DOMBES – PLAIN DE L’AIN – VAL DE SAÔNE
L’Asia attend beaucoup des nouveaux arrêtés-cadre sécheresse

Margaux Balfin
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IRRIGATION/ L’association des irrigants de l’Ain, l’Asia, a tenu son assemblée générale vendredi 16 février à la salle des fêtes de Manziat dans le Val de Saône. Une cinquantaine de personnes, des adhérents, des élus locaux et des représentants des OPA, étaient présents. 

L’Asia attend beaucoup des nouveaux arrêtés-cadre sécheresse
Gérard Raphanel, président de l’Asia, Fabien Thomazet, directeur et Jérôme Martin, président de la section des irrigants de la FDSEA. Photo/MB

Les années se suivent mais ne se ressemblent pas. Enfin presque, à l’exception que ces dernières connaissent toutes des conditions climatiques extrêmes. « On ne risque pas d’oublier l’année 2023 », lâchait en préambule le directeur de l’Asia Fabien Thomazet. Après une sécheresse hivernale et un mois de février sans presque un millimètre d’eau, seul le mois d’avril a brillé par sa quasi normalité en matière de conditions météorologiques. Entre janvier à septembre, l’année 2023 affiche des déficits pluviométriques exceptionnels de 30 à 35 % avec des arrêtés sécheresse assez précoces : dès le 29 mars (seuil vigilance) pour la Plaine de l’Ain (seuil vigilance) et le 16 juin (seuil d’alerte) pour la Saône, la Dombes-Sud ayant été en alerte renforcée toute l’année. 

70 % de prélèvements en moins en 2023

Entre les arrêtés et les besoins en irrigation, la saison s’est soldée par 70 % de volumes d’eau prélevés en moins par rapport à 2022 sur l’ensemble de la zone. Plus en détail, on comptait un à trois tours d’eau en Plaine de l’Ain pour les cultures d’hiver (les blés de la Dombes n’ayant pas été irrigués), et pour les cultures d’été 10 à 12 tours d’eau toujours dans la Plaine à partir du Rhône, 8 à 10 tours à partir de la nappe et 3 à 4 tours d’eau en Dombes. Soit un total de 18,8 millions de mètres cube (Mm3) prélevés pour la Plaine (nappe et Rhône inclus) et 195 147 m3 prélevés dans la nappe de la Dombes. 

Plus inquiétant, les pluies abondantes de la fin d’année n’ont pas permis à la nappe dites des Cailloutis (Dombes) de se recharger. « Nous sommes à des seuils comparables à ceux de 2022. La nappe réagit à peu près de la même façon malgré des comportements pluviométriques différents en 2022 et 2023, ce qui nous pose question quant à son rechargement, et notamment vis-à-vis de la gestion des rivières », s’inquiétait Fabien Thomazet. « Les arrêtés sont complètement néfastes. On sait qu’ils arrivent le samedi et donc on irrigue n’importe comment, donc laissez-nous gérer l’irrigation », pestait par ailleurs un irrigant sous les applaudissements de la salle. 

Infiltration : des infrastructures de ralentissement de l’eau bientôt testées 

L’arrivée de deux nouveaux arrêtés-cadre sécheresse* laisse toutefois planer une lueur d’espoir pour les irrigants du département, avec la prise en compte de quelques assouplissements réglementaires demandés par la profession . « On se doit d’appliquer les textes au niveau national mais on essaye d’être le plus pragmatique possible. La révision des arrêtés cadres sécheresse chaque année en est un bel exemple », soutenait Jean Royer du service de protection et de gestion de l’environnement à la DDT. Et Jérôme Martin, président de la section des irrigants de la FDSEA et invité, de rappeler : « Sur les niveaux de seuils, on peut vraiment se poser la question de remise à plat. Malgré le fait que l’année 2003 qui fait référence et qui était une année de sécheresse, on a des restrictions sur la Dombes depuis 2019, c’est-à-dire quasiment cinq ans de restriction permanente. Soit les points d’infiltration ne sont plus connectés, soit il y a un problème de réinfiltration. » 

« On doit s’adapter à cette nouvelle météo, mais il faut que l’on se penche rapidement sur le sujet parce qu’on ne peut pas continuer comme ça, donc j’ai demandé à la DDT à ce qu’on puisse au moins conduire des essais de réinfiltration », précisait solidaire le président Gérard Raphanel. Aujourd’hui, un débit au moins équivalent à 400 m3/s est nécessaire pour que les lônes se remplissent, aussi la Chambre d’agriculture prévoit d’expérimenter des infrastructures de ralentissement de l’eau à des endroits stratégiques pour qu’elle puisse se réinfiltrer. « Aujourd’hui, il faut désimperméabiliser les sols. Le problème n’est pas l’agriculture et le tassement des sols par la mécanisation, mais la bétonisation », poursuit le syndicaliste. Présente Élisabeth Laroche, conseillère départementale, a rappelé la politique de l’eau déclinée par le Département de l’Ain depuis l’année dernière avec un premier axe consacré à la désimperméabilisation des sols. 

