CHRONIQUE
L’exportation massive de grumes menace la filière chêne française

Jean-Baptiste Menendez, technicien forestier, agréé gestionnaire forestier professionnel
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Face aux exportations massives et de plus en plus importantes de grumes de chêne françaises, Jean-Baptiste Menendez, technicien-forestier, alerte les propriétaires privés sur la façon de valoriser leurs bois, très prisés des acheteurs étrangers. 

L’exportation massive de grumes menace la filière chêne française
Volume de chêne exporté vers la Chine 2019 : 329 542 m3 2020 : 296 433 m3 2021 : 425 335 m3 2022 : 553 898 m3 Source : Isobois

Comme vous l’avez vu dans les derniers bulletins du Forêt de l’Ain, de nombreux acheteurs de bois peu scrupuleux, quand on ne les qualifie pas tout simplement « d’escrocs », parcourent notre département à la recherche de propriétaires forestiers peu attentifs pour sévir. J’ai d’ores et déjà fait appel à votre plus grande vigilance sur ce sujet mais n’ai pas abordé la question de la destination de ces bois achetés (ou volés) ni de l’incidence de cette activité sur notre filière bois. 
En France la récolte de chêne annuelle est de 1,9 million de m3 (Mm3) de grumes (qualité sciage) tandis que les besoins des scieurs se situent autour de 1,8 Mm3 toute qualité confondue. Nous pourrions considérer à ce stade que tout va plutôt pas mal si ce n’est que si l’on se penche sur la question des qualités, on observe que le besoin en bonne qualité de chêne est 38 % supérieur à la récolte.  
À cela vient s’ajouter les besoins des pays étrangers qui viennent concurrencer les scieurs locaux, c’est ainsi que l’on a vu augmenter les volumes de bois exportés notamment vers la Chine.

La forêt privée, véritable cible pour les acheteurs étrangers 

Ce sont ainsi 25 à 30 % du chêne récolté dans les forêts françaises qui sont exportés. Ces exportations de chêne brut auraient ainsi été multipliées par dix en dix ans avec pour principale destination, la Chine, qui achèterait « environ 17,5 % des grumes de chêne français » (source :  Fédération nationale du bois). En plus des 550 000 m3 de bois exportés vers la Chine, ce sont près de 150 000 m3 qui sont exportés vers d’autres pays, qui ne sont parfois qu’un pays dit « étape » avant que les bois ne soient effectivement acheminés vers la Chine. 
En conséquence, sur les 1,9 Mm3 exploités, 0,7 Mm3 sont exportés, il ne reste donc que 1,2 Mm3 de chêne pour nos scieurs français alors que leurs besoins sont de 1,8 Mm3. Des conséquences désastreuses pour la santé de nos scieurs mais aussi pour le marché de l’emploi et la balance commerciale de la France.
La forêt publique est « a priori » protégée de cet appétit chinois pour les grumes de chêne (Label UE) mais la forêt publique ne représente que 25 % de la surface de forêt en France. Ce sont leurs propriétaires privés qui deviennent la cible des acheteurs et négociants exportateurs. 
Ces négociants ne sont clairement pas là pour respecter la forêt, ils ne travaillent que pour la santé de leur portefeuille et réalisent des exploitations prélevant l’ensemble des bois « commercialisables », arbres de 35 cm de diamètre inclus, une honte pour le sylviculteur averti ! 
La meilleure façon d’avoir un avis neutre est de demander conseil auprès de quelqu’un non acheteur qui ne prend pas de pourcentage sur la vente. La meilleure façon d’être sûr d’obtenir un bon prix, et de mettre en concurrence les acheteurs. 
N’hésitez pas à vous faire accompagner dans vos démarches de marquage et de mises en vente par les techniciens de vos associations de sylviculteurs.