, il s’agit donc d’anticiper. D’autant plus que les départements du Sud de la France sont aujourd’hui considérés comme à risque pour les feux de forêts, les pompiers du département de l’Ain peuvent être appelés chaque semaine en renfort. L’année dernière, 16 camions du département ont été déployés à l’extérieur, dont deux en Gironde.
« L’année 2022 a été une année de référence pour l’Ain et nous a permis de collecter un grand nombre de données », explique Jean Deguerry, président du Conseil départemental. Une étude des massifs forestiers du département, de leur santé, de leurs accès est d’ailleurs en cours. Elle servira de base pour la création d’une cartographie des massifs du Revermont, Bugey Sud et Haut-Bugey. Dans le cadre du nouveau plan départemental, une surveillance hebdomadaire permettra par ailleurs d’établir une météo des forêts et viendra compléter celle mise en place chaque semaine au niveau national. Un document sera également distribué auprès des mairies, notamment forestières, pour rappeler certaines mesures réglementaires (interdiction de tir de feux d’artifice, de barbecues ou méchouis à moins de 200 mètres d’un espace naturel sensible, ou encore interdiction de feux de brulage). Chantal Mauchet annonce enfin que l’accès à certains massifs forestiers seront fermés. « Il s’agit d’un nouveau document que je signe aujourd’hui, mais ce n’est pas fini, il sera revu annuellement et remis à niveau », promet-elle.
Par ailleurs, dans le cadre d’un renforcement national de lutte contre les feux de forêts, la France a porté à dix le nombre d’hélicoptères bombardiers d’eau lourds, contre quatre auparavant. Les services de l’État et le SDIS de l’Ain étudient la possibilité d’accueillir l’un des hélicoptères bombardiers d’eau lourds à la base d’Ambérieu-en-Bugey.
1 500 sapeurs-pompiers formés au « feu de forêt »
Malgré toutes les précautions prises, le risque zéro n’existe pas, ajoute Hugues Deregnaucourt. « Si tout cela ne suffit pas et que des feux se déclarent, alors on entre dans ce que l’on appelle la phase d’éclosion. Nous suivons une doctrine en France qui consiste à éteindre les feux naissants afin qu’ils ne prennent pas plus d’ampleur. Elle est réaliste puisque 95 % des feux de forêts font moins d’un hectare. »
« Il nous faut du matériel de pointe, ajoute Jean Deguerry. C’est pourquoi, chaque année, le Département participe à hauteur de 800 000 € pour lutter contre les feux de forêts : 600 000 € pour l’achat de camions, 100 000 € pour l’achat de véhicules plus légers et 100 000 € pour la formation des sapeurs-pompiers. » Le président du Conseil départemental a également annoncé une revalorisation de plus de 700 000 € par an, soit au total près de 6 millions d’euros (M€) alloués chaque année au casernement, à l’achat de matériel, au recrutement de sapeurs-pompiers et à l’habillage.
En effet, outre l’équipement, la formation des sapeurs-pompiers est également une priorité dans le département. Dans l’Ain, 120 sapeurs-pompiers sont formés chaque année au « feu de forêt ». Au total, deux tiers des sapeurs-pompiers sont déjà aptes à intervenir sur des feux en espaces naturels, soit environ 1 500 hommes et femmes.
« Fumer tue aussi nos forêts »
Jean Deguerry insiste également sur l’importance de la communication. La quatrième de couverture du prochain magazine trimestriel édité par le Conseil départemental fera d’ailleurs l’objet d’une campagne de prévention sous la forme d’un message choc : « Fumer tue aussi nos forêts ». Environ 90 % des feux de forêt sont en effet d’origine humaine. Une douzaine d’enquêteurs sont d’ailleurs aujourd’hui dédiés aux atteintes environnementales sur le département selon Charles Bouniot, officier adjoint du commandement de la gendarmerie départementale.