Tarifs d’électricité 2025 : un marché subséquent signé 

C’est l’autre dossier brulant étudié par l’Asia. Avec des prix d’achat records atteignant 190 €/MWh en heures pleines et 192 €/MWh en heures creuses pour un coût du tour d’eau de 30 mm compris entre 41 et 55 € HT/ha en Plainte de l’Ain et entre 57 et 64 € HT/ha en Dombes, le poste énergétique est l’un des plus importants jamais connus par l’Asia en 2023, alors que les prélèvements ont été bien moindres. Pour mémoire, l’association des irrigants avait fait le choix en 2021 de répondre à un appel d’offre basée sur l’achat d’Arenh et courant pour la période 2022 – 2024. Pour se prémunir de tarifs d’achats aussi élevés cette année, l’association des irrigants a pris quelques dispositions et a notamment souscrit à une option « protection écrêtement » auprès d’EDF pour limiter l’impact de l’écrêtement appliqué en sus du tarif d’achat fixe prévu par l’Arenh. D’après ses calculs, le coût du tour d’eau en 2024 devrait donc se situer entre 24 et 33 € HT/ha en Plaine de l’Ain et autour de 37 € HT/ha en Dombes. 

La donne changera complètement à partir de 2025, le principe de l’Arenh devant prendre fin. N’ayant aucune visibilité sur le comportement des marchés de l’énergie pour cette période, l’Asia a donc lancé un nouvel accord-cadre pour 2025 puis la période 2026-2028. Un marché subséquent a été signé pour 2025 avec le fournisseur Volterres pour un prix fixe à 47,97 € HT/MWh en heures pleine et 25,95 € HT/MWh en heure creuse. Des niveaux de prix équivalents à ceux connus avant la crise énergétique, notait Fabien Thomazet. L’Asia attend en revanche plus d’informations dès le début du second semestre 2024 pour se positionner pour les années suivantes. 

Une année financière compliquée 

Un contexte qui n’a pas arrangé la situation financière de l’Asia déjà bien assommée par la redevance de l’Agence de l’eau augmentée de 340 % en 2023 et sept prêts en cours. A elles deux, elles pèsent pour près de 3,6 M€ (dont 95 057 € de redevances) dans les charges variables de l’Asia, soit le double par rapport à 2022. « Financièrement ça a été une année assez compliquée. Nous étions mal il y a un an et nous avons courbé le dos et nous y sommes arrivés », résumait Gérard Raphanel, appuyé par son directeur : « On devrait arriver.à retrouver un niveau financier d’avant la crise d’il y a deux ans sans trop alourdir les charges de l’Asia. »

*L’un départemental dont la signature par la préfète de l’Ain ne saurait tarder et l’autre interdépartemental concernant exclusivement l’axe Saône. 

PLANTATIONS DE HAIES/ Gare aux perforations de tuyaux

L’Asia alerte les propriétaires sur l’importance de prêter attention au lieu de plantation des haies. « Nous ne sommes bien sûr pas contre, précise Fabien Thomazet, mais il faut éviter de les planter au-dessus d’une conduite, les racines des plantes ligneuses risquant de pénétrer les tuyaux. » Réuni le 30 janvier, le conseil syndical a décidé qu’en cas de tuyau perforé, il se retournerait contre la personne ayant planté la haie concernée. Les dégâts seraient par ailleurs à sa charge. Un appel à la vigilance et la responsabilisation des propriétaires après que deux cas de ce type aient eu lieu dans la Plaine de l’Ain. Le directeur de l’Asia rappelle par ailleurs que les exploitants sont responsables de l’entretien de leurs bornes d’irrigation. 

ARRÊTE SECHERESSE/ Que risque un irrigant en cas de non-respect ?

La question a été posée lors de l’assemblée générale. Si aucune sanction précise n’a été avancée par les services de l’Etat présents, Gérard Raphanel a fait part de son expérience. « Je suis arrivé à 9 h 30, au lieu de 9 heures et l’OFB était là. J’ai été convoqué par l’OFB à Peyrieux. Je n’ai pas eu d’amende, mais j’ai écopé d’un sursis qui court pour deux ans. Si je suis repris je risque 7 500 € d’amende. » S’il s’oppose aux restrictions prévues par les arrêtés sécheresse, le président de l’Asia invite les irrigants à les respecter. Et d’ajouter fermement : « On ne cautionne pas, et d’ailleurs nous faisons le choix de ne pas arrêter les stations de pompage, mais si un irrigant décide malgré tout d’irriguer et se fait prendre, l’Asia laissera faire l’administration. »