FranceAgriMer a livré une première estimation des ressources agricoles et agroalimentaires mobilisées par la filière biogaz française. La biomasse disponible apparaît « suffisante » et semble « laisser une marge de croissance à la méthanisation ».
FranceAgriMer a publié le 1er septembre un premier état des lieux des taux d’utilisation des matières fermentescibles par la méthanisation agricole. Au 31 décembre 2021, les cultures principales dédiées (comme le maïs) représentaient 5,5 % de la ration d’intrants de la filière méthane, derrière les Cive (cultures intermédiaires à vocation énergétiques, ndlr), qui atteignaient 13 %, et la biomasse d’origine résiduaire (effluents d’élevage, résidus de grandes cultures, coproduits des IAA), qui couvrait la majorité de la ration (73 %). L’étude indique par ailleurs que la filière biogaz absorbait 5 % du maïs fourrage et ensilage produit en France et que les Cive représentaient 3 % des surfaces de grandes cultures. Des surfaces modestes pour l’instant, même si l’essor de la méthanisation est relativement récent en France.
Huit-cents projets dans les tuyaux
nationale pour l’instant, mais les auteurs tracent aussi des perspectives, en étudiant le potentiel de chaque ressource. Un millier d’unités de biogaz étaient installées au 31 décembre 2021, auxquelles pourraient s’ajouter environ 800 projets. Si ces projets voient le jour, la méthanisation « pourrait susciter des tensions sur certains approvisionnements locaux en biomasse ». Il ne s’agirait pas du maïs, mais des pailles ou des pulpes de betterave. Mis à part ces produits, « la biomasse disponible prise dans son ensemble à l’échelle nationale paraît suffisante à l’heure actuelle et semble laisser une marge de croissance à la méthanisation ». En matière de politiques publiques, les auteurs estiment qu’à terme, un « arbitrage national sur l’usage de la biomasse fermentescible pourra devenir nécessaire pour fixer les objectifs de production de biométhane par la méthanisation ». Il pourra prendre en compte plusieurs facteurs : sol, ressources hydriques, capacités logistiques, besoins protéiques des cheptels… Une planification qui ouvre, selon eux, la voie à une « gestion locale par les services déconcentrés et les collectivités territoriales des complémentarités et conflits d’usages de la biomasse ». Les effluents d’élevage « devraient rester l’intrant majoritaire dans les méthaniseurs français ». Car pour l’heure, un cinquième de la ressource est mobilisé et « une large mobilisation supplémentaire est possible ». La région Hauts-de-France a toutefois déjà mobilisé 45 % de son gisement.
Résidus sous tension
Les résidus de céréales (2 % des matières totales utilisées) recèlent un gisement important (15 % du gisement utilisé), mais leur usage « dépendra des dynamiques d’évolution de l’élevage et de ses besoins en litière, ainsi que du développement d’autres usages comme celui de la fabrication de biomatériaux », prévoient les auteurs de l’étude. De même, les résidus d’industrie agroalimentaire vont être l’objet d’une « situation de concurrence d’usages à anticiper » entre alimentation animale et biogaz. Le cas de la pulpe de betterave est particulièrement sensible. L’étude prédit que si les vingt-cinq sucreries françaises décidaient de construire chacune une unité de méthanisation, elles pourraient capter 71 % du gisement. Le débouché alimentation animale deviendrait ainsi minoritaire, alors qu’il est majoritaire actuellement (90 %). Pour les cultures intermédiaires, le gisement est difficile à estimer. Son calcul dépend notamment des « critères de durabilité qui seront imposés à ce type de production de biomasse non-alimentaire ». Les auteurs sont convaincus qu’un certain « potentiel de recours supplémentaire existe ». Toutefois, ils s’interrogent : est-il « substantiel, modéré, restreint » ? « Sachons raison garder », a réagi la présidente de la FNSEA, Christiane Lambert, le 6 septembre dernier, lors de sa conférence de presse de rentrée, sur l’opportunité d’encadrer davantage l’utilisation de fourrages par la méthanisation. L’idée a notamment été proposée par la FDSEA d’Ille-et-Vilaine au début de l’été. « J’entends les crispations en année de sécheresse, mais il faut raisonner sur une période plus longue et ne pas s’emballer », a expliqué l’éleveuse du Maine-et-Loire. Elle a notamment tenu à rappeler l’existence d’un plafond réglementaire en vigueur de 15 % pour les cultures dédiées.